ROME, Jeudi 10 avril 2008 (ZENIT.org) – « Nous avons choisi de nous abandonner totalement dans les mains des hommes et de Dieu pour élargir notre cœur. Pauvres, nous le sommes devenus parce que nous attendions tout des autres ». Après un pèlerinage à pied de près de 6000 kilomètres, de Paris à Jérusalem, Edouard et Mathilde Cortès sont de retour. Ils expliquent pourquoi ils ont choisi de faire ce pèlerinage et comment ils l’ont vécu.
Nous publions ci-dessous la deuxième partie de cet entretien. Pour la première partie, cf. Zenit du 9 avril.
Zenit – Et sur le plan spirituel. Vous êtes partis dans un esprit d’abandon total à Dieu. Avez-vous le sentiment qu’il vous a accompagnés, et que vous le connaissez mieux aujourd’hui ? Pouvez-vous nous donner des exemples concrets.
E. et M. Cortès – Pas à pas, nous avons expérimenté que l’Homme ne vit pas seulement de pain, qu’il n’est pas qu’un être de chair. Cette marche a réveillé en nous une musique intérieure, le chant de l’âme. Jour après jour, nous avons fait jaillir une autre richesse, celle de la foi. Avec Jésus, nos pieds ruminaient « Là où est ton trésor, là est ton cœur ».
Nous avons découvert la force de la prière du pauvre : celle d’un enfant qui crie sa détresse, sa colère à son père en attendant tout de lui. « Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien… ». La prière du pauvre, de l’enfant qui dit « Merci Papa » pour cette personne rencontrée, pour ces figues trouvées au bord du chemin, pour l’ombre d’un arbre à l’heure de la pause, pour ce feu qui réchauffe au lieu de bivouac… Pérégriner, c’est apprendre à reconnaître la présence divine dans nos vies.
Nous prenions chaque jour le chapelet, la main de la Vierge Marie. Au fil des Pater et des Ave, glissait une intention particulière qui nous avait été confiée, notamment celles des lecteurs de Zenit.
Nous avons découvert la méditation des pieds. Les pas, par leur rythme lent, laissent l’esprit vagabonder plus loin que toutes les belles formules. Sans grands discours ni élans mythiques. C’est la prière du cœur. Celle qui écoute avant de parler.
Depuis 2000 ans, cette route vers Jérusalem a été parcourue par des milliers de pèlerins, vagabonds, aventuriers ou « paumiers ». Nous marchions avec eux, n’ayant pas le sentiment d’accomplir un exploit mais de faire partie des moutons qui vont vers leur Berger. Nous avons surtout été portés par la prière et les pensées de nos familles, nos amis, de beaucoup qui marchaient dans leur tête avec nous. C’est une expérience de communion au-delà des kilomètres.
Il nous a fallu apprendre à pardonner à ceux qui nous ont rejetés. Secouer la poussière de ses sandales, non pas dans un geste de dédain mais pour laisser là le mal et les rancoeurs. Ce n’est pas chose facile. La poussière, ça colle.
Le plus beau de cette marche fut d’essayer de s’abandonner à Dieu. En ce domaine, rien n’est jamais acquis. C’est chaque jour, à chaque instant qu’il faut renouveler sa confiance à son conjoint, aux autres, à Dieu. Cette marche était nos premiers pas.
Zenit – Ces mois d’efforts, d’épreuves mais aussi de joie, ont assurément fait mûrir votre relation de couple. Avez-vous l’impression d’avoir appris des choses importantes pour réussir votre vie de couple. Si oui, lesquelles ?
E. et M. Cortès – Nous avons vécu de manière extrême nos premiers mois de mariage : 24h sur 24 ensemble, ce n’est pas ordinaire. Ce voyage a été comme une allégorie de la vie de couple : une expédition au long cours qui demande une bonne dose d’intrépidité, de confiance et de persévérance.
En couple, rien ne résiste à la route, aucun masque. Fatigues, paresses, orgueils,… c’est peine perdue de vouloir les cacher. Impossible de se leurrer, de voir autrui tel qu’on voudrait qu’il soit. Nous avons ainsi pu faire un travail de vérité sur chacun de nous. Et en retour, apprendre à accepter l’autre tel qu’il est. Nous avons surtout appris que l’amour n’est pas qu’un sentiment. Nous vivons aujourd’hui d’un amour que nous voulons construire tous les jours, comme sur la route, dans les larmes ou en chantant.
Croire que l’autre nous comprend naturellement sans paroles est une erreur. Ce qui va sans le dire, va mieux en le disant : il faut communiquer ! Nos réactions face aux événements sont très différentes ce qui implique de toujours prêter attention à l’autre, à ce qu’on reçoit de lui. Ces différences de perception nous ont souvent conduit à nous disputer, fortement parfois, à cause d’incompréhensions. L’occasion d’apprendre à nous demander pardon, de recevoir et accepter le pardon de l’autre.
Les sceptiques chuchotaient à notre départ : « Ils vont se séparer avant d’arriver », « il fallait partir avant le mariage, pour voir si le couple résiste ». Bien au contraire, ce qui nous a fait marcher c’est de nous être engagés à vie. Nous avions un projet commun, celui d’atteindre Jérusalem. Sans projet de couple, on s’endort. Ce qui nous fait progresser, c’est que nous voulons nous aimer. Sans volonté, on finit par se quitter. Ce qui nous fait avancer, c’est notre désir commun de la Jérusalem Céleste. De grands désirs portent à la Vie.
Zenit – Vous envisagez maintenant d’écrire un livre pour raconter cette expérience. Quand prévoyez-vous la sortie de cet ouvrage ?
E. et M. Cortès – Le livre paraîtra aux éditions XO en octobre 2008 avec notre carnet de route et notre témoignage. Nous rédigeons actuellement cet ouvrage. Pour vous tenir informés, vous pouvez consulter le site : http://www.enchemin.org
[Pour lire quelques extraits du carnet de route, cf. Zenit des 5, 6, et 7 novembre 2007]
Propos recueillis par Gisèle Plantec