ROME, Mercredi 13 février 2008 (ZENIT.org) – « L’Osservatore Romano », 146 ans d’existence, fête ses premiers cent jours sous la direction de son onzième directeur, Giovanni Maria Vian, que ZENIT a interviewé. Nous publions ci-dessous la deuxième partie de cet entretien. (Pour la première partie, cf. Zenit du 12 février).
Zenit – Recevez-vous des critiques ?
G. M. Vian – Il n’y en a pas eu beaucoup ; elles sont surtout venues des lecteurs habitués à un quotidien qui publiait de nombreuses informations sur l’Italie et Rome. Nous n’avons pas oublié ces domaines, mais il faut les insérer dans une perspective internationale. J’ai été aussi critiqué pour la ligne suivie relative à l’avortement ; certains voulaient des prises de positions plus radicales, mais notre ligne est naturellement celle du Saint-Siège, et pour l’Italie celle de la Conférence épiscopale, qui ne veut pas d’affrontements inutiles, mais qui souhaite que l’on gagne une bataille culturelle pour que l’avortement ne soit pas considéré comme une pratique normale. Assurément dans ce cas, il s’est agit d’une critique vraiment injuste parce que l’on ne peut certainement pas douter du fait que « L’Osservatore Romano » se préoccupe de ce phénomène ; il s’en préoccupe et beaucoup.
Zenit – Y a-t-il un compliment adressé à « L’Osservatore Romano » qui vous ait marqué ?
G. M. Vian – Les compliments ont été plus nombreux que les critiques : le journal suscite plus d’intérêt. Dans la presse je n’ai lu pratiquement que des appréciations positives et de différents milieux il émane que le journal est plus intéressant.
Zenit – Tout en conservant sa tradition, il semble que le journal se réinvente chaque jour. Craignez-vous l’immobilisme ?
G. M. Vian – Tous les journaux craignent l’immobilisme. Rester immobile serait un suicide.
Zenit – Conserverez-vous la caractéristique de journal du soir ? Ce fait conditionne beaucoup la journée de la rédaction.
G. M. Vian – Oui. Le journal sort l’après midi parce que nous informons immédiatement sur l’activité, les discours et les nominations du pape, et cela a lieu normalement le matin. Nous sommes les premiers à les publier. Cela implique quelques sacrifices parce que notre journée commence à 7.00 heure, par l’analyse des agences et des quotidiens ; à 8.15 nous avons la première réunion et moins d’une heure après nous commençons à élaborer le quotidien ; à partir de 13.15 nous commençons à clôturer les pages et à 14.15 a lieu la dernière réunion pour le jour suivant, même si souvent celle-ci est un peu décalée.
Zenit – Recevez -vous des indications éditoriales spécifiques ?
G. M. Vian – Je n’en ai pas eu beaucoup. L’indication – tellement claire pour moi que je l’avais écrite dans l’article consacré au journal publié dans le « Dictionnaire historique de la papauté » publié en Italie en 1996 – est que « L’Osservatore Romano » doit avoir une dimension plus internationale ; nous avons donc doublé les informations internationales mais aussi les informations culturelles et religieuses. Outre le renforcement de la dimension internationale, nous accordons plus d’attention aux Eglises orientales, également non catholiques, et nous donnons davantage de place aux articles signés par des femmes. Ce sont des indications de la Secrétairerie d’Etat mais je crois qu’elles viennent directement du pape. Et de manière plus générale, nous avons l’indication de faire – comme nous l’a explicitement demandé le cardinal Tarcisio Bertone, secrétaire d’Etat – un « beau journal ».
Zenit – Vous publiez chaque jour des entretiens particulièrement actuels qui s’avèrent également être une source d’information permettant d’anticiper les documents ecclésiaux ou des événements. Pensez-vous que l’on perçoive difficilement le dynamisme de la vie de l’Eglise ?
G. M. Vian – L’interview est un genre qui permet une plus grande immédiateté ; elle est plus facile à lire qu’un article de présentation d’une activité ou une réflexion. Nous avons également vu que ces entretiens plaisent et qu’ils sont repris. Et ils montrent le dynamisme de l’Eglise qui bouge bien plus qu’on ne le croit.
Zenit – « L’Osservatore Romano » rapproche le monde de Rome et Rome du monde. Faut-il démontrer qu’il n’existe pas de frontières entre les deux dimensions ou faut-il contribuer à les faire disparaître si elles existent ?
G. M. Vian – Pour l’évêque de Rome aucun pays n’est étranger. C’est pour cette raison que l’information internationale s’intéresse au monde entier. Le monde entier a une voix. Et vu que Rome porte son regard sur le monde entier, de nombreuses parties du monde apportent leur contribution au journal du pape. Le mouvement est à double sens. Et on peut ajouter que « L’Osservatore Romano » tente de faire tomber les préjugés qui existent à l’égard de la papauté.
Zenit – Conformément à son profil pastoral, le Conseil pontifical pour les communications sociales a récemment annoncé, parmi ses objectifs, celui de promouvoir un lien plus étroit entre les médias du Vatican et une meilleure coordination de l’information du Saint-Siège. Comment « L’Osservatore Romano » s’insère-t-il dans cette dynamique ?
G. M. Vian – Le journal du pape joue son rôle : le 20 décembre, nous avons interviewé, avec Radio Vatican et le Centre de télévision du Vatican – pour la première fois tous ensemble – un chef d’Etat, le président français Nicolas Sarkozy, et moins de deux semaines plus tard, le quotidien et la radio ont interviewé le père Kolvenbach, un peu avant sa démission comme supérieur général de la Compagnie de Jésus. Et nous avons l’intention de développer cette expérience.
Zenit – En quelques mots, quel est votre bilan de ces 100 premiers jours à « L’Osservatore Romano » ?
G. M. Vian – Une bonne base pour continuer à travailler.
Zenit – Vous êtes historien du christianisme, vous enseignez la philologie patristique et vous avez trente ans d’expérience journalistique. Comment vivez-vous personnellement cette expérience à « L’Osservatore Romano » ?
G. M. Vian – D’un côté cette charge me demande un grand effort. Je passe chaque jour douze ou treize heures à la rédaction. D’un autre côté je vis cet engagement avec passion et dans la joie car c’est une tâche formidable et un honneur pour moi. Et c’est un travail enthousiasmant, un travail d’équipe qui en vaut la peine.
Propos recueillis par Marta Lago