« Nous devons réapprendre le sens social de la prière », affirme le card. Ratzinger

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ROME, dimanche 31 octobre 2004 (ZENIT.org) – La prière est un « moyen pour arriver à l’affirmation de la justice ». « Nous devons réapprendre le sens social de la prière », affirme le card. Joseph Ratzinger, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, dans un entretien au journal italien « Amico del Popolo ».

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L’Amico del Popolo</a> a publié le 22 octobre dernier un entretien avec le card. Joseph Ratzinger à l’occasion de la présentation de son livre « Fede, verità, tolleranza », à Belluno, en Italie.

Q : Vous affirmez que « l’Eglise n’est contre personne ». Le Ramadan des musulmans vient de commencer il y a quelques jours. L’accueil est-il total aussi à leur égard ?

Card. Ratzinger : Le fait que nous ne soyons contre personne ne signifie pas que nous n’ayons pas une position, une identité, une connaissance qui nous soient propres. Et que nous ne devions pas dire non à certaines choses. Nous ne sommes pas contre les personnes mais nous avons des valeurs à défendre. Et naturellement nous défendons les convictions religieuses des autres, en particulier des musulmans qui observent ce mois de jeûne. Ils ont tout notre respect. Aussi parce qu’il s’agit d’une pratique commune à toutes les religions.

Q : Quelle devrait être aujourd’hui la valeur du jeûne ?

Card. Ratzinger : Le jeûne peut éduquer à la propre liberté. Il s’agit d’une observance sans aucun doute à respecter.

Q : La nouvelle Constitution européenne est sur le point d’être approuvée de façon solennelle. Le problème de la reconnaissance des racines judéo-chrétiennes du Continent est resté irrésolu. Ceci est-il d’une certaine manière récupérable ?

Card. Ratzinger : Je ne peux rien dire des modalités juridiques de cette récupération. Mais dans de nombreux pays il y aura des référendums. Nous verrons ce que dira le peuple. Il me semble en tout cas que nous ne devrons pas considérer ce problème comme exclu, car il ne s’agit pas d’une question marginale, d’un ornement. Il s’agit de la définition de notre identité. L’Europe ne peut pas être uniquement une communauté d’intérêts et de stratégies, ou de commerce. Nous avons besoin d’une identité plus profonde. Et cette identité exige une définition. La vérité historique et aussi la vérité vécue d’aujourd’hui nous disent que les racines chrétiennes sont indispensables et qu’elles appartiennent à l’identité européenne. Elles doivent donc entrer dans cette institution.

Q : L’archevêque de Baghdad des Latins soutient que la paix de son pays passe par l’Europe. En êtes-vous également convaincu ?

Card. Ratzinger : Il est évident qu’un tel continent, riche matériellement mais également riche d’une tradition spirituelle et d’un pouvoir, a une grande responsabilité dans le monde. Nous devons vraiment nous réveiller pour prendre en main notre responsabilité.

Q : Vous ne perdez pas une occasion pour inviter à la prière. En particulier à la prière pour l’affirmation de la justice. Quelle est la force de la prière, en référence par exemple à la situation de l’Irak ou d’autres régions du monde touchées par la guerre et la violence ?

Card. Ratzinger : Nous pensons que la prière est une chose intimiste. Nous ne croyons plus vraiment, c’est au moins ce qu’il me semble, à l’effet réel, historique de la prière. Nous devons en revanche nous convaincre et apprendre que cet engagement spirituel qui relie le ciel et la terre a une force interne. C’est un moyen pour arriver à l’affirmation de la justice et pour s’engager à prier car de cette manière elle devient une éducation, de moi-même et de l’autre, pour la justice. Nous devons en somme réapprendre le sens social de la prière.

Q : Prenons l’Irak. Vous êtes convaincu que la force de la prière est plus pacificatrice que celle des armes ?

Card. Ratzinger : Oui. Oui. Je dirais que c’est la force que nous avons, nous, parce que nous voyons que même avec les armes les plus fortes on ne peut pas éteindre la flamme du terrorisme. La violence créée la violence. Une défense est certes nécessaire mais on ne peut pas éteindre ces flammes uniquement avec de la contre-violence. Nous avons besoin d’une force spirituelle qui naît précisément de la prière. Si dans la société, dans le monde entier, l’esprit de réconciliation et de la force des valeurs est vivant, nous pouvons créer un climat dans lequel ces valeurs ont de la force et peuvent vaincre.

Q : Quelles sont les limites de la tolérance dans le rapport avec les religions ?

Card. Ratzinger : Il y a un premier point fondamental. Il est clair depuis toujours que la foi est un événement de liberté et qu’elle ne peut être imposée et que l’autre, avec sa propre foi, sa conviction religieuse, mérite le respect. Il mérite d’être traité comme un frère, comme un homme créé à l’image de Dieu. Et puis il y a la responsabilité réciproque. L’autre cherche probablement à nous convaincre de ses raisons. Respectons-le. Réfléchissons même à ce qu’il dit mais nous devons par ailleurs être sûrs d’avoir un chemin qui conduit à la justice. Cherchons donc à ouvrir le cœur aux valeurs que nous connaissons, en respectant pleinement la liberté de l’autre.

Q : Aussi parce qu’il y a des valeurs communes.

Card. Ratzinger : Oui.

Q : Et donc, pas de guerre de religion ?

Card. Ratzinger : Absolument pas.

Q : En présence du préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi on pourrait être tenté de demander : un croyant qui ne pratique pas ou un non chrétien peut-il aller au Paradis ?

Card. Ratzinger : Un homme qui oublie ou néglige la foi, et donc la communion eucharistique, perd des choses essentielles dans sa vie. Il court donc le risque de perdre des valeurs importantes de lui-même. Nous ne pouvons par conséquent que l’inviter à être attentif à ne pas s’arrêter aux choses secondaires. Il ne nous revient pas de dire s’il ira au paradis ou en enfer mais d’attirer l’attention sur le chemin que prend la personne. Si en montagne un promeneur prend un mauvais chemin, on le met en garde : attention, ce que tu fais est dangereux. C’est ce qui doit se passer aussi dans la vie.

Pour ce qui concerne les non chrétiens, rappelons-nous que le Seigneur a donné à tout homme l’organe de sa conscience qui l’aide à être bon, à suivre la voie du bien et de ce qui est juste. Les autres aussi, par conséquent, ont cette force intérieure. Et le Seigneur complète ce que nous ne pouvons pas donner. Il n’y a donc pas de condamnation des non catholiques, des non chrétiens. A la fin il y a une convergence de tous. Il n’y a pas un bien pour un catholique qui soit un mal pour un musulman. A la fin, le bien est toujours le même : l’amour, le pardon, la justice. Et même si nous vivons dans des contextes différents, nous devons viser cette convergence sous la conduite de notre conscience.

Q : Parlons, si vous le permettez, d’un thème particulier. Le rapport entre l’Eglise et les jeunes, qui semble de plus en plus difficile.

Card. Ratzinger : Chaque époque a sa formule. On ne peut pas toujours continuer avec la même méthode, parce que les contextes culturels et humains sont différents, bien que le mandat fondamental soit toujours le même. L’oratoire a été un lieu de rencontre, de formation culturelle, humaine, de compagnie, de sport. Aujourd’hui, de manière peut-être différente, nous devons poursuivre les mêmes objectifs. L’école, inspirée de la foi chrétienne reste importante. Il est également important de créer une compagnie humaine, de promouvoir des idéaux et aussi des lieux de jeu, de récréation et de sport qui donnent des contenus et éduquent les nouvelles générations au devoir. Le volontariat, Dieu merci, se développe. Et dès que l’on est enfant, adolescent, on devrait pouvoir compter sur une éducation qui mette en relief les besoins et la réponse qu’ils demandent, y compris à titre gratuit. Je sais que les jeunes qui s’engagent sont heureux de le faire et ils découvrent que cette vie est à la
fin une vie beaucoup plus heureuse que celle du pur divertissement. Si une personne découvre qu’elle peut donner, même au prix d’un sacrifice, elle est de toute façon contente à la fin. Si elle est centrée sur elle-même, elle se perd; en s’engageant pour les autres en revanche, elle se retrouve elle-même. Il faut donc multiplier les lieux de cet engagement.

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ZENIT Staff

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