ROME, Jeudi 13 avril 2006 (ZENIT.org) – « Etre prêtre signifie devenir ami de Jésus Christ », a affirmé Benoît XVI dans son homélie de la messe chrismale, plus longue que d’habitude et consacrée au sacrement du sacerdoce. Un petit traité de l’amitié avec Jésus.
On peut voir dans cette belle méditation sur le sacerdoce nouveau une véritable « lettre aux prêtres » pour le Jeudi Saint : on se souvient que Jean-Paul II avait l’habitude d’adresser une lettre aux prêtres du monde à l’occasion de cette célébration annuelle. On trouve dans cette homélie des expressions bouleversantes qui sont comme autant de confidences du prêtre Joseph Ratzinger à ses frères prêtres.
Le pape Benoît XVI a célébré la messe chrismale ce matin en la basilique Saint-Pierre, entouré du presbyterium du diocèse de Rome et des évêques et cardinaux présents à Rome.
Cette messe, au cours de laquelle on bénit les saintes huiles – des catéchumènes, et des malades – et le saint Chrême, est aussi celle du renouvellement annuel des promesses sacerdotales. L’huile qui servira à l’onction des malades et aux autres sacrements venait d’Espagne et le parfum du saint Chrême de Sardaigne.
Le Seigneur a donné aux Douze la mission sacerdotale
« Le Jeudi saint est le jour, rappelait le pape, où le Seigneur a donné aux Douze la mission sacerdotale de célébrer, dans le pain et le vin, le Sacrement de son Corps et de son Sang, jusqu’à son retour ».
Il veut exercer son sacerdoce par notre intermédiaire
A propos du nouveau sacerdoce, participation au sacerdoce du Christ, le pape ajoutait: « Ainsi, le sacerdoce est devenu une chose nouvelle: il n’est plus question de descendance mais il s’agit de se trouver dans le mystère de Jésus Christ. Il est toujours Celui qui donne et nous attire en haut vers lui. Lui seul peut dire : « Ceci est mon Corps, ceci est mon Sang ». Le mystère du sacerdoce de l’Eglise réside dans le fait que nous, misérables êtres humains, en vertu du Sacrement nous pouvons parler avec son « Je »: in persona Christi. Il veut exercer son sacerdoce par notre intermédiaire ».
« Ce mystère émouvant qui nous touche à nouveau dans chaque célébration du Sacrement, nous le rappelons de façon particulière le Jeudi Saint, a poursuivi le pape. Pour que le quotidien ne gâche pas ce qui est grand et mystérieux, nous avons besoin d’un souvenir spécifique comme celui-ci, nous avons besoin de revenir à cette heure où il a posé ses mains sur nous et nous a fait participer à ce mystère ».
« Tu es sous la protection de mon cœur »
Le pape invitait alors à méditer sur les « signes » de ce Sacrement et il méditait à la première personne. « Au centre, disait-il, il y a le geste très ancien de l’imposition des mains, par lequel Il a pris possession de moi en me disant: « Tu m’appartiens ». Mais il a dit en même temps: « Tu es sous la protection de mes mains. Tu es sous la protection de mon cœur. Tu es gardé dans la paume de mes mains et justement ainsi tu te trouves dans l’immensité de mon amour. Demeure dans l’espace de mes mains et donne-moi les tiennes ».
Il veut nos mains deviennent les siennes
« Rappelons-nous aussi que nos mains ont été ointes de l’huile qui est le signe de l’Esprit Saint et de sa force. Pourquoi justement les mains ? La main de l’homme est l’instrument de son agir, est le symbole de sa capacité d’affronter le monde, justement de le « prendre en main ». Le Seigneur nous a imposé les mains et il veut maintenant nos mains afin que, dans le monde, elles deviennent les siennes. Il veut qu’elles ne soient plus des instruments pour prendre les choses, les hommes, le monde pour nous, pour en prendre possession, mais au contraire qu’elles transmettent son toucher divin, en se mettant au service de son amour. Il veut qu’elles soient des instruments pour servir, et donc expression de sa mission de toute la personne qui se fait garante de Lui et le porte aux hommes ».
Le pape poursuivait cette méditation sur les mains du prêtres ointes lors de l’ordination sacerdotale en disant: « Si les mains de l’homme représentent symboliquement ses facultés, et, généralement, la technique comme pouvoir de disposer du monde, alors les mains ointes doivent être un signe de sa capacité de donner, de la créativité, en façonnant le monde par l’amour – et pour cela nous avons besoin de l’Esprit Saint ».
Mettons nos mains à nouveau à sa disposition aujourd’hui
Comme il le fait souvent – par exemple dans son message pour la XXIe Journée mondiale de la jeunesse, dimanche dernier, des Rameaux – le pape va à la source de l’Ancien Testament pour montrer à la foi la profondeur et la continuité, mais aussi la nouveauté du Christ. Il faisait en effet observer: « Dans l’Ancien Testament, l’onction est le signe de l’assomption pour un service: le roi, le prophète, le prêtre fait et donne plus que ce qui découle de lui même. Dans un certain sens, il est ainsi exproprié de lui-même en fonction d’un service, dans lequel il se met à la disposition d’un plus grand que lui. Si Jésus présente aujourd’hui l’Evangile de l’Oint de Dieu, le Christ, alors cela veut justement dire que Lui agit en vertu de la mission du Père et dans l’unité de l’Esprit Saint, et que, en ce monde, il donne au monde une nouvelle royauté, un nouveau sacerdoce, une nouvelle façon d’être prophète, qui ne se cherche pas soi-même mais vit pour Celui en vue duquel le monde a été créé. Mettons nos mains à nouveau aujourd’hui à sa disposition et prions-le de nous prendre toujours de nouveau par la main et de nous guider ».
Le Seigneur lui-même nous a imposé les mains
Mais Benoît XVI évoquait cet autre geste liturgique de l’ordination sacerdotale: l’imposition des mains, en disant: « Dans le geste sacramentel de l’imposition des mains par l’évêque, c’est le Seigneur lui-même qui nous a imposé les mains. Ce signe sacramentel réassume un parcours existentiel entier. Une fois, comme les premiers disciples, nous avons rencontré le Seigneur et nous avons entendu sa parole: « Suis-moi! » Peut-être l’avons-nous suivi de façon un peu indécise, en nous retournant, et en nous demandant si cette voie était vraiment la nôtre. Et à un moment de notre chemin, nous avons peut-être fait l’expérience de Pierre après la pêche miraculeuse, c’est-à-dire que nous nous sommes effrayés de sa grandeur, de la grandeur de la mission et de l’insuffisance de notre pauvre personne, au point de vouloir nous retirer: ‘Seigneur, éloigne-toi de moi qui suis un homme pécheur!’. Mais ensuite, avec une grande bonté, il nous a pris par la mains, nous a attirés à lui et il nous a dit: ‘N’aie pas peur! Je suis avec toi. Je ne t’abandonne pas, toi, ne m’abandonne pas!’ »
Le Seigneur fais de nous ses amis
Le pape poursuivait sa méditation du geste de l’imposition des mains en ces termes: « Le Seigneur a posé sa main sur nous. La signification de ce geste il l’a exprimée dans ces paroles: ‘Je ne vous appelle plus serviteurs, parce que le serviteur ne sait pas ce que fait son maître; mais je vous appelle amis, parce que tout ce que j’ai entendu de mon Père je vous l’ai fait connaître’. Je ne vous appelle plus serviteurs mais amis: dans ces paroles, on pourrait même voir l’institution du sacerdoce. Le Seigneur fais de nous ses amis: il nous a tout confié ; il nous confie lui-même, si bien que nous pouvons parler avec son Je – in persona Christi capitis. Quelle confiance! Il s’est vraiment livré entre nos mains. Les signes essentiels de l’Ordination sacerdotale sont au fond tous des manifestations de cette parole: l’imposition des mains; la remise du livre – de sa Parole qu’il nous confie; la remise du calice par lequel il nous transmet son myst
ère le plus profond et le plus personnel ».
Escalader la montagne de la prière
Reprenant cette image biblique de la montagne, le pape précisait: « Les évangélistes nous disent que le Seigneur de façon répétée – des nuits entières – se retirait ‘sur la montagne’ pour prier seul. De cette ‘montagne’ nous avons besoin nous aussi : c’est l’altitude intérieure que nous devons escalader, la montagne de la prière. C’est seulement comme cela que l’amitié se développe. C’est seulement ainsi que nous pouvons exercer notre service sacerdotal, ce n’est que comme cela que nous pouvons apporter le Christ et son Evangile aux hommes ».
La prière, pastorale authentique et remède à l’activisme
« Le prêtre doit être surtout un homme de prière. Le monde dans son activisme frénétique perd souvent le nord. Son action et ses capacités deviennent destructrices, si viennent à manquer les forces de la prière, d’où jaillissent les eaux de la vie capables de féconder la terre aride ».
Le Christ, contemporain, dans le corps de son Eglise
Mais, loin d’une conception individualiste ou intimiste, de cette amitié avec le Christ, le pape élargissait son propos en quelque sorte à l’amitié avec les amis de Jésus en ces termes: « L’amitié avec Jésus est par antonomase toujours une amitié avec les siens. Nous pouvons être des amis de Jésus seulement dans la communion avec le Christ entier, avec la tête et le corps ».
Le pape citait une nouvelle fois le prêtre fidei donum de son diocèse qui a été tué récemment dans son église en Turquie en disant: « Je voudrais conclure cette homélie par les paroles d’Andrea Santoro, ce prêtre du diocèse de Rome qui a été assassiné à Trébisonde alors qu’il priait; le cardinal Cè nous l’a communiquée pendant les exercices spirituels: ‘Je suis ici pour habiter au milieu de ce peuple et permettre à Jésus de le faire en lui prêtant ma chair… On devient capable de salut seulement en offrant sa propre chair. Le mal du monde doit être porté et la douleur partagée, en l’absorbant dans notre propre chair jusqu’au bout comme Jésus l’a fait ». Jésus a pris notre chair. Donnons-lui la nôtre, de façon à ce qu’il puisse venir dans le monde et le transformer. Amen! ».