ROME, samedi 13 octobre 2012 (ZENIT.org) – L’« aggiornamento » du Concile « ne signifie pas rupture avec la tradition, mais en exprime la vitalité continuelle ; elle ne signifie pas réduire la foi, en l’abaissant à la mode des époques, à l’aune de ce qui nous plaît, de ce qui plaît à l’opinion publique, mais c’est le contraire », affirme Benoît XVI dans un discours qui fera date.

Le pape Benoît XVI a en effet reçu en audience en la salle Clémentine du Vatican, vendredi 12 octobre, les "Pères conciliaires" venus participer à l’ouverture de l’Année de la foi (cf.  Zenit, de ce 13 octobre 2012 pour leurs noms), ainsi que les patriarches et archevêques des Eglises orientales catholiques, et de nombreux présidents des Conférences épiscopales du monde venus à Rome pour l’ouverture de l’Année de la foi, le jour du 50e anniversaire du début des travaux de Vatican II.

Le pape a été accueilli par le cardinal nigérian Francis Arinze, préfet émérite de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, le plus jeune – bientôt 80 ans - des quelque 70 pères conciliaires encore en vie.

Discours de Benoît XVI :

Chers frères vénérés,

Nous nous retrouvons aujourd’hui ensemble, après la célébration solennelle qui nous a rassemblés hier Place Saint-Pierre. La salutation cordiale et fraternelle que je désire vous adresser  naît de la communion profonde que seule la célébration eucharistique est capable de créer. En elle se rendent visibles, quasi tangibles, les liens qui nous unissent en tant que membres du Collège épiscopal, unis au Successeur de Pierre.

Sur vos visages, chers Patriarches et Archevêques des Eglises orientales catholiques, chers Présidents des Conférences épiscopales du monde, je vois aussi les centaines d’évêques qui, dans toutes les régions de la terre sont engagés dans l’annonce de l’Evangile, et dans le service de l’Eglise et de l’homme, dans l’obéissance au mandat reçu du Christ. Mais c’est à vous aujourd’hui que je voudrais adresser une salutation particulière, chers frères qui avez eu la grâce de participer, en tant que Pères, au Concile œcuménique Vatican II. Je remercie le cardinal Arinze, qui s’est fait l’interprète de vos sentiments, et en ce moment, je garde présent dans la prière et dans l’affection tout le groupe d’évêques encore en vie qui ont pris part aux travaux du Concile – presque soixante-dix –. En répondant à l’invitation pour cette commémoration, à laquelle ils n’ont pas pu être présents en raison de leur âge avancé et de leur santé, beaucoup d’entre eux ont rappelé ces journées, par des paroles émouvantes, en assurant de leur union spirituelle en ce moment, y compris par l’offrande de leur souffrance.

Ils sont tellement nombreux les souvenirs de cette période si vivante, riche et féconde, qu’a été le Concile, qui affleurent à notre esprit et que chacun garde bien imprimé dans le cœur ! Mais je ne veux pas m’étendre trop, pourtant, en reprenant des éléments de mon homélie d’hier, je voudrais seulement rappeler comment un mot, lancé par le bienheureux Jean XXIII, de façon quasi programmatique, s’est retrouvé continuellement dans les travaux conciliaires : le mot «aggiornamento».

Cinquante ans après l’ouverture de ces assises solennelles de l’Eglise, d’aucuns se demanderont si cette expression, peut-être dès le début, a été très heureuse. Je pense que l’on pourrait discuter pendant des heures sur le choix des mots, et l’on trouverait des avis continuellement discordants, mais je suis convaincu que l’intuition du bienheureux Jean XXIII résumée par ce mot a été et est encore exacte. Le christianisme ne doit pas être considéré comme « quelque chose du passé », et il ne doit pas être vécu avec le regard fixé en permanence « en arrière », parce que Jésus Christ est hier, aujourd’hui et pour l’éternité (cf. He 13,8). Le christianisme est marqué par la présence du Dieu éternel qui est entré dans le temps et qui est présent à chaque époque, afin que chaque époque jaillisse de sa puissance créatrice, de son éternel « aujourd’hui ».

C’est pour cela que le christianisme est toujours nouveau. Nous ne devons jamais le voir comme un arbre pleinement développé à partir du grain de moutarde évangélique, qui a grandi, a donné ses fruits, et un beau jour vieillit et dont énergie vitale arrive à son crépuscule. Le christianisme est un arbre qui est, pour ainsi dire, dans une aurore « permanente », est toujours jeune. Et cette actualité, cet « aggiornamento », ne signifie pas rupture avec la tradition, mais en exprime la vitalité continuelle ; elle ne signifie pas réduire la foi, en l’abaissant à la mode des époques, à l’aune de ce qui nous plaît, à ce qui plaît à l’opinion publique, mais c’est le contraire : exactement comme l’ont fait les Pères conciliaires, nous devons amener « l’aujourd’hui » que nous vivons à l’aune de l’événement chrétien, nous devons amener « l’aujourd’hui » de notre temps dans « l’aujourd’hui » de Dieu.

Le Concile a été un temps de grâce pendant lequel l’Esprit Saint nous a enseigné que l’Eglise, pendant sa marche dans l’histoire, doit toujours parler à l’homme contemporain, mais cela ne peut advenir que grâce à la force de ceux qui ont des racines profondes en Dieu, qui se laissent guider par Lui et vivent leur foi avec pureté ; cela ne vient pas de qui se modèle sur le moment qui passe, choisit la voie la plus commode. Le Concile le voyait clairement, lorsque la Constitution dogmatique sur l’Eglise, Lumen Gentium, a affirmé, au paragraphe 49, que tous dans l’Eglise sont appelés à la sainteté selon les paroles de l’Apôtre Paul : « La volonté de Dieu, c’est votre sanctification » (1 Th 4,3): la sainteté manifeste le vrai visage de l’Eglise, fait entrer « l’aujourd’hui » éternel de Dieu dans « l’aujourd’hui » de notre vie, dans « l’aujourd’hui » de l’homme de notre temps.

Chers frères dans l’épiscopat, la mémoire du passé est précieuse, mais elle n’est jamais une fin en soi. L’Année de la foi que nous avons inaugurée hier nous suggère la meilleure façon de rappeler et de commémorer le Concile : se concentrer sur le cœur de son message, qui du reste n’est rien d’autre que le message de la foi en Jésus-Christ, unique Sauveur du monde, proclamée à l’homme de notre époque. Aujourd’hui encore, ce qui est important et essentiel, c’est d’amener le rayon de l’amour de Dieu dans le cœur et dans la vie de chaque homme et de chaque femme, et d’amener à Dieu les hommes et les femmes de tout lieu et de toute époque.

Je souhaite vivement que toutes les Eglises particulières trouvent, dans la célébration de cette Année, l’occasion du retour toujours nécessaire à la source vive de l’Evangile, à la rencontre transformante avec la personne de Jésus Christ. Merci.

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Traduction de Zenit, Anita Bourdin