Institut Hôpital des Innocents de Florence, Italie © Vatican Media

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Protection de l’enfance : mettre la beauté au service de la charité

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Audience pour l’Institut des Innocent, qui protège les droits de l’enfance et de l’adolescence

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« Aux pauvres, aux créatures fragiles, à ceux qui vivent dans les périphéries, nous devons offrir ce que nous avons de meilleur », a affirmé le pape avec force. Évoquant la magnifique architecture Renaissance de l’Institut des Innocents, à Florence, le pape François a salué « une ville qui a mis le meilleur d’elle-même dans l’accueil des enfants » qu’elle a « confiés à l’amour et aux soins de la communauté ». La « beauté a été mise au service de la charité », a-t-il résumé.
Le pape François a reçu en audience les dirigeants, les professionnels et les enfants de l’Institut Hôpital des Innocents de Florence, ce vendredi matin 24 mai 2019, dans la Salle du Consistoire du Palais apostolique du Vatican.
L’Institut italien, consacré à l’accueil et à la protection des enfants, fête le 600e anniversaire de sa fondation. Sa mission consiste aussi, en s’adaptant aux nouvelles exigences des enfants et des familles, à rester un point de référence en matière de protection et de promotion des droits de l’enfance et de l’adolescence au niveau national et international.
Le pape François a plaidé la cause des enfants « abandonnés, seuls » et invité à « créer une culture de l’adoption », une culture « qui reconnaisse la valeur de la vie », une culture qui « se préoccupe d’offrir des soins et de la beauté ! ». Il a indiqué un objectif : qu’aujourd’hui, « aucune mère ne se trouve dans la situation de devoir abandonner son enfant » et qu’il y ait « des structures et des parcours d’accueil où l’enfance serait toujours protégée et accompagnée de la seule manière digne qui soit : en donnant aux enfants le meilleur de ce que nous pouvons leur offrir ».
Le pape François a prononcé un discours improvisé, tout en remettant celui qui avait été préparé par écrit. Voici notre traduction des deux discours.
Discours improvisé du pape François.
Chers frères et soeurs,
J’avais préparé un discours pour vous, mais c’est un peu ennuyeux à lire… Je préfère dire deux mots et surtout vous saluer un par un.
Vous [la présidente de l’Institut] avez employé une expression touchante : la « culture de l’enfant ». Aujourd’hui, il faut que nous la reprenions. La culture des enfants. Il y a une culture de la surprise en voyant grandir, en voyant comment la vie les surprend, comment ils entrent en contact avec la vie. Et nous devons apprendre à faire la même chose. Cette voie, cette route que nous avons tous empruntée, enfants, il faut que nous la reprenions. Vous avez cité l’Évangile de Marc : « Laissez venir les petits enfants… » ; mais il y a aussi d’autres passages de l’Évangile où Jésus va même au-delà : il ne dit pas seulement d’accueillir les enfants et que celui qui les accueille l’accueille, mais il va au-delà : « Si vous ne devenez pas comme des enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux ». Et c’est cela que la culture de l’enfant doit nous enseigner. Il faut que, d’une certaine façon, nous revenions à la simplicité d’un enfant et surtout à la capacité de nous laisser surprendre. Les surprises ! Notre Dieu est le Dieu des surprises et nous devons apprendre cela.
Merci pour ce que vous avez dit et pour cette histoire…
Et il me reste encore autre chose à dire, que je voudrais reprendre dans ce que vous avez dit : ces médailles cassées en deux… [la moitié à l’enfant et la moitié à la mère qui le laissait à l’Institut]. Aujourd’hui, dans le monde, il y a beaucoup d’enfants qui ont symboliquement la moitié de la médaille. Ils sont seuls. Les victimes des guerres, les victimes des migrations, les enfants non accompagnés, les victimes de la faim. Des enfants avec une demi-médaille. Et qui a l’autre moitié ? Notre Mère l’Église. Nous avons l’autre moitié. Il est nécessaire de réfléchir et de faire comprendre aux gens que nous sommes responsables de cette autre moitié et d’aider à faire aujourd’hui une autre « maison des innocents », plus mondiale, avec l’attitude de l’adoption. Il y a très souvent des personnes qui veulent adopter des enfants, mais il y a une bureaucratie si grande – lorsqu’il n’y a pas la corruption au milieu, que tu paies et… Mais aidez-moi en cela : à semer la conscience que nous avons l’autre moitié de la médaille de cet enfant. Beaucoup, beaucoup de familles qui n’ont pas d’enfants et qui auraient certainement le désir d’en avoir un par l’adoption : avancer, créer une culture de l’adoption parce que les enfants abandonnés, seuls, victimes des guerres et autre sont nombreux ; que les gens apprennent à regarder cette moitié et à dire : « Moi aussi, j’en ai une autre ». Je vous demande de travailler ce point. Et merci !
Discours préparé par écrit et remis par le pape
Chers frères et soeurs,
Je vous souhaite la bienvenue à tous, dirigeants et professionnels de l’Institut des Innocents, et à vous, les enfants, qui êtes les protagonistes de cette institution qui, depuis six-cents ans, accueille, assiste et soutient l’enfance. Quand je suis venu à Florence, en 2015, pour le Vème Congrès ecclésial national, en parlant de la beauté de la ville, je n’ai pas pu éviter de me souvenir que beaucoup de cette beauté a été mise au service de la charité et j’ai justement donné en exemple l’Hôpital des Innocents. Je me souvenais que l’ « une des premières architectures de la Renaissance avait été créée pour le service d’enfants abandonnés et de mères désespérées » (Discours au Congrès ecclésial de Florence, 10 novembre 2015).
L’Institut des Innocents, avec ses six siècles d’histoire – une histoire qui n’est pas terminée, mais qui est tournée vers l’avenir – nous parle d’une ville qui a mis le meilleur d’elle-même dans l’accueil des enfants, pour qu’on ne doive plus les appeler « abbandonnés » mais accueillis, confiés à l’amour et aux soins de la communauté. L’histoire des Innocents est une histoire qui a beaucoup à nous enseigner. D’abord, elle a à son origine dans la générosité d’un riche banquier, Francesco Datini, qui donna le montant avec lequel il fut possible de lancer la réalisation de cette oeuvre. Aujourd’hui encore, la responsabilité sociale et éthique du monde de la finance est une valeur indispensable pour construire une société plus juste et solidaire. L’autre élément frappant de cette histoire est que le projet fut confié à Filippo Brunelleschi, l’architecte le plus important à cette époque, qui travaillait justement ces années-là à un chef-d’oeuvre qui étonne le monde aujourd’hui encore : la coupole de la cathédrale Santa Maria del Fiore. Pour que la beauté que l’on consacre à la maison du Seigneur soit aussi consacrée à la maison des enfants qui avaient le moins de chance. Parce que, pour les enfants qui avaient besoin d’être accueillis, il ne suffisait pas de donner le lait des nourrices, il y avait le désir de les faire grandir dans un environnement qui soit le plus beau possible.
Et depuis six-cents ans, l’Institut des Innocents s’occupe d’offrir à ses enfants tout le nécessaire pour grandir dans la dignité. C’est une vérité qui doit être affirmée avec force aujourd’hui : aux pauvres, aux créatures fragiles, à ceux qui vivent dans les périphéries, nous devons offrir ce que nous avons de meilleur. Et parmi les personnes les plus fragiles dont nous devons prendre soin, il y a certainement beaucoup d’enfants refusés, privés de leur enfance et de leur avenir ; des mineurs qui affrontent des voyages désespérés pour fuir la faim ou la guerre. Des enfants qui ne voient pas le jour parce que leurs mamans subissent des conditionnements économiques, sociaux et culturels qui les poussent à renoncer à ce don merveilleux qu’est la naissance d’un enfant. Comme nous avons besoin d’une culture qui reconnaisse la valeur de la vie, surtout de celle qui est faible, menacée, offensée et qui, au lieu de penser comment la mettre de côté, l’exclure par des murs et des fermetures, se préoccupe d’offrir des soins et de la beauté ! Une culture qui reconnaisse en chaque visage, même le plus petit, le visage de Jésus : « celui qui accueille un enfant comme celui-ci en mon nom, il m’accueille, moi »  (Mt 18,5).
L’Hôpital des Innocents est un lieu d’histoire, mais aussi d’histoires : des histoires plus petites, mais tout aussi fascinantes. Ce sont les histoires des centaines de milliers d’enfants qui sont passés entre ces murs. Toujours en parlant au Congrès de Florence, j’ai aussi fait référence à un aspect particulier : le fait que les mamans laissaient souvent, avec leur nouveau-né, des médailles cassées en deux, avec lesquelles elle espéraient qu’en présentant l’autre moitié, elles pourraient reconnaître leurs enfants en des temps meilleurs. « Voià, disais-je, il faut que nous imaginions que nos pauvres ont une médaille cassée en deux. Nous avons l’autre moitié. Parce que notre Mère l’Église a, en Italie, la moitié de la médaille de tous les enfants et elle reconnaît tous ses enfants abandonnés, opprimés, fatigués ».
Aujourd’hui, l’objectif que nous devons nous donner, aux différents niveaux de responsabilité, c’est qu’aucune mère ne se trouve dans la situation de devoir abandonner son enfant. Mais nous devons aussi faire en sorte que, face à n’importe quel événement, même tragique, qui pourrait séparer un enfant de ses parents, il y ait des structures et des parcours d’accueil où l’enfance serait toujours protégée et accompagnée de la seule manière digne qui soit : en donnant aux enfants le meilleur de ce que nous pouvons leur offrir. En nous souvenant des paroles de Jésus qui nous invite tous à devenir comme vous, comme des enfants, pour pouvoir entrer dans le Royaume des cieux.
C’est ce que nous enseigne l’Institut des Innocents avec son histoire pluriséculaire, avec les milliers d’histoires qu’il a hébergées, et avec les histoires que vous aussi, les enfants, vous racontez aujourd’hui par vos visages souriants et joyeux. Et c’est pour cela que je remercie les dirigeants, les professionnels et toutes les personnes qui contribuent à faire vivre les différentes activités de l’Institut des Innocents. Je vous remercie et je vous invite à continuer votre service avec compétence et tendresse, professionnalisme et dévouement. Je prie pour cela et je vous bénis. Et je vous demande, s’il vous plaît, de prier pour moi.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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