S’abandonner à l’Esprit Saint : un prêtre raconte

Témoignage du P. Joël Guibert

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ROME, Vendredi 30 mai 2008 (ZENIT.org) – A quarante ans, la vie du père Joël Guibert bascule. Ce prêtre diocésain secrètement « cassé » par l’angoisse expérimente un second souffle. Nouveau départ dans l’Esprit Saint. Le changement d’air renouvelle intégralement l’homme et le prêtre. Son témoignage vient de paraître dans un livre intitulé : Joël Guibert, « Renaître d’en haut, une vie renouvelée par l’Esprit Saint ». Éditions de l’Emmanuel. 2008.

Dans son dernier numéro, le mensuel « Il est Vivant » publie un entretien avec le P. Guibert, que nous reprenons ci-dessous.

Joël Guibert, Heureux les souples de cœur

Propos recueillis par Magali Michel

Zut, j’ai oublié de mettre des pièces dans le parcmètre… Vous m’attendez un instant, Mercedes ? » Pendant que le père Guibert enjambe la chaussée en direction de son véhicule, je donne le bras à la fluette nonagénaire qu’une élégante visière protège du soleil. Le père revient avec une incompressible allure de VRP libanais, un rire d’enfant au coin des lèvres qui n’engendre pas la mélancolie.

Qui êtes-vous père Guibert ?

Je suis né dans le pays du Muscadet nantais de parents vignerons. Mes parents ont vendu leur propriété, moi je suis parti dans la vigne du Seigneur… J’ai été curé six années au Pouliguen dans le diocèse de Nantes. Je vis actuellement à Tressaint, envoyé par mon évêque pour apprendre le ministère de la prédication.

Et Mercedes ?

Mercedes m’accompagne lorsque je prêche. Elle prie. Notre improblable rencontre remonte à l’époque où j’étais curé du Pouliguen. J’étais à des années-lumière de supposer la présence et la puissance du Saint-Esprit cachées chez cette grand-mère de presque quatre-vingt-dix ans. J’étais tellement inapte à comprendre les voies de Dieu que l’Esprit Saint m’a envoyé une institutrice pour que je progresse à son école.

Vous racontez votre seconde conversion, à l’âge de quarante ans, comme un « saut de puce »…

Si les gens savaient comme c’est simple. L’obstacle, c’est notre mémoire profonde et toute l’expérience que nous avons engrangée. Nous nous sommes formatés et quand arrive la « bascule dans l’Esprit » puisqu’on ne l’a jamais pratiquée, c’est comme s’il nous fallait aller sur la lune. On a des sueurs froides. Comme Indiana Jones dans la Quête du Saint Graal, on grelotte avant de traverser le précipice. On se demande comment faire le pas. On le fait. On tombe sur du solide. Regard en arrière : ce n’était que ça ! Le principal est de faire ce pas d’une paradoxale simplicité. Après, il faut apprendre à vivre à partir de Dieu et inscrire l’acte de donation à l’Esprit Saint dans sa vie quotidienne. L’occasion en est offerte à toute personne qui désire entrer dans une vie renouvelée par l’Esprit.

À la racine de cette remise de vous-même à l’Esprit Saint, il y a un traumatisme d’enfant qui vit l’espace d’un instant le sentiment d’être abandonné. Je le date à peine. Un jour, j’ai entendu maman raconter que je m’étais perdu lorsque j’étais petit. L’image m’est revenue instantanément. Enfant, je pleure, abandonné. J’étais dans un chemin, seul. Les chemins me paraissaient des kilomètres à cet âge. Par la suite la blessure d’abandon n’a cessé de se réactiver.

Fallait-il cette angoisse archaïque pour connaître, adulte, l’abandon en Dieu ?

A rebours de la mentalité ambiante qui nie la souffrance et la mort, j’affirme qu’on ne « grimpe » pas dans l’Esprit Saint sans les nécessaires purifications qui sont immanquablement douloureuses. La guérison vient quand on s’approche de Jésus. La guérison intérieure c’est, tout simplement, revisiter avec le Seigneur Jésus ce qui est enfermé dans le coffre-fort. Absolument rien de sanguinolent, mais quelque chose de très onéreux.

Longtemps les insomnies vous ont gâché la vie… en souffrez-vous encore ?

Ça peut m’arriver de temps en temps. Je repense à l’Ancien Testament, au songe de Jacob et à sa hanche qui boite. La guérison et l’unification profondes arrivent quand on bénit le Seigneur pour la hanche qui continue à boiter. La blessure un jour devient une bénédiction. C’est sur un fond de pauvreté que se font les œuvres de Dieu et il lui plaît parfois de nous maintenir dans une forme d’incapacité.

Décrivez-nous votre nouvel art de vivre…

Accueillir ! Arrêter de conduire à l’arrachée, privilégier une conduite souple, coulée, lisse. Si vous voulez une méthode : faire l’expérience de son impuissance ; consentir à cette impuissance et renoncer à gérer, faire, analyser ; appeler l’Esprit Saint ; se laisser agir en lui ; lui signer un chèque en blanc. Attention cet art de vivre n’a rien d’un Club Med religieux car c’est une mort à soi-même. Mais au fur et à mesure, cela deviendra une seconde nature… surnaturelle ! En renouvelant ce don de soi tout au long de la journée avant chaque chose à faire, chaque parole à dire, l’âme crée en elle une disponibilité à l’Esprit Saint qui devient peu à peu spontanée.

Y a-t-il des obstacles ?

On a fonctionné notre vie durant en gérant tout, en inventant des sécurités. Mercedes me dit souvent : « Vous balisez pour un rien. Vous ne vous appuyez pas assez sur Dieu. » Il faut apprendre à ne plus compter sur ses sécurités surtout celles du savoir et de l’avoir. Heureux les souples de cœur.

Abandonner sa vie à l’Esprit, soit, mais lâcher prise, est-ce se tourner les pouces ?

Attention. Se livrer, ce n’est pas du quiétisme. L’abandon nécessite d’investir toutes ses capacités dans une coopération active. L’abandon suppose le sacrifice, même si le mot n’est plus à la mode. Je ne m’abandonne pas comme un camembert. C’est un chantier intérieur vertigineux car entrer dans le oui, à l’intime de ce qui me fait souffrir, permet d’attirer l’Esprit Saint là précisément. « Se livrer à l’amour, c’est se livrer à toutes les angoisses », dit sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus.

Comment vous adressez-vous à l’Esprit Saint et comment vous le représentez-vous ?

Difficile de vous répondre. Il me semble qu’on peut oser lui dire « je t’aime ». L’Esprit Saint supplée en tout à mon obsession de moi-même, de ma santé. Il est présent dans les plus petits détails de ma vie alors j’ose faire appel à lui pour des riens car les riens ne sont pas des riens. Et puis j’ai envie de vous demander s’il est pour vous un grossiste ou un détaillant…

Pourquoi avez-vous publié Renaître d’en haut, votre livre témoignage ?

Pour rendre grâce. Ce livre est écrit par un débutant dans l’Esprit et s’adresse à ceux et celles qui comme moi se considèrent comme des juniors. J’ai voulu évoquer les premiers mouvements du basculement dans l’Esprit, expérience mystérieuse qui a besoin d’être décodée. Le langage et la sagesse de l’Esprit nous déconcertent toujours et j’ai voulu partager quelques découvertes pour rejoindre le cœur des gens.

Joël Guibert, Renaître d’en haut, une vie renouvelée par l’Esprit Saint. Éditions de l’Emmanuel. 2008.

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ZENIT Staff

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