ROME, Mercredi 7 septembre 2005 (ZENIT.org–El Observador) – Avec une proportion de 3.500 fidèles par prêtre, le diocèse de San Juan de los Lagos est particulièrement privilégié. Il s’agit d’une terre de martyrs, de pèlerinages (le pèlerinage à Notre Dame de San Juan de los Lagos est le deuxième plus important dans le pays), de vocations sacerdotales et de migration. Le 20 novembre prochain plusieurs martyrs « cristeros » y seront béatifiés.
Nous publions ci-dessous un entretien réalisé avec Mgr Javier Navarro Rodríguez dans le cadre de la visite « ad limina apostolorum » des évêques mexicains à Rome.
Q : Comment expliquez-vous le nombre important de martyrs dans le diocèse de San Juan de los Lagos ?
Mgr Navarro Rodríguez : Le pape Benoît XVI vient de me donner la réponse à cette question : à cause de la très grande dévotion mariale. La basilique actuelle, sanctuaire et cathédrale de San Juan de los Lagos a plus de 270 ans, et la Vierge plus de quatre siècles et demi. Elle a attiré des pèlerins de tout le Mexique et d’une bonne partie de l’Amérique. Cela explique tout.
Q : Que suscite la béatification de martyrs de « la Cristiada » ?
Mgr Navarro Rodríguez : D’abord, la joie. Par ailleurs, quatre des futurs bienheureux sont du diocèse et ils sont laïcs tous les quatre. Dans la cause antérieure (saint Cristóbal Magallanes et ses compagnons, en l’an 2000) tous les saints du diocèse étaient des prêtres. Le fait que les futurs bienheureux aient les mêmes noms et les mêmes prénoms que nous, est riche d’enseignements. Ce sera une occasion pour mieux assimiler ce qui a été la doctrine du magistère depuis des années, à savoir, que la sainteté est une vocation universelle.
Q : Parlez-nous du « chef » : Anacleto González Flores…
Mgr Navarro Rodríguez : C’est un grand exemple de laïc, d’origine humble, autodidacte, qui n’avait pas peur de l’effort, mais surtout qui avait le courage de défendre sa foi. La clarté de sa position durant la persécution religieuse et son pacifisme, montrent comment un laïc, père de famille, peut faire passer la gloire de Dieu, la défense du royaume du Christ Roi, avant ses intérêts personnels. Nous pouvons dire la même chose d’autres futurs bienheureux comme Emilio Gómez Losa.
Q : Y a-t-il un lien entre le passage à la démocratie, qui se fait de manière pacifique dans le pays, et le sang des martyrs versé en haine de la foi ?
Mgr Navarro Rodríguez : Il me semble évident qu’il existe effectivement un lien. Lorsqu’une personne est capable de tuer pour défendre son idéologie ou ses convictions, cela n’indique qu’une incapacité d’écoute, de dialogue. Mais lorsque une personne est capable de mourir pour défendre ses convictions, elle est authentique, elle sait écouter ; et une manière de se faire entendre est aussi de verser son sang. Pour en revenir à Anacleto : lorsque la force des mots ne suffit plus, le martyre est une expression très forte de quelqu’un qui veut exposer la vérité de la foi.
Q : Y a-t-il d’autres exemples dans votre région de cette force de la foi ?
Mgr Navarro Rodríguez : Oui, heureusement, il y en a beaucoup. Dans tout l’Etat du Jalisco. Je fut évêque auxiliaire à Guadalajara, avec le cardinal Juan Jesús Posadas Ocampo [assassiné le 24 mai 1993]. Il s’agit d’une région dotée d’une identité catholique, qui possède des valeurs communes, un moule culturel, et surtout, des croyances. La racine de cette identité c’est la foi, et les témoignages héroïques sont ses ramifications dans le temps. Tepatitlán par exemple, est le pays de saint Tranquilino Ubiarco, prêtre et martyr de la persécution, et de Anacleto González Flores, futur bienheureux.
Q : Faut-il faire une distinction entre la popularité de saint Tranquilino et celle du futur bienheureux Anacleto ?
Mgr Navarro Rodríguez : Oui, je le pense. Saint Tranquilino Ubiarco fait partie des 25 saints que Jean-Paul II nous a offerts en l’an 2000. La figure de Anacleto pourrait toutefois avoir un plus grand impact en raison de sa condition de laïc. Sa béatification fera grandir la foi des laïcs et la projettera vers le monde temporel (politiques, économiques, sociales). Ce sera un gain merveilleux pour les laïcs dans le diocèse et au Mexique.
Q : Les béatifications de novembre vont-elles en quelque sorte féconder la démocratie, la paix sociale, les aspirations du peuple catholique mexicain ?
Mgr Navarro Rodríguez : Oui, certainement. Car dans la figure des martyrs il faut voir l’anxiété de changement vers la vérité et la liberté. Lorsqu’il y a des témoins héroïques de la foi, la société ne peut pas rester la même.