Hélène Ginabat
ROME, mardi 16 octobre 2012 (ZENIT.org) – L’Eglise doit « être prête à répondre » aux nouveaux défis qui se profilent, déclare Mgr Nicolas Djomo Lola, évêque de Tshumbe. Elle doit « suivre l’évolution d’un monde qui change, en prendre acte », sans reculer.
Le président de la Conférence épiscopale de la République démocratique du Congo (Cenco) se dit « heureux » de participer, au Vatican, au synode pour la Nouvelle évangélisation (7-28 octobre 2012). Il l’a exprimé aux journalistes qu’il a rencontrés hier, lundi 15 octobre, à l’occasion du « point presse » quotidien de la mi-journée, en français, avec Romilda Ferrauto.
L’évêque parle d’autorité, en homme pour qui la foi implique de « ne pas reculer », pas même devant les menaces de mort, qui « font partie intégrante de la mission » : c’est aussi le cas d’autres évêques, comme à Bukavu, un siège épiscopal qui a vu disparaître tragiquement plusieurs de ses pasteurs. « C’est la logique de la croix du Christ », souligne-t-il en souriant.
Un synode pastoral
Mgr Djomo Lola, qui était déjà présent au synode sur l’Afrique en 2009, est très frappé par la diversité des situations vécues dans l’Eglise universelle : « Ce synode touche des réalités concrètes », dit-il, « il est très pastoral ». « On s’interroge sur les raisons – pourquoi les chrétiens partent ou ne viennent pas ? – et sur les réponses à donner ». Il espère que cette diversité sera aussi exprimée dans les Propositions que le synode remettra au pape Benoît XVI au terme de ses débats.
« Toutes ces expériences sont très enrichissantes », s’enthousiasme l’évêque congolais, qui se dit particulièrement attentif à celles des chrétiens en pays musulmans, en particulier en Afrique de l’ouest et au Moyen-Orient car, même si les musulmans sont actuellement une très petite minorité au Congo, des programmes d’islamisation du pays existent déjà, explique-t-il.
La question de la nouvelle évangélisation concerne-t-elle aussi le Congo ? Oui, répond le président de la Cenco, « tous les pays sont confrontés à cette question, elle n’est pas propre aux Européens ».
Réagir à la « malcroyance »
« Au Congo, pays à grande majorité catholique, on ne peut pas parler de déchristianisation forte, observe Mgr Djomo Lola, même si l’on voit apparaître des pans de sécularisation ». Par ailleurs, les gens sont croyants, mais on assiste à une certaine « hémorragie » dans l’Eglise. « A cause de la misère », les fidèles sont à la recherche de solutions immédiates à leurs problèmes concrets. Les sectes, qui offrent un accueil chaleureux et des réponses illusoires, prolifèrent.
Il faut donc réagir à cette « malcroyance » par « une pastorale adaptée » : mettre au point d’abord « une pédagogie catéchétique », pour « garder les chrétiens dans la foi catholique, de façon vraie, et les aider à affronter leurs difficultés ».
Le Catéchisme de l’Eglise catholique
Dans cette intention, l’évêque de Tshumbe a pu donner cette année, à chacun de ses prêtres, le Catéchisme de l’Eglise catholique, enfin édité dans une version plus économique par les sœurs de Saint-Paul. Il doit encore être traduit dans les quatre langues nationales du pays avant de pouvoir être étudié dans les séminaires et les universités. Il s’agira ensuite de l’adapter pour le rendre accessible aux populations.
« Si les gens avaient une foi profonde et enracinée, ils ne quitteraient pas l’Eglise ». Pour Mgr Djomo Lola, telle est l’idée force que Benoît XVI a donnée en inaugurant le synode. Pour lui, le pape « insiste sur la nécessité pour les chrétiens d’avoir une foi qui ait des racines solides, afin de vivre une vie chrétienne riche et de devenir des missionnaires ».
Des communautés accueillantes
Il faut, déclare-t-il, non seulement développer des petites communautés accueillantes, mais aussi « former les prêtres et les catéchistes à l’accueil et à l’écoute », pour qu’ils accompagnent le cheminement des fidèles et les aident à grandir dans la foi en « les amenant au Christ »,
Ces petites communautés de base, avec des laïcs, sont « très appropriées aux milieux ruraux, plus pauvres », constate-t-il encore. Déjà lancées il y a cinquante ans, elles sont « à l’image de l’Eglise primitive » : il s’agit de « marcher ensemble », « comme Jésus avec ses disciples ». Elles permettent « un cheminement important pour la vitalité de la foi ».
Si l’évêque congolais n’attend pas du synode qu’il apporte des solutions toutes faites, il se réjouit de « l’élan nouveau » qu’il suscite, de cette « nouvelle ardeur » dans la recherche de moyens pour aider les fidèles. On y échange « des expériences et des pratiques pour construire nos propres modèles ».
Mgr Djomo Lola est convaincu que l’Eglise doit « être prête à répondre » aux nouveaux défis qui se profilent, comme le matérialisme qui atteint aussi le sud. Elle doit « suivre l’évolution d’un monde qui change, en prendre acte ».
Médiateur de paix et serviteur
La Conférence nationale des évêques de la République démocratique du Congo est réputée pour ses interventions courageuses, en particulier lors des dernières élections.
Dans ce pays, marqué par les guerres et par une grande instabilité à l’Est, où l’exploitation illicite des ressources minières est dominée par des bandes armées, « la misère est immense », explique Mgr Djomo Lola. L’évêque se désole que les ressources, qui devraient permettre le développement du Congo, fassent le malheur des populations. Il est « urgent » d’appliquer la doctrine sociale de l’Eglise», affirme-t-il, afin de « contribuer à la paix, à la croissance économique, au respect des droits de l’homme, à l’instauration d’une vraie démocratie ».
Majoritaire et proche du peuple, l’Eglise catholique, très engagée, « est estimée par la population » et « écoutée par les dirigeants », poursuit le président de la Conférence épiscopale. En février dernier, après la crise, l’Eglise a rencontré, le même jour, le président de la république et les opposants, les exhortant à « être serviteurs du peuple, à travailler pour le bien du peuple ». Nous étions « les seuls à pouvoir le faire », raconte-t-il, non sans une certaine fierté.
La Marche pour la paix
Récemment encore, face à une recrudescence de la violence, l’Eglise a organisé trois jours de marche et de prière ; toute la population s’est mobilisée.
Le courageux évêque s’est même rendu à Washington, pour demander une règlementation de l’exploitation des mines (2000 sociétés américaines font du commerce avec les groupes armés, précise-t-il). S’il a été entendu aux Etats-Unis, ses appels à Toronto n’ont pas connu le même succès.
Active sur tous les fronts, l’Eglise du Congo est aussi aux côtés des femmes victimes des viols collectifs, utilisés comme armes de guerre, dans la région du Kivu. Des foyers d’accueil et des hôpitaux ont été créés pour elles, dans les diocèses de l’Est, et une visite pastorale a été organisée là-bas en septembre dernier.
L’importance vitale de la Doctrine sociale
Dans les milieux ruraux enfin, où la pauvreté pousse les parents à scolariser leurs fils au détriment des filles, l’Eglise encourage la création d’écoles pour celles-ci et l’alphabétisation des femmes.
Il faut développer la doctrine sociale, insiste l’év
êque de Tshumbe, pour « restaurer la dignité des personnes ». C’est l’expression de notre foi.
Mgr Djomo Lola est intervenu au synode au cours de la troisième congrégation générale, le 9 octobre 2012. Il a souligné l’importance pour l’Eglise d’Afrique de « développer une catéchèse » spécifique pour les jeunes, afin qu’ils contribuent à « l’émergence d’une Afrique apaisée, juste, sécurisée et prospère » (cf. Zenit, mardi 9 octobre 2012).