ROME, Lundi 12 octobre 2009 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous les synthèses des discours des pères du synode sur l’Afrique, intervenus lors de la onzième Congrégation générale, lundi 12 octobre dans la matinée, ainsi que les synthèses des interventions des auditeurs. Il s’agit des synthèses de :
– Mgr George Cosmas Zumaire LUNGU, Évêque de Chipata, Président de la Conférence Épiscopale (ZAMBIE)
– Card. Wilfrid Fox NAPIER, O.F.M., Archevêque de Durban (AFRIQUE DU SUD)
– Mgr Jean-Pierre TAFUNGA, S.D.B., Archevêque Coadjuteur de Lubumbashi (RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO)
– Mgr Louis NZALA KIANZA, Évêque de Popokabaka (RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO)
– Mgr Antonio Maria VEGLIÒ, Archevêque titulaire d’Eclano, Président du Conseil Pontifical pour la Pastorale des Migrants et des personnes en déplacement (CITÉ DU VATICAN)
– Mgr Luigi BRESSAN, Archevêque de Trento, Président de la Commission Épiscopale pour le Évangélizzation des Peuples et la coopération entre les Églises de la Conférence Épiscopale Italienne (ITALIE)
– Card. John NJUE, Archevêque de Nairobi, Président de la Conférence Épiscopale (KENYA)
– Mgr Gianfranco RAVASI, Archevêque titulaire de Villamagna di Proconsolare, Président du Conseil Pontifical pour la Culture (CITÉ DU VATICAN)
– Mgr Joseph Edra UKPO, Archevêque de Calabar (NIGÉRIA)
– Mgr Gervais BANSHIMIYUBUSA, Évêque de Ngozi (BURUNDI)
– Mgr Menghisteab TESFAMARIAM, M.C.C.J., Éparche d’Asmara (ÉRYTHRÉE)
– Mgr Martin Igwemezie UZOUKWU, Évêque de Minna (NIGÉRIA)
– Mgr Timothée MODIBO-NZOCKENA, Évêque de Franceville, Président de la Conférence Épiscopale, Président de l’Association des Conférences de la Région de l’Afrique Centrale (A.C.E.R.A.C.) (GABON)
– Mgr Augustine Obiora AKUBEZE, Évêque d’Uromi (NIGÉRIA)
– Mgr Jaime Pedro GONÇALVES, Archevêque de Beira (MOZAMBIQUE)
– Mgr Théophile KABOY RUBONEKA, Évêque Coadjuteur de Goma (RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO)
– Mgr Evariste NGOYAGOYE, Archevêque de Bujumbura, Président de la Conférence Épiscopale (BURUNDI)
– Mgr Marcel Honorat Léon AGBOTON, Archevêque de Cotonou, Vice-Président de la Conférence Épiscopale (BÉNIN)
– Mgr Jean-Claude MAKAYA LOEMBA, Évêque de Pointe-Noire (RÉPUBLIQUE DU CONGO)
– Mgr George BIGUZZI, S.X., Évêque de Makeni, Président de la Conférence Épiscopale (SIERRA LEONE)
– Mgr Egidio NKAIJANABWO, Évêque de Kasese (OUGANDA)
Et pour les auditeurs :
– Soeur Bernadette GUISSOU, S.I.C.O., Supérieure Générale des Soeurs de l’Immaculée Conception, Ouagadougou (BURKINA FASO)
– Mme Marguerite BARANKITSE, Fondatrice de la Maison Shalom, Ruyigi (BURUNDI)
– Rév. P. Speratus KAMANZI, A.J., Supérieur Général des Apôtres de Jésus, Nairobi (KENYA)
– M. Elard ALUMANDO, Directeur Pays du DREAM Program (MALAWI)
– Prof. Alöyse Raymond NDIAYE, Président du Comité National des Chevaliers de l’Ordre de Malte au Sénégal, Dakar (SÉNÉGAL)
– M. Assandé Martial EBA, Membre de la « Fondation Internationale Notre Dame de la Paix », Yamoussoukro (CÔTE D’IVOIRE)
– Fr. André SENE, O.H., Responsable de la Pastorale de la Santé dans le diocése de Thies (SÉNÉGAL)
Nous reprenons ci-dessous les résumés des interventions, publiés par la secrétairerie générale du Synode (traductions de travail, non officielles).
– Mgr George Cosmas Zumaire LUNGU, Évêque de Chipata, Président de la Conférence Épiscopale (ZAMBIE)
Nous avons vu des commissions justice et paix être constituées dans la plupart de nos paroisses et même dans quelques petites communautés chrétiennes (SCC). Ces commissions ont fait une immense différence en aidant nos chrétiens à faire des interventions informées en matière sociale. C’est en partie grâce au travail de ces commissions justice et paix, que l’Église catholique en Zambie est considérée par les catholiques et par les non-catholiques comme une institution crédible et cohérente dans la promotion des droits de l’homme.
Nous avons également été bénis dans le domaine des communications sociales où nous disposons maintenant de stations de radio de la communauté catholique dans neuf de nos dix diocèses. Les stations de radio jouent un rôle important en matière d’évangélisation, en particulier dans la promotion de la bonne gouvernance et de l’éducation civique. Les communautés rurales, au sein desquelles l’illettrisme est très fort, trouvent maintenant leur voix, articulant librement leur foi à la radio sur les questions concernant la justice au sein de leurs communautés. La plupart de nos stations de radio laissent couramment une place aux non-catholiques.
Cependant, cela n’est pas suffisant. Nous sommes conscients du fait que nous devons faire face à de nombreux défis. Par exemple, comme dans d’autres pays bénis par la présence de ressources minérales, nous avons des sociétés multinationales dans notre pays qui ont démontré très peu d’intérêt dans la promotion du bien-être de notre peuple, spécialement dans le domaine des mines. Ce secteur a un impact négatif sur l’environnement. Pour cette raison, la Zambie accueillera une importante réunion internationale sur l’impact des industries minières dans les pays pauvres, juste après la conclusion de ce synode.
En outre, nous sommes fortement mis à l’épreuve par l’impact de la pauvreté sur l’environnement. Par exemple, la pauvreté conduit à la destruction délibérée de forêts en vue de la production de charbon de bois et avec des méthodes de culture insoutenables. En tant qu’Église, nous devons parvenir à mitiger cette situation. Je voudrais donc suggérer que ce Synode fasse une déclaration forte et claire relative à nos inquiétudes sur les questions de justice environnementale qui puisse servir de contribution à la future Conférence de Copenhague sur l’environnement.
– Card. Wilfrid Fox NAPIER, O.F.M., Archevêque de Durban (AFRIQUE DU SUD)
Il est vrai qu’il y a eu peu de coups d’état depuis la dernière session du Synode africain de 1994 mais le monstre qui usurpe le pouvoir de manière non démocratique n’a pas disparu. Il a plutôt changé d’aspect et de modus operandi.
Nous pouvons ne plus voir de leaders qui assument un pouvoir absolu ou s’autoproclament « Président à vie ». Mais, de plus en plus, nous voyons les partis politiques assumer cette attitude.
Par exemple, les pays suivants d’Afrique méridionale – Botswana, Angola, Zimbabwe et Mozambique – ont été gouvernés depuis leur libération par le même parti.
Bien entendu, il n’y a aucun mal à cela si l’électorat lui donne ce mandat librement et de manière équitable. Cependant, il existe des signes qui font penser qu’il n’en est pas ainsi:
– lorsqu’un parti s’attribue tout le mérite de la libération;
– lorsqu’il prétend qu’il est le seul à savoir ce que le peuple veut ou ce dont il a besoin, même s’il refuse de le lui demander ou de l’écouter;
– lorsqu’il met en place des législations et impose des politiques qui sont manifestement en opposition avec les désirs connus du peuple;
– lorsqu’il prétend que toute personne d’opinion contraire est ipso facto un contre-révolutionnaire, un raciste s’opposant à la transformation etc;
alors, quelque chose doit être vraiment mauvais.
En fait, cela fait penser que le parti en question ait d’ores et déjà effectué un coup d’état en tout même si cela n’en a pas le nom. Pour ajouter l’insulte à la blessure, le parti se déclare en faveur des pauvres et s’engage à mettre en place des politiques favorables aux pauvres même si ses militants s’enrichissent de manière si vorace que le coefficient Gini du pays (le différence entre les plus riches et les plus pauvres) le place en tête de liste!
Le cou
p d’état est sûrement réalisé lorsque le Parti choisit d’écouter ses alliés idéologiques plutôt que les pauvres et les nécessiteux qui représentent la majorité qui l’a élu.
Le coup d’état est réalisé quand le parti s’identifie de manière si complète avec l’état que son président peut se sentir libre d’affirmer: « (notre parti) gouvernera jusqu’au retour de Jésus Christ »! Ne laisse-t-il pas entendre que rien, pas même le processus démocratique, ne le délogera pas du pouvoir?Frères et sœurs, c’est dans cette direction que, de plus en plus de responsables, amènent notre continent. Dans le processus, ils ont tourné le dos à leur héritage religieux et culturel dans lequel Dieu joue un grand rôle. Ils ont embrassé en revanche une idéologie sans Dieu et sans vie qui fait des ravages parmi les pauvres là où elle a été imposée.
Il existe sûrement une raison pour prier et travailler afin qu’un miracle apporte une libération véritable et soutenable, non pas des colonisateurs, mais cette fois-ci de la dictature du Parti tout-puissant qui a pris le pouvoir à travers un coup d’état silencieux!
– Mgr Jean-Pierre TAFUNGA, S.D.B., Archevêque Coadjuteur de Lubumbashi (RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO)
Dans la plupart des cultures africaines, le mal est conçu comme une conséquence d’une transgression de ce qui est prescrit, qu’il s’agisse des préceptes divins – qui appellent inconditionnellement obéissance et soumission – ou d’une loi sociale dictée par les autorités qui gouvernent ou encore des interdits ou prescriptions rituelles. Tout acte qui diminue ou détruit la vie et tout acte ou attitude et comportement qui brise l’unité, l’ordre ou l’harmonie des choses est considéré comme étant un mal.
Suivant le genre de fautes commises, la personne concernée est appelée à avouer en toute franchise le mal commis. Cet aveu généralement se fait devant le chef, garant de l’ordre social ou devant un guérisseur. Dans certains cas, l’aveu se fait devant la communauté. L’incriminé est appelé à manifester sa ferme résolution de réparer nécessairement le tort causé.
Est concerné dans la réparation l’individu qui a commis le forfait ou à défaut, sa famille. La réparation se fait en payant les frais prescrits, les dommages et intérêts. Suivant les cultures, les frais équivalent à une somme d’argent prescrite par la tradition selon la gravité de la faute. Les dommages intérêts consistent à offrir un animal vivant ou un produit de la chasse.
Les personnes lésées peuvent alors accorder le pardon à ceux qui les ont offensées. La réparation clôt le processus aussitôt que la personne est pardonnée et la réparation effectuée.
Le point culminant de la réparation est le rite de réconciliation. Par peur de châtiment (mort subite, brutale, inopinée, etc) qui proviendrait directement de Dieu ou d’un féticheur, le transgresseur devrait accomplir le rite de réconciliation pour parfaire sa démarche et obtenir le pardon. Ce rite se déroulait en un endroit sacré, devant la communauté et l’officiant (mystagogue) qui présidait la cérémonie.
Les formules d’aveu, les attitudes du pénitent, les sévices corporels, les matières et objets utilisés et leur symbolisme ainsi que les gestes et formules que prononce l’officiant pour purifier le pénitent diffèrent suivant les tribus.
L’aveu est toujours suivi des conseils et des admonitions sévères pour aider à la conversion définitive. Il s’accompagne des rites parmi lesquels l’on doit signaler notamment : la cérémonie ritualisée de la bénédiction et du grand pardon ; le repas festif et communautaire, symbole de joie d’avoir recouvert la bonne situation d’avant la faute et d’avoir réconcilié les membres d’une communauté ; le paiement des honoraires à l’officiant; le rite d’apaisement des fétiches vengeurs ou des esprits lorsqu’on est maudit par l’offensé.
– Mgr Louis NZALA KIANZA, Évêque de Popokabaka (RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO)
Nous pensons qu’il est impérieux que la solidarité ainsi envisagée ne se limite pas à l’échange d’expériences pastorales, mais prenne en compte nécessairement la question vitale du partage du personnel et des biens.
En effet, les graves problèmes de la pauvreté, de la misère, de la tragédie de la faim, du manque d’accès aux soins médicaux et à d’autres besoins primordiaux que connaissent la plupart des pays africains, exigent de nos Églises aujourd’hui un nouvel esprit de solidarité, de communion et de charité inventive. Les Églises d’Afrique doivent être plus audacieuses, inventives et pro-actives pour développer les structures susceptibles d’inscrire dans leur praxis ecclésiale cette solidarité organique.
Sans négliger la dimension importante de solidarité au niveau de l’Église universelle, il est temps de développer davantage les rapports de solidarité au sein d’un même diocèse, entre différents diocèses, au sein d’une même conférence épiscopale et entre les différentes conférences épiscopales en Afrique.
Nous pensons qu’à l’heure où nous parlons de justice et de paix, il est urgent d’actualiser la constitution des fonds de solidarité au niveau diocésain, national, régional et continental. Un tel fonds de solidarité pourrait nous aider au niveau africain d’intervenir dans la mesure de nos moyens sans attendre tout de l’Occident. Les Caritas diocésaines, nationales, régionales et continentales peuvent être les instruments appropriés pour la constitution de ce fonds.
Nous estimons que l’enjeu de la mise en oeuvre effective de cette solidarité pastorale dans les Églises d’Afrique est une exigence à la fois éthique et théologique. Elle a un fondement christologique et s’enracine au coeur de la foi. Elle n’est donc pas un simple parti pris social ou politique.
– Mgr Antonio Maria VEGLIÒ, Archevêque titulaire d’Eclano, Président du Conseil Pontifical pour la Pastorale des Migrants et des personnes en déplacement (CITÉ DU VATICAN)
La réalité de la pastorale de la mobilité humaine est un phénomène tellement important, tellement étendu et tellement complexe, surtout en Afrique et de l’Afrique, qu’il a toujours été et demeure, un continent intéressé par ce problème, surtout par les flux de migrants, de réfugiés et de personnes déplacées. Au cours de ces trois dernières décennies, diverses circonstances ont contribué à ce phénomène. En plus de la croissante urbanisation, des guerres et des conflits de différente nature ont transformé plusieurs pays en « exportateurs » de réfugiés et d’émigrants vers les pays proches, vers les autres régions du continent ou vers l’étranger. Il y a aussi des facteurs économiques, sociaux, culturels et politiques s’enchevêtrant entre eux, qui obligent les Africains à abandonner leur propre pays d’origine.
Les mouvements migratoires en Afrique sont, de toute façon, plus « horizontaux » que « verticaux ». En effet, la migration intra-continentale est depuis bien longtemps plus importante que celle vers le reste du monde, puisqu’on estime que la migration interne concerne actuellement au moins 40 millions de personnes, pour la plupart Africains. Et tout laisse à penser que ces flux internes et interrégionaux continueront à s’accroître au cours des années et des décennies prochaines.
La crise économique et les conflits qui frappent de nombreux pays du continent africain ont donné lieu à des sentiments préoccupants de xénophobie envers les immigrés, transformés en boucs émissaires pour les problèmes politiques et économiques internes. C’est pourquoi, souvent les politiques migratoires des États se sont endurcies pour rendre la permanence et le développement d’activités difficiles pour les immigrés.
Dans un tel contexte, le respect des droits de l’homme, des principes démocratiques et de l’état de droit, la bonne gouvernance, l’approfondissement du dialogue politi
que et le renforcement de la coopération internationale, représentent les lignes directives sur lesquelles se jouent le présent et l’avenir de l’Afrique.
La dimension pastorale, dans ce processus, n’est pas de seconde importance. Seul un authentique rapport de justice produira, en effet, la paix et, de là, l’Église en Afrique pourra puiser sa force au service de la réconciliation et de l’annonce de l’Évangile.
– Mgr Luigi BRESSAN, Archevêque de Trento, Président de la Commission Épiscopale pour le Évangélizzation des Peuples et la coopération entre les Églises de la Conférence Épiscopale Italienne (ITALIE)
Sens de l’échange fraternel et remerciement pour les témoignages rencontrés sur une foi christologique et donc engagée.
Informations concernant les 3 601 missionnaires italiens en Afrique, disponibles pour des projets pastoraux locaux. Interrogations concernant la présence de nombreux prêtres africains en Italie.
Soutien aux Œuvres pontificales missionnaires et au Fonds de la Conférence épiscopale italienne (CEI) pour le développement; coordination à travers les Conférences des évêques.
Dons que nous attendons: nous renforcer dans la foi.
– Card. John NJUE, Archevêque de Nairobi, Président de la Conférence Épiscopale (KENYA)
L’Afrique continue d’avoir soif de bonne gouvernance. De nombreux pays d’Afrique sont en proie à un mauvais gouvernement, où une faim de pouvoir non contrôlée a conduit à l’impunité, à la corruption, à la manipulation des personnes et d’autres maux sociaux et politiques similaires, produits de coeurs humains qui ont besoin de conversion. L’Église au Kenya et ailleurs en Afrique a continué à lutter pour réaliser des systèmes intégrés de gouvernement qui affrontent la justice à travers le service au bien commun. Les lettres pastorales ont sans arrêt affronté le thème du mauvais gouvernement, qui peut être défini comme le cancer de l’Afrique. C’est cela qui a appauvri les personnes de ce continent.
Beaucoup de personnes sont opprimées et ont un besoin urgent de faire l’expérience de l’assurance du Christ… « L’Esprit du Seigneur est sur moi […] pour porter la bonne nouvelle aux pauvres […] renvoyer en liberté les opprimés » (Lc 4, 17-21).
Ces personnes opprimées doivent être invitées à participer à la construction de systèmes de gouvernement qui soient justes à travers de bonnes constitutions. La constitution du Kenya et celle des autres pays de l’Afrique doivent être revues si elles doivent affronter les thèmes de mauvaise gouvernance, des droits de l’homme, de la réconciliation et du processus de paix qui ne peut être réalisée qu’au moyen de systèmes justes.
Ce qui est évident au Kenya et en Afrique en général, c’est qu’un certain nombre de leaders préféreraient maintenir des constitutions qui leur donnent un pouvoir incontrôlé conduisant à l’anarchie et à la dictature. Les violences qui ont suivi les élections au Kenya en 2008 sont un bon exemple de l’impunité. L’Accord national, qui a été obtenu, donnant naissance à un gouvernement de grande coalition, a été d’un grand soulagement pour les Kényans, dont leurs frères étaient morts en masse ou devenus des réfugiés dans leur propre pays. Toutefois, les réformes proposées comme une solution permanente aux problèmes socio-politiques, doivent encore être mises en pratique. Le procès contre ceux qui ont perpétré ces violences post-élections doit encore commencer.
L’Église au Kenya continue à insister sur l’urgence de réaliser ces réformes au moyen de bons systèmes de justice. L’Église catholique continue d’intensifier l’éducation civique pour que les citoyens connaissent leurs droits et leurs devoirs. Cette éducation est une nécessité pour toute l’Afrique, sur la base des problèmes propres à chaque pays. Par conséquent, il est urgent: d’avoir un programme de formation pour les personnes au gouvernement; former des politiques bons et valables en tant qu’agents d’une bonne gouvernance; de créer des aumôneries pour les politiques; renforcer les médias catholiques pour favoriser la formation morale de tous; promouvoir de partout le rôle prophétique de l’Église; pourvoir d’une manière décisive à la formation permanente de tous les agents d’évangélisation y compris les politiques, basée sur un Catéchisme puissant et sur la Doctrine sociale de l’Église. Ce Synode nous offre une occasion spéciale pour réfléchir sur le cancer qui est en train de dévorer notre Continent et sur le moyen d’y remédier. Une bonne gouvernance n’est pas seulement une priorité, c’est une obligation. Je pourrais aussi ajouter que la politique en Afrique est tellement importante que nous ne pouvons la laisser seulement aux politiques compte tenu des risques que nous avons déjà encourus. Le moment est arrivé d’agir d’une manière constructive!
– Mgr Gianfranco RAVASI, Archevêque titulaire de Villamagna di Proconsolare, Président du Conseil Pontifical pour la Culture (CITÉ DU VATICAN)
Ma voix est celle d’un européen qui, avec admiration et respect, s’adresse à ses frères évêques africains pour leur proposer une intervention, très simple et générale, sur un thème qui s’est retrouvé dans de nombreuses pages de l’Instrumentum laboris et dans les interventions déjà entendues en salle. Même si la couleur noire est le symbole traditionnel du continent, l’Afrique se présente, en réalité, comme un arc-en-ciel chromatique, multiculturel et multireligieux. Seulement pour donner un exemple, l’UNESCO au Cameroun a recensé au moins 250 idiomes différents, tandis que les langues bantoues sont tellement idéologiquement sophistiquées qu’elles utilisent jusqu’à 24 classifications grammaticales des différentes qualités des diverses réalités.
Devant un tel écrin de trésors culturels et spirituels, fait de traditions populaires et familiales, de symboles et rites religieux, de savoir, mémoire, folklore, je voudrais faire seulement trois observations essentielles.
La première contient le souhait que le Synode stimule l’Afrique, sous de nombreuses formes, à conserver sa propre identité culturelle et spirituelle, en empêchant qu’elle se dissolve sous le vent de la sécularisation et de la mondialisation qui souffle avec force également sur les 53 nations africaines. L’Afrique doit, cependant, respirer aussi les valeurs positives de la moderne communion universelle et, par conséquent, doit savoir combattre le nationalisme, les intégralismes ethniques, les particolarismes tribaux et les fondamentalismes religieux.
La deuxième considération propose, au contraire, que le Synode puisse s’adresser également à l’Occident et au Nord du monde, pour que s’instaure ce dialogue que Mgr Monsegwo Pasinya a, dans sa relation, appelé d’une manière suggestive le partenariat, non seulement des matières premières, mais aussi des matières grises, c’est-à-dire des valeurs, créant des espaces de compréhension et de communion, et non pas de colonisation ou au contraire de rejet réciproque. C’est ce qui s’était passé durant les premiers siècles chrétiens, avec le don inestimable fait à l’Église et à la culture occidentale par Antoine, Pacôme, Tertullien, Cipryen, Clément d’Alexandrie, Origène, Athanase et le très grand Augustin.
La troisième réflexion voudrait proposer de nouveau l’approfondissement méthodologique et thématique de la question délicate, mais toujours nécessaire, de l’inculturation du message chrétien. L’inculturation – comme Jean-Paul II le suggérait aux évêques du Kenya en 1980 – « sera réellement un reflet de l’Incarnation du Verbe, lorsqu’une culture, transformée et régénérée par l’Évangile, produit à partir de sa propre tradition des expressions originales de vie, de célébration, de pensée chrétienne ». Dans cette ligne, une fonction significative pourrait être accomplie par le réseau des Centres culturels catholi
ques qui s’étend dans toute l’Afrique et qui présente des typologies très variées, parfois de niveau académique-universitaire, d’autres fois de nature populaire et paroissiale.
– Mgr Joseph Edra UKPO, Archevêque de Calabar (NIGÉRIA)
Une réconciliation soutenable prévient l’usage du passé comme semences d’un conflit renouvelé. Elle consolide la paix, brise le cycle de la violence et renforce les institutions démocratiques nouvellement établies ou réintroduites. En tant qu’opération regardant vers l’arrière, la réconciliation provoque la guérison personnelle des survivants, la réparation des injustices passées, la construction ou la reconstruction de relations non-violentes entre individus et communautés et l’acceptation par les parties d’une vision commune du conflit et d’une compréhension conjointe du passé. En pratique, une telle réconciliation universelle n’est pas aisée à réaliser. L’expérience d’un passé brutal rend la recherche d’une coexistence pacifique une opération délicate et complexe.
L’Église en Afrique doit continuer à engager le dialogue avec d’autres religions, à impliquer les médias, les écoles et la société civile;
Participer activement aux Commissions Vérité et Réconciliation. Leur constitution de la part des gouvernements ne font que calmer les humeurs, mais ne conduisent pas à une réconciliation soutenable. Nous devrions approfondir le processus « Vérité et Réconciliation » de manière à guérir les blessures spirituelles et améliorer la vie communautaire.
Des séminaires sur la Doctrine sociale de l’Église devraient être organisés lors de réunions dans les mairies, dans les écoles et pour les hommes politiques quelques soient les partis auxquels ils appartiennent.
En guérissant les mémoires et en les utilisant pour fournir des premiers avertissements, en apprenant aux générations futures comment identifier les premiers signes d’une méfiance renouvelée et potentiellement dangereuse. En fournissant l’éducation pour la résolution du conflit et la transformation, ainsi que l’éducation liée à la paix et à la réconciliation et un programme de formation. En intensifiant l’apostolat des prisons et la réimplantation des anciens détenus. En facilitant les possibilités à travers lesquelles les communautés émergeant des conflits peuvent partager leurs expériences et apprendre des autres qui ont connu de semblables situations. En encourageant et en soutenant les ministères de l’éducation dans leur analyse et dans l’examen de ce dont les systèmes éducatifs ont besoin pour changer et s’étendre de manière à promouvoir une paix soutenable.
– Mgr Gervais BANSHIMIYUBUSA, Évêque de Ngozi (BURUNDI)
Après quinze ans d’une guerre civile qui a déstructuré la société burundaise (1993-2008), nous voudrions vous remercier pour votre proximité spirituelle, morale et matérielle, en vous informant que la guerre au pays s’est terminée sans vainqueurs ni vaincus, mais par un dialogue et des négociations entre les protagonistes. Le pays est actuellement engagé dans un processus de paix et de réconciliation. Mais priez toujours pour cette paix précaire.
Comme cette 2ème Assemblée synoda1e des Évêques pour l’Afrique parle de justice, de paix et de réconciliation par l’Église, il nous a semblé utile de vous faire partager un aspect du rôle de notre Église dans ce processus de paix sociale et politique qui est en cours dans le pays.
Passant outre (sans en ignorer 1’importance) les nombreuses initiatives de médiation, d’enseignement et d’actions sociales faites par l’Église du Burundi pour qu’on fasse arriver le pays à la phase actuelle du processus de paix, je voudrais focaliser cette intervention sur la décision prise par l’Église qui est au Burundi de se mettre en synode pour donner sa contribution spécifique au processus de paix et de réconciliation du peuple.
Depuis 2004, devant la situation d’une société qui avait perdu presque tous ses repères culturels et moraux et qui se livrait à des crimes et des péchés collectifs à grande échelle, nous avons décidé de nous engager dans des synodes diocésains avec pour thème: « convertissons-nous pour promouvoir une culture de paix et de réconciliation ».
Je voudrais terminer par un double appel à cette Assemblée synodale pour l’Afrique :
– que nous inscrivions dans nos résolutions la célébration des synodes diocésains qui prolongent le thème de la présente Assemblée à savoir: « nos Églises locales au service de l’édification d’une culture de paix et de réconciliation »; car l’œuvre d’édification d’une culture de paix et de réconciliation n’étant pas un travail possible aux chrétiens pris individuellement, on gagne à engager l’ensemble de la famille ecclésiale et même au-delà pour que la lumière soit visible.
– que les Églises des pays nantis, dans le cadre de notre Église qui est la même Famille de Dieu partout, nous aide par leurs ressources à avoir en Afrique des Instituts et des Universités avec des Facultés ayant trait à la prévention et à la résolution des conflits, ainsi que des Facultés pour la Paix et la réconciliation.
– Mgr Menghisteab TESFAMARIAM, M.C.C.J., Éparche d’Asmara (ÉRYTHRÉE)
Les malheurs et les tribulations affligeant la plupart du continent africain, à savoir les conflits continus, les injustices, la violation des droits de l’homme, le manque de liberté religieuse, l’exploitation des ressources humaines et naturelles, les différentes sortes de maladies, la pauvreté, le chômage, la famine, le déplacement des personnes, la fuite des cerveaux et le trafic des personnes, sont bien connus et on en a suffisamment parlé. Ces derniers, et je parle en fonction de mon expérience, sont causés par des forces intérieures et extérieures liées à une faim de pouvoir et d’avidité sans limites de possession.
La famille, en tant que premier et plus petit noyau de toute société et communauté chrétienne est la première et indispensable école de Réconciliation, de Justice et de Paix. Aussi, c’est au sein de la famille que l’on apprend le sens d’appartenance et d’identité, et les valeurs de solidarité, de partage, de respect pour les autres, d’hospitalité, d’unité, etc.
Il est vrai que le plus grand nombre de réfugiés et de personnes déplacées se trouve en Afrique. Il est aussi vrai que beaucoup d’Africains essaient encore de traverser les déserts et les mers pour pouvoir gagner une terre où ils pensent qu’ils pourront avoir une meilleure éducation, plus d’argent, et spécialement une plus grande liberté. Il existe un grand besoin de soin pastoral pour ces groupes vulnérables de personnes. Notre Synode doit insister sur la nécessité d’une collaboration plus étroite entre les Églises d’origine et les Églises qui les accueillent.
Toutefois, l’émigration des Africains ne date pas d’aujourd’hui. Il y a maintenant un grand nombre d’Africains qui se sont établis, avec succès, dans le monde développé. Si nous les motivons, ils sont prêts à apporter leur contribution pour l’amélioration de la vie dans leurs pays d’origine. Nous ne devons pas les exclure, les impliquant dans les potentialités du développement de l’Afrique. En étroite collaboration avec nos sœurs les Églises en Europe, en Amérique et en Australie, nous devons les entraîner avec nous dans les efforts pour que l’Afrique progresse, à la fois humainement et spirituellement.
Si la famille africaine et les Africains en diaspora vont aider l’Église à devenir « sel de la terre et lumière du monde », nous devons alors faire en sorte qu’une réelle base efficace et une formation continue soient offertes à tous nos agents pastoraux. Tout particulièrement en cette Année de la Prêtrise, il est vital que tous les membres des presbytériums soient parfaitement conscients de leur appel à devenir des vrais ministres de la réconciliation, des défenseur
s crédibles de la justice et des fidèles porteurs de la paix du Christ.
– Mgr Martin Igwemezie UZOUKWU, Évêque de Minna (NIGÉRIA)
Nous vivons et travaillons au milieu des musulmans dans un état régi par la « sharia » , l’État du Niger, qui se trouve dans la ceinture centrale du Nigéria.
Dans notre diocèse, nous avons un programme connu comme « Familles, apôtres de la dévotion de la Divine Miséricorde » qui se concentre sur la plus petite unité de cette famille de Dieu, l' »Église domestique ». Ces familles, apôtres de la Divine Miséricorde, hommes et femmes, sont formés en tant que responsables d’église de village, comme agents d’évangélisation et de réconciliation, comme promoteurs de justice et de paix dans leurs communautés villageoises. Tous les jours, ils partagent dans leurs maisons la Parole de Dieu, le rosaire biblique et le chapelet de la Divine Miséricorde, et ils conduisent également des prières communautaires.
Le « Zumunta Mata », un groupe de femmes catholiques, dont la devise est: « Nous sommes le sel de la terre et la lumière du monde » est aussi un agent d’évangélisation et de réconciliation, un promoteur de justice, de paix et de miséricorde. Les membres et leurs enfants interagissent avec les femmes musulmanes et leurs enfants à la base, à travers cet apostolat familial et les encouragent à passer une heure par jour en prière, heure au cours de laquelle elles lisent le Coran, découvrent la miséricorde de Dieu et prient avec leurs perles, un dialogue avec l’Islam et le témoignage de la vie par la prière. En fait, quelques familles musulmanes ont appris à ajouter une nouvelle version de la prière de la Divine Miséricorde à leurs prières quotidiennes.
Les catéchèses et prières susmentionnées aident nos jeunes à développer aujourd’hui leur intérêt et leur amour envers le rosaire biblique, l’Adoration et la Bénédiction eucharistiques dans les chapelles de nos paroisses.
Un appel aux Pères synodaux: merci d’encourager nos prêtres, nos religieux et le laïcat à promouvoir la dévotion à la Divine Miséricorde et à aimer l’Adoration eucharistique dans leurs paroisses et dans les centres de formation.
– Mgr Timothée MODIBO-NZOCKENA, Évêque de Franceville, Président de la Conférence Épiscopale, Président de l’Association des Conférences de la Région de l’Afrique Centrale (A.C.E.R.A.C.) (GABON)
Notre région de l’Afrique Centrale continue à être le théâtre d’injustices, de divisions et de violences insoutenables. Ce qui rend la vie présente difficile et hypothèque l’avenir de nos pays. La misère étreint la majorité de la population. Les maux sociaux prennent une ampleur alarmante. Les meurtres, les viols, les vols, les violences de toute sorte y sont banalisés. Les séquelles de ces violences imprègnent profondément et les individus et la société, les cœurs étant plus habités par le péché qu’ils ne sont tournés vers la conversion, la justice qui produit la paix étant bafouée, la vérité qui seule libère, étant mise à mal. Pour sortir de cette situation, il faut bâtir les réflexes et des cultures de justice et de vérité.
L’expérience biblique nous propose des chemins de réconciliation. La réconciliation transforme les relations avec Dieu, avec les autres et avec l’environnement.
La réconciliation véritable part du coeur. Seule une personne réconciliée avec Dieu et avec elle-même peut être à son tour source de réconciliation. Cette réconciliation est réalisée en Jésus Christ, le fils de Dieu, qui par sa mort et sa résurrection, a réconcilié les hommes avec Dieu et les hommes entre eux.
Réconcilier tous les hommes en une seule famille, la famille de Dieu, est et demeure la première mission de l’Église. Elle n’est pas réservée à quelques uns. C’est un devoir pour tous : Évêques, Prêtres, laïcs et toutes les institutions ecclésiales. Les chrétiens ne doivent pas avoir peur de témoigner de leur foi. Cet engagement suppose des actes concrets de réconciliation dans l’Église.
Pour être au service de la réconciliation, l’Église doit être réellement une famille réconciliée.
Le synode doit susciter au sein du peuple de Dieu tout entier une dynamique de réconciliation. Pour cela, il convient:
1. d’avoir au sein de chaque Diocèse, une instance de suivi régulier de la mise en application des résolutions du Synode,
2. d’élaborer une catéchèse et une pastorale biblique qui favorise l’éducation à la réconciliation,
3. de réapprendre le sens du respect dans nos traditions africaines et dans la Bible,
4. de promouvoir une culture du bien commun et du service désintéressé dans l’Église et dans la société.
– Mgr Augustine Obiora AKUBEZE, Évêque d’Uromi (NIGÉRIA)
Par le passé, nos ancêtres croyaient en l’existence de sorcières et aux dévastations qu’elles provoquaient sur le genre humain et dans la société. Presque tous au Nigeria connaissent ou au moins ont entendu parler de sorcières et la manière dont elles ont affecté la vie des peuples.
On déclarait que les sorcières possédaient des pouvoirs surhumains qu’elles utilisaient pour perpétrer le mal. Selon une certaine croyance, une sorcière pouvait blesser quiconque, y compris les membres de sa famille. Cela en particulier les rendait particulièrement détestées. On prétendait qu’elles tuaient leurs propres enfants, buvaient du sang humain et portaient la ruine et la maladie à leurs amis et dans leurs familles. C’est-à-dire que, contrairement aux êtres humains normaux, les sorcières conçoivent et causent la plus horrible des disgrâces à leurs familles et à leurs communautés.
Les sorcières présumées sont abandonnées, isolées, discriminées et ostracisées par la communauté. Parfois, elles sont conduites dans la forêt et massacrées ou déshonorées en public et assassinées. Parfois, les personnes suspectées d’être des sorcières sont plongées dans l’acide ou mortellement empoisonnées. Il y a eu également des cas dans lesquels elles ont été empoisonnées ou enterrées vivantes. Certaines Églises n’arrangent pas les choses et il y a eu des cas de Pentecôtistes qui enchaînèrent et torturèrent de présumées sorcières de manière à leur arracher une confession.
Malheureusement, dans les familles et dans les écoles, et même dans les églises et dans les mosquées, dans les médias et dans les films, les Africains sont présentés comme croyant que les sorcières sont réelles et que la sorcellerie est efficace. Or, la croyance dans les sorcières manque de toute justification sur la base de la raison, de la science et du bon sens. On se demande donc pourquoi la superstition primitive a encore un sens pour tant d’Africains en ce XXIe siècle. C’est pourquoi, nous trouvons nécessaire de le présenter à cette assemblée synodale en vue d’une déclaration spécifique pour guider notre troupeau.
– Mgr Jaime Pedro GONÇALVES, Archevêque de Beira (MOZAMBIQUE)
J’ai présenté le cas de l’engagement de l’Église dans la réconciliation des peuples de l’Afrique australe, commencé en 1988 lorsque le Pape Jean-Paul II, d’heureuse mémoire, visita la région. L’effort de l’Église et des autres Églises et religions, ainsi que celui des responsables politiques qui rendirent possible la réconciliation porta des fruits abondants. La violence cessa et la paix revint au sein des peuples de la région.
J’ai également présenté le cas du Mozambique, où l’Église a fait office de médiateur dans les discussions de réconciliation visant à mettre fin à une guerre civile de 16 ans. Un heureux accord de paix fut signé et le pays est désormais en paix.
Concernant cette initiative et d’autres encore de ce même type, elles devraient être approfondies et promues. Elles représentent une espérance d’avenir pacifique pour la société africaine. J’ai indiqué
que l’Église devrait former des conciliateurs et des artisans de paix en vue de la résolution des conflits. Les jeunes doivent participer aux pratiques de réconciliation.
J’ai insisté sur le fait que ces initiatives doivent être intensifiées et consolidées parce que le monde politique africain connaît des régressions, des retours à la violence, aux dictatures et aux persécutions politiques.
Enfin, j’ai prévu un jubilé de réconciliation pour l’ensemble du continent africain comme fruit de l’engagement de tous envers la réconciliation.
– Mgr Théophile KABOY RUBONEKA, Évêque Coadjuteur de Goma (RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO)
Les conflits et les guerres ont conduit, particulièrement en RD Congo, à la victimisation et à la « chosification » de la femme. Sur des milliers de femmes ont été perpétrées, par tous les groupes armés, des violences sexuelles massives, comme arme de guerre, en violation flagrante des dispositions juridiques internationales.
Partant de notre expérience en cours en RD Congo, pour soulager tant soit peu les conséquences et les traumatismes subis par les femmes et les enfants, nous proposons:
1. Lutter contre les violences sexuelles en remontant à leur dernière cause, à savoir la crise de la gouvernance qui se manifeste par les guerres, les pillages et l’exploitation anarchique des 1ressources naturelles, la circulation des armes, l’entretien des milices, l’absence d’une armée forte et républicaine, etc.
2. La création des maisons de la femme et de la jeune fille comme centres d’écoute et d’accompagnement des femmes violées et traumatisées.
3. L’implication directe des femmes dans les Commissions « Justice et Paix »: pour que les femmes promeuvent la paix et luttent contre des idées avilissantes sur elles, véhiculées par la nouvelle éthique mondiale et par certaines traditions culturelles.
4. La formation par la Catéchèse et l’alphabétisation conscientisante des femmes pour permettre à la femme de jouer adéquatement son rôle. Elle s’articule autour de trois modules, tels que: Dignité et vocation de la femme, la femme comme artisan de la paix et la Femme en tant pard softlinequ’actrice du changement social.
5. La mise en place de structures de promotion de la femme. Il pourrait s’agir d’organisations des femmes qui s’occupent de différentes activités au niveau paroissial et diocésain; des Centres de formation des femmes pour la paix.
– Mgr Evariste NGOYAGOYE, Archevêque de Bujumbura, Président de la Conférence Épiscopale (BURUNDI)
Dans les 3 pays des Grands Lacs, les Conférences Épiscopales ont travaillé à rapprocher les jeunes en conflit. Les jeunes ont été utilisés et instrumentalisés pendant les conflits qui ont opposé leurs pays. Pour cela, l’identité unique et exclusive a été exacerbée à ceux qui étaient différents. Ceux-ci étaient considérés comme ennemis puisqu’ils n’ont rien de commun avec « nous ». Ils ne partagent pas la même humanité, donc ils sont à éliminer. Tout ce qui fait l’identité plurielle (religieuse, ethnique, citoyenne, sociale, etc.,) était éclipsé au profit de l’identité unique et exclusive. Beaucoup d’études, dans les Grands Lacs, aux Balkans et ailleurs, ont montré comment la manipulation de cette identité peut être meurtrière. L’idéologie qui est construite sur cette logique aboutit à un péché social, collectif, structurel. Les jeunes qui naissent, grandissent et sont éduqués dans cette idéologie sont déformés dans leur conscience morale et dans leurs perceptions culturelles. Je souhaite que cette Assemblée se penche sur les méfaits de ce péché à dimensions sociales.
Les Conférences Épiscopales des Grands Lacs ont lutté contre cette mentalité en décidant de:
1. rapprocher les jeunes,
2. vulgariser et diffuser la doctrine sociale de l’Église.
Pour rapprocher les jeunes, il a fallu procéder par de petits pas, à travers les mouvements des laïcs (Action catholique et mouvements des communautés nouvelles): d’abord entre jeunes de quartiers et de collines différentes, puis entre paroisses différentes, puis organiser des forums diocésains.
Lors de ces rencontres, le contenu de la Doctrine sociale de l’Église a fait l’objet de thème central: la paix, la justice, la réconciliation ont été développées sous forme de catéchèses et ont nourri la prière et les échanges. Entre-temps, la Commission épiscopale régionale Justice et Paix a élaboré des modules de vulgarisation de cette doctrine.
– Mgr Marcel Honorat Léon AGBOTON, Archevêque de Cotonou, Vice-Président de la Conférence Épiscopale (BÉNIN)
L’Église d’Afrique doit donc continuer d’annoncer la joyeuse nouvelle de la réconciliation et toujours proposer de la réaliser à travers les sacrements, notamment celui de la pénitence. Cette réconciliation par le sacrement de la Réconciliation est indispensable: elle est première et c’est d’elle que pour le chrétien, découle tout autre geste ou acte de réconciliation.
Je souhaite donc que ce synode redise une parole forte pour remettre au premier plan, dans la mission de réconciliation de l’Église, le Sacrement de la Réconciliation. Et cela,
– d’abord à notre niveau, à nous prêtres et évêques, ministres ordonnés. Il s’agit de redonner à l’exercice du ministère de la réconciliation par le sacrement, une place plus importante dans le programme pastoral de tout prêtre comme une sorte d’exigence de base de son ministère de tous les jours: heures d’écoute et de confession, tant dans sa forme individuelle que dans sa forme de célébration communautaire. Qu’une telle insistance soit inscrite dans la conscience des futurs prêtres durant leur formation autant qui y est inscrite la centralité de l’Eucharistie dans la vie du prêtre.
– Ensuite au niveau du peuple chrétien tout entier. En effet, vécus pleinement, les ministères de la réconciliation font de ceux et celles qui suivent Jésus-Christ, de « vrais faiseurs » et acteurs de paix. L’homme juste, justifié en Christ par le ministère de l’Église est alors un acteur efficace pour un monde juste et réconcilié. Et si les fidèles laïcs sont davantage acteurs de réconciliation et de paix, dans le monde qu’ils ont de par leur vocation et mission.
– Mgr Jean-Claude MAKAYA LOEMBA, Évêque de Pointe-Noire (RÉPUBLIQUE DU CONGO)
Dans la réalisation de la mission nous nous retrouvons souvent devants des interlocuteurs agissants eux aussi selon des conceptions de justice très différentes des nôtres.
En effet, dans les crises sociales que traversent nos sociétés chaque acteur agit en pensant que la justice est de son côté. Il est même capable de trouver des arguments, des partisans et des parrains pour soutenir son action. Cette réalité quand elle concerne les leaders politiques et/ou économiques devient plus complexe dans nos pays.
De plus, très souvent derrière chaque leader politique et/ou économique de nos sociétés africaines, se trouve toute une variété de décideurs ou intimidateurs (familles, clans, ethnies, gourous, hommes politiques étrangers, organisations gouvernementales ou non gouvernementales, pour ne citer que ceux là). Ils ne sont souvent pas connus au grand jour. Alors, notre parole prophétique de Pasteur n’atteint pas son but parce qu’elle ne s’adresse qu’à la face visible de la montagne c’est-à-dire aux leaders politiques et/ou économiques de nos pays. Comment notre parole et notre agir prophétiques peuvent-ils atteindre ceux qui tirent les ficelles dans l’ombre et prétendent ne rien savoir de ce qui se trame?
Devant toutes les situations telles que la multiplication des milices armées, les enfants soldats, toute la misère qui accule les jeunes à la débrouillardise, les firmes qui exploitent les nombreuses richesses du sous-sol africain, le
s nouvelles religiosités, la dénonciation ne suffit plus. Il faut aller plus loin en ouvrant des perspectives nouvelles, des chemins d’espérance. Les pasteurs que nous sommes n’ont pas à prendre la place des économistes ou des politiciens, mais à aider tout chrétien quelque soit son statut à mener une vie profondément et authentiquement chrétienne qui ouvre dans les cœurs, les familles et la société des chemins de réconciliation, de justice et de paix.
– Mgr George BIGUZZI, S.X., Évêque de Makeni, Président de la Conférence Épiscopale (SIERRA LEONE)
Je souhaite faire appel aux Pères synodaux afin qu’ils lancent un appel sans équivoque en faveur de l’abolition totale et universelle de la peine de mort.
De plus, le traitement brutal des prisonniers de guerre, la persécution des civils durant les conflits et le recrutement d’enfants soldats sont des crimes contre l’humanité, clairement énoncés dans la Convention de Genève et dans ses protocoles annexes. Le chemin vers la paix et la réconciliation passe par la reconnaissance, le rejet et la réparation de tels crimes. La guerre ne justifie en rien ces crimes contre l’humanité. La voix prophétique de l’Église est nécessaire bien qu’elle n’ait pas beaucoup d’auditeurs.
L’Église en Afrique a fait des pas de géant vers l’indépendance mais, dans de nombreuses régions, nous avons encore besoin du soutien d’autres Églises. Je suis sûr de pouvoir parler au nom d’autres évêques en exprimant notre sincère gratitude pour l’aide immense que nous recevons de l’Église en Europe, en Amérique du Nord et dans d’autres régions du monde. L’Église en de nombreuses zones d’Afrique sub-saharienne doit sa première évangélisation et sa croissance à l’effort missionnaire de l’Église dans le monde occidental.
Souvent, l’Église dans le monde occidental canalise son aide au travers de ses propres structures ecclésiales pour le développement et la coopération à l’étranger. Les noms de telles structures diffèrent d’un pays à l’autre, mais il s’agit de bureaux nationaux catholiques. À notre grande surprise, assez souvent, les directeurs ou les représentants de ces bureaux soutiennent ou débutent des projets en parallèle, ou même en dehors de nos plans pastoraux, sans consulter l’Évêque local ou la Conférence des Évêques nationale. Ils prennent parfois, sans nous consulter, des décisions portant sur quels projets financer, où les mettre en œuvre et quelle agence choisir pour les appliquer. Un tel système humilie l’Église locale, gaspille des ressources, ne garantit pas la continuité et ignore le potentiel effet d’évangélisation du travail de l’Église dans la société.
L’humble appel à nos frères évêques des pays occidentaux est d’émettre des directives claires au personnel s’occupant des bureaux chargés du développement afin qu’ils travaillent en consultation avec nous et suivant nos plans pastoraux et les priorités des Évêques africains.
– Mgr Egidio NKAIJANABWO, Évêque de Kasese (OUGANDA)
Il a souvent été dit dans nos discussions que nous, responsables religieux, devrions nous confronter avec les gouvernements et protester contre leur mauvaise gouvernance. Nous l’avons déjà fait bien des fois, apparemment sans succès. Quand nous protestons, ils nous reprochent souvent d’intervenir dans la politique alors que nous devrions nous limiter à la seule sphère religieuse. Ils pensent que nous soutenons l’un ou l’autre des partis politiques d’opposition. Nous devrions mieux leur expliquer que la sphère religieuse comprend la défense des droits du peuple.
Notre Mère l’Église, dans sa sagesse, nous a fourni un moyen de montrer que nous ne parlons pas de politique quand nous critiquons la mauvaise gouvernance. Dans son Code du droit canonique ,l’Église interdit aux membres du clergé de s’engager dans des partis politiques et de prendre des postes de responsabilité politique. Car cela compromettrait notre indépendance et notre liberté (Canons 285 et 287). Le gouvernement et ses organes verront alors que vous parlez en homme de Dieu, et que vous défendez les droits du peuple de Dieu.
Nous sommes envoyés, comme l’a été le prophète Jérémie, pour nous opposer aux mauvaises pratiques. Dieu dit à Jérémie: « Vers tous ceux à qui je t’enverrai, tu iras, et tout ce que je t’ordonnerai, tu le diras. N’aie aucune crainte en leur présence car je suis avec toi pour te délivrer » (Jr 7, 7-8).
Une autre voie du changement est, comme cela a déjà été dit, de renforcer nos chrétiens dans leur foi et de leur enseigner la Doctrine sociale de l’Église, afin qu’ils suivent les enseignements de l’Évangile.
Quand ils seront devenus d’authentiques chrétiens et qu’ils auront connaissance de leurs droits, il se mobiliseront alors à tous les niveaux; nous visons particulièrement les conseillers (les représentants politiques) au niveau local et les membres du parlement au niveau national afin qu’ensemble nous essayions d’éradiquer la corruption de nos pays.
Cela ne devrait pas être impossible, surtout dans les pays à majorité chrétienne. Après tout, nombre de ces hommes politiques corrompus comptent parmi nos propres chrétiens.
Résumés des interventions des AUDITEURS
– Soeur Bernadette GUISSOU, S.I.C.O., Supérieure Générale des Soeurs de l’Immaculée Conception, Ouagadougou (BURKINA FASO)
L’Église Famille de Dieu entre désormais dans la catégorie des images les plus expressives et les plus bénéfiques pour toute l’Église. Dieu a fondé la famille pour qu’elle soit le lieu où l’être humain dès sa conception jusqu’à sa sortie de ce monde, trouve un cadre approprié pour son épanouissement naturel et son orientation vers les réalités éternelles.
Malgré la dignité dont le Christ l’a revêtu, la famille est menacée de contre valeurs: l’amour conjugal est trop souvent profané par l’égoïsme, l’Hédonisme et par des pratiques illicites entravant la génération (GS 47). Ainsi, par exemple sont mis sur le même pieds d’égalité, les familles traditionnelles, les familles reconstituées, les familles constituées par des parents de même sexe (cf. Marguerite PEETERS, La nouvelle éthique mondiale: Défis pour l’Église). L’entreprise de déconstruction de la famille compte ses réussites. Ses promoteurs sont parvenus à leurs fins: les concepts idéologiques se sont substitués à ceux qui respectaient la nature des choses; par divers moyens, une éthique mondiale véhiculée par ces nouveaux concepts, tient désormais lieu de morale et s’impose de plus en plus comme autorité normative mondiale.
Face au danger, le retour aux valeurs naturelles de la famille, l’auto-compréhension des chrétiens comme Famille de Dieu et l’engagement à assumer cette image de l’Église, constituent un rempart sûr pour arrêter l’oeuvre de déconstruction et de destruction. La famille est la première cellule de la société et de l’Église. Tout ce qui lui porte atteinte, affecte en même temps la société et l’Église. À tous les niveaux de l’Église du Christ, maison de la Famille de Dieu, il semble urgent d’analyser et d’expliquer aux fidèles les menées subversives de la déconstruction, et que dans l’enseignement magistériel et catéchétique comme dans la prédication, les fidèles soient formés à une vie familiale enracinée dans les valeurs évangéliques. Dans le même temps, la mise en place effective des communautés chrétiennes de base, véritables lieux de vie et d’expression concrète de l’Église famille de Dieu aidera à guérir les blessures des familles pour en faire d’authentiques églises domestiques selon le plan de Dieu.
– Mme Marguerite BARANKITSE, Fondatrice de la Maison Shalom, Ruyigi (BURUNDI)
Il y a exactement 16 ans, le Burundi plongeait encore une fois dans une guerre civile qui a duré 12 ans.
Mon témoignage, que je vous li
vre ici, veut souligner combien ceux qui se disent chrétiens peuvent renier leur baptême quand il faut défendre leur appartenance ethnique.
C’était le 24 Octobre1993, nous étions réfugiés à l’évêché de Ruvigi, quand les assassins sont arrivés, comme ils étaient de mon ethnie je suis sortie la première pour les empêcher. Le premier assassin m’a répondu qu’il était avant tout Tutsi et qu’il devait venger ses frères et soeurs de sang. Je lui ai répondu que « Tutsi je ne l’ai pas choisi, mais mon baptême oui ».
Bien que chrétiens, ils n’ont pas eu honte de tuer devant moi. Aujourd’hui, sans demander pardon aux orphelins qu’ils ont laissés, ni à l’évêque (car ils ont brûlé son évêché), ils continuent à venir à la messe sans aucune honte au visage.
Nous avons appris à nous taire. Les pasteurs se taisent, les brebis se taisent et nous continuons nos célébrations dominicales comme des rites, mais non comme des communions fraternelles.
Ainsi, dans les régions où il y a la majorité de chrétiens, c’est là où nous trouvons beaucoup d’enfants de rue, enfants soldats, enfants « sorciers », etc. Ne les laissons pas aux seules mains des Ong!
Oui, chers pasteurs, chers religieux et religieuses, les enfants n’ont que nous comme familles et d’ailleurs ils vous appellent « papa » et « maman ». Ayez l’audace de leur ouvrir les portes de vos évêchés, couvents, maisons, pour leur offrir l’identité, l’affection familiale.
Imitons cet évêque dans « Les misérables » de Victor Hugo qui ouvrit sa cathédrale la nuit pour y loger tous les pauvres. Oui, ayons l’audace de faire de notre Afrique un lieu où il fait bon « vivre ».
– Rév. P. Speratus KAMANZI, A.J., Supérieur Général des Apôtres de Jésus, Nairobi (KENYA)
L’Instrumentum laboris (n. 113-114; 126-127) explique clairement le rôle des personnes consacrées comme témoins de nouvelles perspectives d’ouverture face aux expériences de réconciliation, de justice et de paix. De plus, les religieux et les religieuses africains, qu’ils appartiennent ou non au clergé et qui sont au nombre de 85 040 selon les statistiques datant de 2007 (à cette époque, il y avait 23.154 religieux-prêtres, 7.921 religieux non prêtres et 61.886 consacrés en Afrique. Cf. Secretaria Status Rationarium Generale Ecclesiae, Annuarium statisticum Ecclesiae 2007, Cité du Vatican, 2009), ont parfumé l’Église en Afrique comme sel de la foi africaine. Ces hommes et ces femmes sont à présent arrivés au faîte en tant que lumière du monde. Ils représentent une expression de l’actuelle tentative missionnaire de l’Église africaine non seulement d’un diocèse à un autre, ou d’une nation africaine à une autre, mais aussi du continent africain aux autres continents.
Cette nouvelle expression de l’Église africaine comme lumière du monde se manifeste dans les vies de nombreux prêtres et consacrés africains qui sont missionnaires sur d’autres continents. Aujourd’hui, par exemple, l’Institut missionnaire religieux des apôtres de Jésus, dont je suis le supérieur général, a 65 de ces 400 membres, prêtres et frères, qui travaillent en Amérique, en Italie, en Allemagne, en Belgique et en Australie. Oui, l’Afrique, qui a reçu des missionnaires provenant d’Europe et d’Amérique, envoie à présent ses fils et filles sur tous les continents qui nous ont évangélisé. La prophétie du Pape Paul VI en 1969, alors qu’il se trouvait à Kampala, que le temps était venu pour l’Afrique d’élever des missionnaires pour elle-même, s’est accomplie même au-delà des frontières du continent africain.
Cette nouvelle aventure dans l’évangélisation, comme toute autre expérience novatrice, a ses défis. Elle a besoin d’être encouragée et supportée. Je fais aimablement appel à vous, Pères synodaux, ainsi qu’à d’autres niveaux directifs de l’Église, afin de nous aider à garder cette torche allumée, afin que ces missionnaires africains à l’étranger deviennent un authentique sel africain de la terre et une authentique lumière du monde. Cette tentative missionnaire est certainement vouée à apporter un bénéfice à l’Église universelle si elle est bien conduite et bien dirigée. Elle a besoin de notre collaboration à tous les niveaux, surtout en s’occupant de ceux qui ont émigré en Europe ou en Amérique et se sont camouflés comme agents missionnaires alors qu’en fait ils n’ont été envoyés par aucune autorité ecclésiale.
– M. Elard ALUMANDO, Directeur Pays du DREAM Program (MALAWI)
Le programme DREAM s’occupe de personnes atteintes du Sida. Depuis 2001, il a pris en charge plus de 80 000 personnes au Mozambique, au Malawi et dans une dizaine de pays africains. Traiter le Sida est la vraie réponse à la quête pour la vie et la guérison à laquelle aspirent les malades. Je crois que guérir les malades est la vraie manière de prévenir l’expansion du Sida en Afrique, comme le Saint-Père l’a dit avec autorité durant sa visite au Cameroun.
Je suis témoin de nombreuses histoires de résurrection de personnes qui étaient malades, surtout des femmes et des enfants: des femmes qui étaient considérées comme mortes et ont recommencé à vivre et à travailler; des femmes qui remontent de la fosse sombre de la condamnation due au Sida, de la prison des stigmates sociaux et qui récupèrent leur place dans la vie de leurs villes. Je suis témoin de femmes guéries qui aident d’autres femmes à aborder le traitement, qui convainquent même leurs maris de ne pas avoir peur, qui aident tout le monde à avoir foi dans ce traitement. J’ai vu des enfants nés en bonne santé, libres du virus et ils sont déjà plusieurs centaines.
Ces actes de guérison sont des histoires de résurrection et d’amitié; ils sont le fruit d’un travail joyeux, intense et difficile mené par la communauté de Sant’Egidio en Afrique avec nos frères et nos sœurs européens de la communauté.
La communion de l’Europe et de l’Afrique était effective même d’un point de vue scientifique. Le traitement administré dans le cadre du programme DREAM en Afrique est le même qu’en Occident. Les centres DREAM offrent la tri-thérapie la plus avancée. Grâce à cette collaboration, les médecins et le personnel sanitaire ont été formés en Afrique et les résultats sont excellents.
Tout le traitement et le soutien alimentaire offerts au patients est gratuit. Dans notre monde dominé par l’argent et par la corruption, la gratuité est importante.Je crois qu’à travers le programme DREAM, nous pouvons regarder la maladie et la guérison dans la perspective de l’Évangile et de l’Église, soustrayant les personnes à la sorcellerie et à la mystification des sectes, malheureusement tant répandues sur notre cher continent africain.
Ces actes de guérison ne sont pas des merveilles mystérieuses et incompréhensibles mais sont le fruit du travail, de la communion, de la prière et de l’amour de l’Évangile et c’est là le vrai miracle.
– Prof. Alöyse Raymond NDIAYE, Président du Comité National des Chevaliers de l’Ordre de Malte au Sénégal, Dakar (SÉNÉGAL)
Dans le document de travail, il est dit clairement « que des hommes et femmes en politique démontrent une inculture grave en matière politique ». C’est donc ce qui explique leur mépris des droits humains qu’ils violent allègrement, sans état d’âme, avec un sentiment de totale impunité. Quant à leur rapport à la religion et aux institutions religieuses, ils ne paraissent pas les comprendre et ne s’y intéressent que pour les instrumentaliser à des fins autres que spirituelles. Ils sont incapables, par ailleurs, de concevoir que l’on puisse résoudre un différend autrement que par la force, la violence.
Léopold Sédar Senghor, poète et humaniste chrétien, avait déjà, de son vivant, exprimé la même opinion, attribuant au manque de culture de ses pairs les coups d’État, les régimes tyranniques et sanguinaires, les détournements de deniers
publics, les violations des droits de l’homme en Afrique. L’inculture des dirigeants engendre leur intolérance, leur despotisme. Si les conflits en Afrique durent si longtemps, c’est sans doute parce qu’ils sont gérés par des politiques, sans culture et sans cœur, préoccupés de sauvegarder leurs intérêts personnels plutôt que de promouvoir la paix. Ce qui est mis en évidence, ici, c’est le problème de la formation de nos gouvernants qui peut être, en effet, un obstacle à la réconciliation, à la justice, à la paix. D’où le rôle de l’Éducation.
L’Éducation est le secteur dans lequel les Églises africaines se sont investies depuis longtemps. Leur engagement apprécié des fidèles et de la population, malgré quelque contraintes, les conduit aujourd’hui à se doter d’un réseau remarquable d’universités catholiques appelé à se développer.
Il faut définir auparavant ce qu’est la culture et son rapport à l’université. Parce que l’université est le lieu où se préparent les futurs dirigeants, c’est donc elle qu’il faut interroger.
Généralement l’université est définie comme le lieu de production et de transmission du savoir et du savoir-faire.
Pour répondre à sa vocation d’universitas, l’université ne doit pas limiter son enseignement et ses recherches à ce qui est utile. Elle ne doit pas se limiter à ne développer que les aptitudes intellectuelles, à l’exclusion de celles qui relèvent de la sensibilité. Comme chez Pascal, « il y a la raison, il y a le coeur ». Elle ne doit pas examiner les sciences séparément sans se préoccuper de ce qui les unit. L’universitas c’est l’exigence de totalité ou d’universalité, l’exigence d’unité. C’est la prise en compte de cette exigence qui fait de l’université un lieu de culture.
Tout art, dit Senghor est poésie. La poésie est musique. La poésie est amour. Par conséquent, la prise en compte de l’Art, des Beaux Arts, par les universités catholiques, du patrimoine culturel et artistique de l’Afrique, en même temps patrimoine de l’humanité, dans sa diversité et sa richesse, contribue à la promotion de la culture, à la reconnaissance de l’homme, encourage les échanges, le dialogue, source d’enrichissement mutuel, de reconnaissance mutuelle. Car, c’est l’ignorance de l’autre, le manque de culture qui est cause, le plus souvent, de nos conflits.
– M. Assandé Martial EBA, Membre de la « Fondation Internationale Notre Dame de la Paix », Yamoussoukro (CÔTE D’IVOIRE)
Durant ces années, nous avons eu à procéder à des réconciliations en vue de maintenir dans ces différentes communautés la paix sociale.
Nous avons été sollicité maintes fois pour mener des réconciliations dans les groupes et mouvements de la paroisse.
Pour maintenir la paix sociale dans notre village, et surtout pour qu’y règne la justice, nous avons mis en place un Conseil de Sages dont nous faisons partie, qui œuvre à côté de la chefferie, pour la réconciliation dans les familles qui connaissent des conflits.
Pour maintenir la cohésion entre les travailleurs et surtout faire régner la justice et la paix sociale, nous avons toujours conseillé et incité les employeurs à la mise en place d’instruments de bonne gouvernance devant assurer à l’ entreprise une bonne culture de justice garant de la paix sociale.
En vue de favoriser l’ émergence d’une nouvelle race de laïcs, des laïcs leaders capables de tenir haut le flambeau de la foi dans leurs milieux de vie, afin d’y faire régner la justice et la paix et surtout se montrer de véritables agents de réconciliation pour l’avancement de l’Église en Afrique et pour le meilleur devenir de notre continent, nous souhaitons voir le présent Synode approfondir ces solutions:
– Mise en place d’ une nouvelle méthode de catéchèse appropriée devant prendre en compte la dimension de conversion des cœurs.
– Favoriser la formation spirituelle, civique, morale et politique des laïcs au regard de la doctrine sociale de l’Église .
– Introduire dans le programme de formation des Séminaristes, la gestion comptable et financière des paroisses et autres structures diocésaines .
– Favoriser la mise en place des Associations dans divers secteurs d’activités et leur affecter des aumôniers.
– Favoriser la mise en place d’une structure des laïcs qui sera en étroite collaboration avec les conférences épiscopales pour étudier, analyser et donner des avis sur toutes les questions relevant de la vie des Églises.
– Favoriser l’institution du diaconat permanent et le service des ordres mineurs.
– Fr. André SENE, O.H., Responsable de la Pastorale de la Santé dans le diocése de Thies (SÉNÉGAL)
L’absence d’intérêt de la communauté internationale et de nos pays en particulier sur le sort de ces malades, particulièrement révoltante, ne peut pas voiler les preuves évidentes, à l’instar des grandes enquêtes mondiales sur la santé mentale, que la prévalence des maladies mentales est très élevée dans de nombreux pays en développement.
Jusqu’à l’heure où je vous parle, et à ma connaissance, il n’y a aucun programme de financement des organisations internationales, voir nationales, pour la santé mentale.
Selon l’OMS, les maladies mentales se classent au troisième rang des maladies en terme de prévalence et sont responsables du quart des invalidités.
Où se trouvent les malades mentaux:
– Dans les rues de la plupart de nos villes; il est difficile de sillonner nos villes sans rencontrer un malade mental.
– Dans quelques rares hôpitaux psychiatriques.
– Les cultures africaines, de manière générale, ont encore du mal à lever la confusion : malade mental égal possédé. Ils ne sont souvent pas reconnus, ils font la honte de la famille et sont dans la majorité des cas cachés. Il faut guérir nos cultures de cette ignorance.
Les graves faiblesses que connaît l’Afrique en ce domaine, sans nul doute accentuée par la pauvreté et les conflits, mettent l’Église famille de Dieu en Afrique au défi d’inscrire la dimension socio-sanitaire dans son agenda de pratique de la foi pour continuer à dénoncer l’indifférence de nos gouvernements sur le respect et les soins à apporter aux malades mentaux et aux personnes ad dictes aux drogues.
Il faut guérir les malades et panser les blessures de ceux qui croient avoir tout perdu, les blessures qui malheureusement mettront beaucoup de temps à se fermer. Mais il faut surtout une prévention.