Anne Kurian
ROME, mardi 2 octobre 2012 (ZENIT.org) – Pour le Saint Siège, la réponse aux diverses crises actuelles est « morale » : « seule une communauté internationale fortement ancrée sur les valeurs authentiquement conformes à la dignité humaine pourra apporter des solutions viables aux nouveaux types de conflits », affirme-t-il.
Mgr Dominique Mamberti, secrétaire pour les relations du Saint-Siège avec les Etats, est intervenu hier, 1er octobre 2012, dans le cadre de la 67ème session de l’assemblée générale des Nations Unies à New York, dont les travaux ont pour thème central le règlement de différends à caractère international par des moyens pacifiques.
Pour une gouvernance mondiale juste et véritable
« Depuis la création de l’Organisation des Nations Unies, il y a 77 ans, s’est développé un Corpus juridique de référence quasi universelle afin de promouvoir des rapports sociaux fondés sur le droit et d’avancer vers une paix durable », souligne Mgr Mamberti, qui y voit « une des réalisations les plus réussies des Nations Unies ».
Jusqu’à aujourd’hui, poursuit-il, « les Nations Unies, de concert avec les Organisations régionales, sont parvenues à apporter une contribution essentielle à la résolution de nombreuses situations d’urgence ».
Toutefois, déplore l’archevêque, « la réalité actuelle » présente « un système onusien comme dépourvu de la force d’unité et de persuasion que l’on pourrait légitimement en attendre, et comme le lieu où s’exercent des rapports de force, souvent, malheureusement, au profit d’intérêts stratégiques particuliers ».
Aujourd’hui en effet, la planète est la proie de divers facteurs de trouble, « dans un contexte d’interdépendance généralisée » : « la disparité entre richesse et pauvreté se révèle plus grave encore », et « l’éventualité de conflits régionaux aux conséquences imprévisibles constitue à nouveau un horizon menaçant », constate Mgr Mamberti.
Par voie de conséquence, le « recours à la criminalité, au terrorisme, à la guerre » apparaît à certains secteurs de la population mondiale comme « la manière la plus facile de sortir de la pauvreté et de devenir des protagonistes dans ce village mondial ».
Face à cette situation, « les multiples liens juridiques et économiques qui unissent les Nations ne sont pas suffisamment justes et équitables », fait observer l’archevêque, et même « ils ont fini par devenir la courroie de transmission d’une grave crise économique et financière ».
Force est de constater que « malgré l’adhésion universelle à la Charte des Nations Unies et aux traités fondamentaux », on n’est pas parvenu « à instaurer une gouvernance mondiale juste et véritable ».
La réponse est d’ordre moral
Pour le Saint-Siège, la réponse est « d’ordre moral » : elle concerne « les valeurs qui sous-tendent nécessairement toute société humaine ». La délégation du Saint-Siège, présente depuis 1964 au siège de New York, a justement pour but d’« offrir à la communauté internationale une vision transcendante de la vie et des rapports sociaux, rappelant en particulier la dignité de la personne et ses droits fondamentaux », rappelle Mgr Mamberti.
L’archevêque dénonce un « affaiblissement de la portée pratique » des principes énumérés dans la Charte des Nations Unies, citant en particulier « la préservation des générations futures du fléau de la guerre ; la pratique de la tolérance et du bon esprit de voisinage ; l’union des forces pour le maintien de la paix et la sécurité ; le recours à des moyens pacifiques pour régler les différends conformément aux principes de justice et du droit international ».
Aujourd’hui, poursuit-il, « la perte de confiance dans la valeur du dialogue, la tentation de favoriser a priori l’une des parties en cause dans les conflits régionaux et nationaux », prévalent sur les valeurs de la Charte de l’ONU. Il mentionne la crise du Moyen-Orient, qui exprime « l’urgence de la situation ».
Selon le Saint-Siège, « seule une communauté internationale fortement ancrée sur les valeurs authentiquement conformes à la dignité humaine pourra apporter des solutions viables aux nouveaux types de conflits engagés par des groupes transnationaux, qui diffusent une idéologie hégémonique pseudo-religieuse au mépris des droits des personnes et de la paix civile ».
En plus de ces problèmes, la crise économique actuelle menace « d’un effondrement des systèmes financiers » et suscite des « conséquences graves au niveau de la cohésion sociale », en faisant notamment « réapparaître de vieux fantasmes tels que le nationalisme exacerbé, le populisme et la xénophobie ». A cela s’ajoute « le drame de millions de personnes accablées par la faim, le manque de soins sanitaires élémentaires et la misère, ainsi que le drame des foules immenses vivant dans des conditions inhumaines, populations déplacées ou refugiées, parmi lesquels les enfants se comptent par milliers », ajoute Mgr Mamberti.
Une crise anthropologique
A la base de la difficulté à trouver des « solutions communes », estime l’archevêque, se manifeste une « crise anthropologique », c’est-à-dire une « faible conviction de la dignité suprême de toute personne, même quand elle vient d’être conçue ou quand elle se trouve dans un état végétatif ou terminal ».
Or il n’est pas possible de « garantir une coexistence pacifique et une coopération effective entre les Etats », si l’on s’en tient à une « vision anthropologique qui, sans nier en théorie l’importance de la dignité et des droits fondamentaux de la personne, relègue la dimension profonde de celle-ci et son unicité au rang de facteurs secondaires, et fait prévaloir des concepts collectifs vagues, réduisant la personne à la simple catégorie de « consommateur » ou « d’agent de production du marché » », explique-t-il.
La personne humaine, insiste Mgr Mamberti, « n’est pas un simple numéro dans la masse de la population mondiale ». Il s’agit « d’hommes et de femmes, chacun avec sa dignité et ses droits », rappelle-t-il, mettant en garde : occulter ces éléments conduit « irrémédiablement à la désintégration sociale et au conflit ».
L’archevêque soulève la nécessité de « rejeter » l’interprétation des traités sur les droits de l’homme qui ont « une vision réductrice et relativiste de l’homme, qui, usant habilement des expressions ambigües, menace le droit à la vie et tend à une déconstruction du modèle de la famille, fondée sur l’union d’un homme et d’une femme, orientée à la procréation et à l’éducation des enfants ».
Il invite en ce sens à « un effort constamment renouvelé pour revenir à la vision fondatrice » de l’ONU car « la paix ne pourra se faire sans une conviction partagée sur les valeurs fondamentales qui garantissent le respect de la dignité humaine ».
L’action des gouvernements et des organisations internationales doit « promouvoir un développement humain intégral », en s’appuyant sur « la dignité humaine » et la « dimension transcendante » de l’homme, déclare Mgr Mamberti par ailleurs.
A ce propos, souligne-t-il, « la religion ne saurait être conçue autrement que comme un facteur de paix et de progrès, une force vitale pour le bien de tous » car « elle conduit les hommes à dépasser tout intérêt égoïste et à consacrer leurs énergies au service des autres ».
Il condamne donc « toutes les formes de fanatisme, d’exclusivisme, tout acte de violence à l’égard du prochain » qui sont « une exploitation et une déviation de la rel
igion » et il dénonce « une conception biaisée de la laïcité » qui conduit à « réduire le fait religieux à la sphère privée », ce qui « ne peut que miner les bases de toute coexistence pacifique, tant sur le plan national qu’international ».