Sculpture du pistolet noué au siège de l'ONU à New York © research.un.org

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ONU : faire taire les armes en Afrique, intervention de Mgr Camilleri

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La communauté internationale doit tenir ses engagements

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Débarrasser le continent africain des guerres et des conflits civils d’ici 2010 : tel est, indique Mgr Camilleri, l’objectif « ambitieux » que s’est donné l’Union africaine, rejoignant ainsi les nombreux appels du pape en faveur de la paix et de la réconciliation. Mais, observe-t-il, s’il existe des « signes encourageants d’espoir », comme les accords de paix entre l’Éthiopie et l’Érythrée ou entre les dirigeants du Soudan du sud, d’autres zones « souffrent de la violence fondamentaliste et d’autres formes de conflits ».

Mgr Antoine Camilleri, sous-secrétaire du Saint-Siège pour les relations avec les États, est intervenu au débat public du Conseil de Sécurité sur la coopération entre l’ONU et les organisations régionales et sous-régionales intitulé : Faire taire les armes en Afrique, à New York, le 27 février 2019.

Pour honorer les « nobles aspirations de la jeunesse africaine assoiffée de justice, de paix et de réconciliation », affirme le représentant du Saint-Siège, la communauté internationale doit « tenir ses engagements », en matière d’aide humanitaire d’urgence et d’aide régulière au développement, dans le « respect des cultures et valeurs africaines ». Il faut aussi, avertit Mgr Camilleri, « une plus grande coopération internationale et régionale, en particulier entre les États producteurs d’armes, pour contrôler et limiter strictement la production et la circulation des armes ».

Voici notre traduction de l’intervention de Mgr Camilleri.

HG

Intervention de Mgr Antoine Camilleri

Monsieur le Président,

Le Saint-Siège remercie la Présidence de la République de Guinée équatoriale d’avoir convoqué ce débat public sur le thème « Faire taire les armes en Afrique d’ici 2020 », un noble objectif à maintenir à l’avant-plan de l’attention de la communauté internationale. L’Union africaine a également pris l’ambitieuse détermination « d’atteindre l’objectif d’une Afrique sans conflits et de faire de la paix une réalité pour tous nos peuples et de débarrasser le continent des guerres et des conflits civils ». (1) Cette conviction correspond en effet aux fréquentes pétitions, faites par le pape François lui-même, en faveur de la paix et de la réconciliation : « À tous ceux qui font un usage injuste des armes de ce monde, je lance cet appel : déposez ces instruments de la mort ! ». (2)

Au regard de la situation actuelle sur le continent africain, « les vents d’espoir soufflent », comme l’a fait remarquer le Secrétaire général lui-même. (3) Parmi les signes les plus démonstratifs de la paix, on peut citer l’accord historique entre l’Éthiopie et l’Érythrée, qui résout un conflit qui dure depuis des décennies et rétablit les relations diplomatiques, ainsi que l’accord entre dirigeants au Soudan du sud pour rétablir une coexistence pacifique.

S’il s’agit sans aucun doute de « signes encourageants d’espoir pour le continent africain » (4), il reste plusieurs zones qui souffrent de la violence fondamentaliste et d’autres formes de conflits. On pourrait être tenté de rejeter la détermination de l’Union africaine comme inatteignable, voire utopique. Cependant, il serait défaitiste de le faire. Nous devons être attentifs aux nobles aspirations de la jeunesse africaine, assoiffée de justice, de paix et de réconciliation, à qui la Déclaration solennelle promet « de ne pas léguer le fardeau de la guerre ». (5) Nous devons chercher des moyens de travailler à la consolidation et à la construction de la paix.

Monsieur le Président,

Pour envisager un continent africain exempt de guerres et de conflits civils, nous devons d’abord examiner pourquoi les gens ont d’abord recours aux instruments de la mort. La liste est longue, mais parmi les causes les plus dévastatrices figurent les disparités sociales et économiques, la faiblesse des institutions, l’instabilité politique et la corruption, où les conflits d’intérêts, tant nationaux qu’étrangers, ont le dessus sur la cohésion sociale et sur le bien commun. L’exploitation inéquitable des innombrables ressources de l’Afrique et d’autres fléaux contraires à la dignité humaine, tels que les enfants soldats et le trafic, la piraterie et le commerce illégal des espèces sauvages, exacerbent souvent ces causes profondes. Tout cela est malheureusement lié à la prolifération des armes et des munitions.

Pour aider le continent africain à atteindre son objectif louable et ambitieux de non-violence et de paix durable, la communauté internationale doit tenir ses propres engagements, en particulier lorsqu’elle s’engage à apporter une aide humanitaire d’urgence et une aide régulière au développement. Pour garantir la stabilité, l’appui financier et technique doit être durable et prévisible ; cependant, cela fonctionne beaucoup mieux lorsque celui-ci est sensible aux besoins spécifiques sur le terrain et réellement conscient de ces besoins, plutôt qu’imposé de l’extérieur d’une manière parfois étrangère aux cultures et valeurs africaines.

Monsieur le Président,

Aujourd’hui encore, beaucoup trop de jeunes Africains sont plus habiles avec les fusils et les munitions qu’avec les stylos et les manuels scolaires. Ils sont empêchés d’atteindre leur plein potentiel parce que leur éducation est interrompue par des conflits qu’ils n’ont pas choisis ou qu’ils n’ont pas provoqués, et ils sont pris dans des cycles de violence qui, malheureusement, deviennent un mode de vie. Cela doit changer. La prolifération des armes ne fait qu’aggraver les situations de conflit et entraîne des souffrances humaines et des coûts matériels inimaginables, compromettant profondément le développement, les droits de l’homme et la recherche d’une paix durable. Sans une plus grande coopération internationale et régionale, en particulier entre les États producteurs d’armes, pour contrôler et limiter strictement la production et la circulation des armes, une Afrique exempte de guerres et de conflits violents restera une illusion.

Alors qu’il reste beaucoup à faire pour faire taire les armes en Afrique, le Saint-Siège estime que ce débat public est un coup de plus sur l’enclume pour l’accomplissement de la prophétie d’Isaïe, dont les paroles sont inscrites juste en face de ce siège : « De leurs épées, ils forgeront des socs, et de leurs lances, des faucilles. Jamais nation contre nation ne lèvera l’épée ; ils n’apprendront plus la guerre ». [6]

Je vous remercie, Monsieur le Président.

  1. Déclaration solennelle du 50e anniversaire de l’Union africaine adoptée par la session ordinaire de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement, Addis-Abeba, 26 mai 2013.
  2. Pape François, Homélie à la messe à la cathédrale de Bangui lors de son voyage apostolique en République centrafricaine, 29 novembre 2015.
  3. Interview avec « Voice of Africa » à la veille de la visite de Guterres en Éthiopie, février 2019.
  4. Cf. Pape François, Discours au Corps diplomatique accrédité auprès du Saint-Siège, 7 janvier 2019.
  5. op.cit.
  6. Isaïe 2:4.

© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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