Cardinal Parolin © Zenit, AB

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Prix Jacques Hamel : le dialogue n’est pas "compromission", par le card. Parolin

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Prix Jacques Hamel à Samuel Lieven, mention spéciale à Michael Bunel et Romane Ganneval

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« Dans les drames qui ponctuent l’actualité, les médias jouent un rôle essentiel pour résister à la haine et à la violence », affirme le cardinal Parolin qui rappelle trois exigences du dialogue interreligieux avec les paroles du pape François : « le devoir de l’identité, le courage de l’altérité et la sincérité des intentions ».
Le cardinal Secrétaire d’Etat Pietro Parolin a en effet remis le premier Prix Jacques Hamel, décerné par la Fédération des médias catholiques, ce vendredi 26 janvier 2018, à Lourdes, dans le cadre des 22e Journées internationales Saint François de Sales.
Le Prix a été créé par la Fédération des médias catholiques (FMC) de France, après l’assassinat du père Jacques Hamel dans son église de Saint-Étienne-du-Rouvray (Seine-Maritime), le 26 juillet 2016, pour « distinguer un travail journalistique (…) qui met en avant les initiatives de paix et les démarches de dialogue interreligieux ».
Le premier lauréat, Samuel Lieven est récompensé pour son article « Thomas et Benoît, les convertis du 13 novembre », publié dans La Croix le 13 novembre 2017.
Une mention spéciale est décernée à « Croire dans le 9.3 », un reportage réalisé avec le concours du diocèse de Saint-Denis en France, par Michael Bunel pour les photos, de l’agence Ciric, et Romane Ganneval, pour les textes. Il a ensuite donné lieu à un livre et à une exposition.
Trois exigences du dialogue
Le Secrétaire d’Etat a rappelé les trois exigences du dialogue, notamment interreligieux : «  En félicitant Samuel Lieven, lauréat du « Prix Père Jacques Hamel », je voudrais ici souligner que le dialogue n’est pas synonyme de compromission ; trois orientations fondamentales peuvent stimuler le travail des journalistes en faveur d’un vivre ensemble harmonieux à savoir, « le devoir de l’identité, le courage de l’altérité et la sincérité des intentions ». »
« Sans oublier – a-t-il ajouté, dans la ligne d’appels répétés du pape François – l’invitation à la prière pour la conversion des personnes qui pervertissent l’intelligence et le cœur des jeunes, en les invitant à commettre des actes barbares et ignobles. »
Le cardinal italien a proposé un exemple de ce dialogue « en chemin » : « Une image symbolique du dialogue interreligieux, publiée en Une de LOsservatore Romano, montre le Pape François marchant à pied avec Ahmed Mohamed el-Tayeb, le Grand imam d’al-Azhar (Le Caire, ndlr), pour aller déjeuner ensemble à la Maison Sainte Marthe après l’audience du 7 novembre 2017. »
Autre rencontre, lors du voyage du pape François au Caire, cette fois : « Devant le cheikh, le Pape François affirmait durant sa visite au Caire en avril 2017 : « l’unique alternative à la civilisation de la rencontre, c’est la barbarie de la confrontation ». »
Les paroles de Roseline Hamel
Surtout, le cardinal Parolin a cité une des sœurs du père Hamel : « Laissons donc résonner dans nos cœurs et nos esprits les mots de Roseline, sœur du père Jacques Hamel lors des obsèques : ‘Le Dieu d’amour et de miséricorde t’a choisi pour être au service des autres afin de cultiver l’amour, le partage et la tolérance entre les peuples de toutes confessions, croyants ou non croyants, jusqu’à ton dernier souffle. Par le don de ta vie, la force de ta foi inébranlable, ton message est en marche. Apprenons à vivre ensemble, soyons des artisans de paix à notre manière, le monde a tant besoin d’espérance’. »
Avant de citer le père Jacques lui-même : « Puissions-nous, en ces moments entendre l’invitation de Dieu à prendre soin de ce monde, à en faire, là où nous vivons, un monde plus chaleureux, plus humain, plus fraternel. »
Il a souligné, justement, que le Prix était décerné avec l’accord de la famille du père Jacques Hamel : « C’est une joie et un honneur pour moi de présider cette première édition du « Prix Père Jacques Hamel », créé par la Fédération des Médias Catholiques (FMC) en accord avec la famille du Père Jacques Hamel et en lien avec l’archidiocèse de Rouen, pour honorer la mémoire de ce témoin de la foi et pour récompenser un travail journalistique de qualité sur le dialogue interreligieux. »
Le cardinal Parolin a notamment cité les paroles de Mgr Lebrun : « Mgr Dominique Lebrun, Archevêque de Rouen quittant les JMJ de Cracovie pour rejoindre son diocèse lançait cet appel à « ne pas baisser les bras devant les violences et à devenir des apôtres de la civilisation de l’amour. » (Cf. Communiqué de presse). Dans les drames qui ponctuent l’actualité, les médias jouent un rôle essentiel pour résister à la haine et à la violence. »
Journalisme et histoire du salut
Le cardinal Secrétaire d’Etat a discerné le travail des médias dans le cadre de « l’histoire du salut » : « Je voudrais féliciter tous les acteurs du secteur de la communication, car, dans la gestion de l’événement tragique de l’assassinat du Père Hamel, ils ont su démontrer ce que le Pape François écrivait dans son message, l’an dernier : ‘Celui qui, avec foi, se laisse guider par l’Esprit Saint devient capable de discerner en tout événement ce qui se passe entre Dieu et l’humanité, reconnaissant comment Lui-même, dans le scénario dramatique de ce monde, est en train de tisser la trame d’une histoire de salut’. »
Pour le cardinal Parolin, la communication est au service du bien commun: « Notre appréciation de l’événement, et une des missions de l’Eglise en ce monde c’est de « favoriser le bien-être spirituel et matériel de la personne humaine et la promotion du bien commun. » (Cf. Pape François, Discours à l’occasion des vœux au Corps Diplomatique près le Saint-Siège, 8 janvier 2018). »
Parfois jusqu’au sacrifice : « Cette mission est essentiellement communication, annonce de l’Évangile et aussi lutte contre tout ce qui avilit l’être humain… Conjuguer l’obéissance à la grâce de Dieu, l’harmonie entre la liberté et la vérité demande parfois des sacrifices hors du commun, ce qui peut aller jusqu’au martyre comme pour le père Jacques Hamel, tué dans son ministère sacerdotal, « in Odium Fidei » dans l’église Saint-Etienne de Saint-Etienne-du-Rouvray. »
Le jury et les lauréats
Après avoir remis le Prix au lauréat, le Secrétaire d’Etat du Saint-Siège, a exprimé à nouveau son « grand plaisir » d’être présent à cette rencontre et à l’occasion du Prix Jacques Hamel pour le dialogue interreligieux, soulignant que le pape François lui-même y est « très attentif », invitant à la collaboration : « Chacun a son rôle à jouer. » Il a exprimé encouragements pour la « mission » des journalistes et leur « travail au service de la vérité ».
Rappelons que le père Jacques Hamel – né le 30 novembre 1930 à Darnétal et ordonné prêtre le 30 juin 1958 à Rouen – a été assassiné le 26 juillet 2016 en l’église Saint-Etienne de Saint-Etienne- du-Rouvray, en Normandie (France), pendant la messe : « Vous êtes mort en habit de prêtre » a pu dire l’évêque de Rouen, Mgr Dominique Lebrun, retenu justement par une retraite avec les prêtres de son diocèse.
Le lauréat, Samuel Lieven, a retracé l’histoire de son reportage qui a été comme un « apprivoisement » sur plusieurs années, après sa première rencontre avec Benoît, le catholique, en 2013, à Bayard Presse, la découverte que son frère, Thomas, avait embrassé l’Islam : une histoire où les liens de famille, sur quatre générations, se renouent, autour de l’article. « On va pouvoir se parler vraiment », a pu confier la maman, Pascale. Le 25 décembre, ils étaient réunis à l’occasion de Noël pour la première fois depuis 15 ans. Le lauréat a remercié La Croix d’avoir « permis à cette histoire d’exister ».
L’émotion a été forte lorsque le directeur de La Croix, Guillaume Goubert a pris la parole pour évoquer le père Hamel et les semaines de couverture des événements, pour « favoriser » la parole « au sein de la société française ».
Dominique Quinio, ancienne directrice, présidente des Semaines sociales, et membre du jury, découvrait l’histoire de l’article et pour elle, cette histoire « donne encore plus de force à ce prix » : « Samuel a apprivoisé des personnes jusqu’à la confiance pour aller en profondeur ».
Roseline Hamel, 78 ans, a confié : « Je suis comme vous pouvez vous en rendre compte très émue et honorée d’être un membre du jury et conviée pour le Prix du père Jacques Hamel. » Elle confie avec humour que dans sa vie, active, de retraitée, la lecture n’était pas son « hobby préféré », mais qu’elle a dû pourtant lire les contributions des candidats « en moins d’une semaine », pour se faire un jugement: « J’étais, a-t-elle affirmée, accompagnée de l’esprit de Jacques mon frère, notre frère, votre frère. »
« Le monde a tant besoin d’espérance, soyons des artisans de paix, des créateurs du mieux vivre ensemble » et que « tout ce qu’il peut se créer de bon fasse plus de bruit que le mal », a conclu Roseline Hamel.
Le jury a attribué une mention spéciale au travail « Croire dans le 9.3 » du photographe de Ciric, Michael Bunel et de Romane Ganneval pour les textes : un travail effectué grâce au diocèse de Saint-Denis-en-France, a précisé, au nom de Mgr Delannoy, Bruno Rastoin, directeur de la communication de ce diocèse de 1,6 million d’habitants. Un reportage – ou plutôt 26 reportages – qui est donc devenu aussi un livre et une exposition itinérante qui suscite des débats à chaque présentation, notamment à l’occasion des 50 ans du diocèse autrefois rattaché à Paris, comme les autres diocèses créés alors dans la « couronne ».
Le pardon et la miséricorde
« Merci aux habitants de Saint-Denis de m’avoir ouvert leur porte », a dit le photographe parmi ses remerciements.
Romane Ganneval, étudiante en journalisme, a eu une « pensée émue pour Roseline Hamel » et a dit avoir « écrit par conviction ». Elle confie être elle-même née « un vendredi 13 novembre » (date des attentats à Paris, et Saint-Denis, ndlr). Elle ajoute immédiatement : « Et je n’ai pas peur. »
En fin de matinée, le p. Janvier Yameogo, du Secrétariat du Saint-Siège pour la communication, a confié qu’il participait pour la dixième fois axu Journées Saint François de Sales, concluant sur le besoin de pardon même des journalistes entre eux, et du besoin de la miséricorde divine.

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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