Card. Ouellet - ZENIT - HSM

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« Notre Dame sera reconstruite » et « la paix est possible », par le card. Ouellet (texte complet)

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« Croire à la paix », conférence à l’abbatiale de Caen

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« Notre-Dame sera reconstruite » : le paradigme de l’incendie de Notre-Dame de Paris, le 15 avril dernier et la mobilisation qui a suivi pour la reconstruire ouvre à l’espérance que « la paix est possible », explique le cardinal Marc Ouellet dans sa conférence « Croire à la paix » prononcée à l’abbatiale de Caen, le 5 juin 2019.
Le Cardinal canadien a en effet lu le message du pape François en la cathédrale de Bayeux -première ville française libérée -, lors d’une célébration organisée en communion avec les Anglicans, et en présence de Theresa May, le 6 juin : « Je demande au Seigneur d’aider les chrétiens de toutes les confessions, avec les croyants des autres religions et les hommes de bonne volonté, à promouvoir une véritable fraternité universelle, en favorisant une culture de la rencontre et du dialogue, attentive aux petits et aux pauvres ».
Pour le Pape François, cette fraternité c’est le plus sûr rempart contre la guerre dont il évoque les horreurs: « Nous savons que le débarquement du 6 juin 1944, ici même en Normandie, a été décisif dans la lutte contre la barbarie nazie et qu’il a permis d’ouvrir la voie à la fin de cette guerre qui a si profondément meurtri l’Europe et le monde. C’est pourquoi je fais mémoire avec reconnaissance de tous les soldats qui, venus de plusieurs pays y compris la France, ont eu le courage de s’engager et de donner leur vie pour la liberté et la paix»
Le cardinal québécois ainsi été choisi par le pape pour redire les exigences de cette fraternité universelle et de la paix si chèrement payée par des dizaines de milliers des jeunes dont le sang a rougi les plages de Normandie.
Le cardinal préfet de la Congrégation pour les évêques avait aussi donné la veille une conférence sur la paix. Il y évoque l’Eglise catholique et la paix, le Christ notre paix, les martyrs de la paix. Il exhorte à croire à la paix, il redit l’impératif du dialogue.
« Je suis né deux jours après le débarquement des alliés en Normandie le 6 juin 1944 », confie-t-il, ému. Et il évoque notamment le mémorable discours du cardinal Joseph Ratzinger, Bavarois francophone et francophile, lors du 60e anniversaire du Débarquement.
Le cardinal a ensuite présidé un Te Deum solennel.
Le cardinal Ouellet était invité par Mgr Boulanger évêque de Bayeux et Lisieux et par le p. Hubert de Balorre, curé, et sa paroisse Saint-François-de-Sales de Caen. Cette paroisse est attachée à la  mémoire des milliers de civils qui ont trouvé refuge au sein des bâtiments de l’Abbaye-Aux-Hommes et dans l’église même pendant toute la durée de la bataille pour la libération de la ville de Caen.
Mgr Boulanger, Mgr Antoine de Romanet, évêque aux Armées françaises, ainsi que Mgr Timothy Broglio archevêque aux Armées des Etats-Unis, étaient présents à Caen pour cette commémoration.
Voici la conférence du cardinal Ouellet, publiée par le diocèse de Bayeux et Lisieux.
AB
CARDINAL MARC OUELLET
Préfet de la Congrégation pour les Évêques
Caen, le 5 juin 2019 – Abbatiale Saint-Etienne
75e anniversaire de la Libération
CROIRE À LA PAIX
Je suis né deux jours après le débarquement des alliés en Normandie le 6 juin 1944. À seulement y penser à 75 ans de distance, le souvenir du tribut de jeunes vies humaines laissé par mon pays, le Canada, sur les côtes de cette mer, me bouleverse toujours. Mais je sais que ce n’est rien en comparaison des pertes incalculables souffertes en Europe à cause des deux grandes guerres du siècle dernier qui ont ensanglanté son territoire. « Massacre inutile » dénonçait déjà Benoît XV, dès 1915, aux sourdes oreilles des autorités civiles et militaires de l’époque. Ces guerres ont appauvri l’Europe et redéfini à la baisse son influence sur la carte du monde, car le sentiment amer du coût monstrueux de ces conflits reste un lourd héritage que n’efface pas ce qu’il y a eu de réalisations positives et généreuses dans la reconstruction européenne. C’est pourquoi faire mémoire de la fin du dernier grand conflit est un devoir de respect à l’égard des trop nombreuses victimes de ces tragédies et une exigence permanente de réflexion et d’engagement pour éviter que de telles catastrophes se reproduisent dans l’avenir.
D’abord un devoir de respect à l’égard des victimes. Le Cardinal Joseph Ratzinger a déclaré ici même il y a quinze ans, avec grande hauteur de vues, que la dernière guerre était tout à fait juste du point de vue de l’engagement des alliés contre la folie hitlérienne, car il fallait rétablir le droit des peuples européens, y compris de l’Allemagne, contre la barbarie nazie1. Cependant, quelle que soit la justesse de cette guerre, quels que soient les intérêts en cause et les circonstances qui ont déterminé l’éclatement de ces conflits, quelles que soient les nobles motivations des combattants et les justifications objectives des combats, la seconde guerre mondiale a signifié pour l’humanité l’expérience d’une démesure, tant au plan des moyens employés qu’à celui des conséquences subies par les populations. Qu’il suffise d’évoquer les bombes atomiques qui ont anéanti Hiroshima et Nagasaki pour constater que l’histoire humaine est entrée au 20ème siècle dans une phase de guerre totale et sans limite où ce ne sont plus des armées qui s’affrontent mais des populations entières qui subissent destructions incalculables et escalades incontrôlables de violence. Escalade des luttes de tranchées aux bombardements des villes, escalade des génocides arménien et ukrainien aux goulags soviétiques et aux camps d’extermination de la Shoah, folie meurtrière saturée d’innombrables victimes innocentes et de blessés inguérissables du corps et de l’âme. Un tel lot d’horreurs accumulées a laissé une marque indélébile en l’homme, l’homme européen d’abord mais aussi l’homme tout court, en son âme et conscience, au point que d’aucuns ont déclaré ne plus pouvoir croire en Dieu après Auschwitz2. Désespérance douloureuse et triste, mais digne de silence et de repentance, comme un épilogue des guerres de religion qui ont érodé la foi chrétienne au 18ème siècle et préparé la voie à l’athéisme positiviste et à l’essor des idéologies totalitaires.
Exigence permanente de réflexion et d’engagement pour prévenir de telles tragédies, ensuite. La géographie politique du monde a beaucoup changé depuis 75 ans, mais l’homme ne semble pas avoir beaucoup appris de ses souffrances passées : on vit une mondialisation de l’oubli et de l’indifférence aux victimes actuelles, et les conflits n’ont pas cessé d’augmenter et de se fragmenter sur tous les continents, au point que le Pape François a osé parler de troisième guerre mondiale « en pièces détachées ». À la nouvelle donne résultant de la chute du bloc communiste et de l’affirmation de l’hégémonie américaine, s’est ajoutée une montée spectaculaire de l’islamisme et de ses guerres intestines qui multiplient les foyers de tensions et le terrorisme sur toute la planète. N’oublions pas non plus l’émergence de la Chine et son influence croissante dans le tiers-monde, à la recherche de matières premières et de positions stratégiques. Au total, on assiste impuissants à une nouvelle course aux armements de tous ordres, et à une guerre commerciale sur front européen et asiatique. Pour comble, la disponibilité de l’arme atomique s’étend, même s’il ne reste aucun doute sur l’immoralité de son usage, mais rien ne garantit que des mains criminelles à la solde du terrorisme international ne déclenchent un jour des déflagrations innommables. La menace de telles armes ne représente plus un facteur de prévention des guerres, et donc ne justifie plus que son élimination totale, mais comment y parvenir, en culture démocratique, quand quelques nations plus fortes tiennent à s’en prévaloir comme arsenal pour assurer leur sécurité ou leur prédominance face au reste de la planète ? Ne voit-on pas plus clairement que jamais le besoin d’une autorité internationale effective super partes souhaitée déjà dès 1963 dans Pacem in Terris3 mais encore trop impuissante dans les faits pour garantir une paix fondée sur la justice et non sur le droit du plus fort ?
Sur un tel horizon de conflits en cours et de possibilités inouïes d’anéantissement de populations, la cause de la paix apparaît plus que jamais comme un idéal aussi nécessaire qu’impossible, une entreprise vouée à l’échec que seuls des rêveurs idéalistes peuvent continuer à pérorer devant des auditoires sceptiques et désabusés. Car, reconnaissons-le, s’il y eut dans le passé une vague optimiste de croyance au progrès et de confiance naïve dans les promesses de la science, l’humanité a fait maintenant l’expérience du désenchantement du monde occasionné par les guerres, dont la mémoire accompagne désormais non seulement historiens et philosophes, mais aussi la culture populaire4. La chute des idéologies totalitaires, construites sur un sens présumé de l’histoire, a laissé place à une longue et lourde vague de scepticisme et de relativisme. Certains en viennent à soutenir que l’histoire comme telle n’a pas de sens, qu’il faut se contenter d’en dégager des significations partielles pour les besoins humains de sens, sans prétendre à une vision de la totalité. Ce pessimisme, fruit des désillusions totalitaires, est en manque et en attente d’une pensée religieuse qui puisse secourir la raison humaine, et réveiller son aspiration à la paix dans les conditions actuelles de l’histoire du monde. C’est pourquoi nous entrons dans une ère de dialogue interreligieux qui est un signe des temps et une exigence de la paix mondiale, car il ne peut y avoir de paix universelle sans la paix entre les religions, ou mieux sans que les hommes religieux se rencontrent et s’unissent en ce qu’ils ont en commun.
L’Église catholique et la paix
Comme porteur d’un message du Pape François à cet acte de mémoire historique, je me crois maintenant en droit d’attirer l’attention sur l’engagement de l’Église catholique en faveur de la paix. Le très illustre prélat qui m’a précédé il y a quinze ans et que j’ai cité plus haut, a su articuler au mieux la pensée chrétienne À la recherche de la Paix dans les circonstances contemporaines. Je n’ai rien à ajouter au diagnostic historique et à la synthèse de foi et raison qu’il a magistralement exposés. Je me limiterai à donner un aperçu complémentaire de l’engagement concret de l’Église au service de la paix depuis la fin du terrible conflit mondial qui motive notre rencontre commémorative. Je parlerai de son influence spirituelle, diplomatique et culturelle, sans ignorer la dimension de la raison mais en privilégiant le point de vue de la foi. Croire à la paix, sera mon thème et ma question, car si la raison est en crise de confiance, comme nous l’avons dit, la foi elle-même en subit le contrecoup et son agir en ressort affaibli et méprisé, tant à cause de l’inefficience apparente de ses vérités, qu’à cause du témoignage déficient de ses tenants qui sert alors pauvrement l’Espérance des nations.
Cette perspective de foi n’implique pas un jugement de valeur négatif touchant les capacités de la raison humaine à construire une paix durable entre les nations ; c’est plutôt un acte de reconnaissance de la grâce reçue, le témoignage de la Révélation de Dieu en Jésus Christ qui constitue la foi de l’Église, et qui lui fournit un registre de pensées, d’attitudes et de gestes plaçant le croyant en responsabilité missionnaire devant la communauté de ses semblables. Cette responsabilité procède immédiatement de l’acquisition du sens eschatologique de l’existence humaine, et du témoignage de la Parole de Dieu à laquelle il croit : « Ce que nous avons vu et entendu, ce que nous avons contemplé, ce que nous avons touché du Verbe de la Vie, nous vous l’annonçons » (I Jn 1,4). D’où l’action évangélisatrice de l’Église, qui ne ressort pas du domaine du prosélytisme, mais du témoignage gratuit de l’Évangile de la grâce de Dieu en Jésus Christ. C’est pourquoi la position de l’Église en matière de paix relève avant tout de sa christologie qui inclut une militance, mais une militance sui generis fondée non pas sur un modèle de société ou un programme de gouvernement, mais sur des convictions inébranlables concernant l’homme, sa dignité d’image de Dieu, sa vocation divine et sa responsabilité historique de croyant appelé à servir le Règne de Dieu dès sa vie présente.
Il nous faut donc expliciter ici l’articulation de ces données surnaturelles avec l’expérience du coude à coude des croyants et des incroyants pour construire un monde digne de l’homme, un monde sans inégalités scandaleuses qui provoquent inévitablement soulèvements et conflits, un monde où les droits fondamentaux de chacun et chacune soient reconnus et respectés, un monde où la fraternité entre les individus et les peuples ne soit pas un vain mot, mais un idéal et un programme concret de paix recherchée et préservée de tout assaut belliqueux. « La paix n’est pas une pure absence de guerre » a enseigné l’Église au Concile Vatican II, « et elle ne se borne pas seulement à assurer l’équilibre de forces adverses ; elle ne provient pas non plus d’une domination despotique, mais c’est en toute vérité qu’on la définit ‘œuvre de la justice’ (Is. 32, 17) »5. Saint Augustin l’a définie « la tranquillité de l’ordre »6 ce qui signifie justement l’accomplissement de la justice. Le Concile ajoute qu’elle doit être l’œuvre de tous, dans un esprit de fraternité et d’amour sous la gouverne d’une autorité légitime, et il résume en quelques phrases le fondement théologique de la paix : « La paix terrestre qui naît de l’amour du prochain est elle- même image et effet de la paix du Christ qui vient de Dieu le Père. Car le Fils incarné en personne, prince de la paix, a réconcilié tous les hommes avec Dieu par sa croix, rétablissant l’unité de tous en un seul peuple et un seul corps. Il a tué la haine dans sa propre chair et, après le triomphe de sa Résurrection, il a répandu l’Esprit de charité dans le cœur des hommes » (GS 78 §3).
Rappelons que le Concile a redéfini le rapport de l’Église avec le monde, et donc son rapport à la paix du monde, à partir d’une prise de conscience plus profonde de son identité. Dépassant la vision ecclésiologique trop exclusivement juridique d’une société parfaite, à côté et en conflit avec les sociétés modernes, l’Église s’est redéfinie « dans le Christ comme un sacrement ou, si l’on veut, un signe et un moyen d’opérer l’union intime avec Dieu et l’unité de tout le genre humain »7. Un tel tournant sacramentel allait avoir des répercussions sur toutes les dimensions de la mission de l’Église, à commencer par sa conscience et son dynamisme missionnaires non plus limités à l’activité ad Gentes, mais étendus à tous les baptisés en tant que membres du Corps du Christ, confirmés par l’Esprit et investis d’une part de sa mission divine, si minime soit-elle. D’où le crescendo missionnaire de l’Église à tous les niveaux, incarné avant tout par les souverains pontifes eux-mêmes, interprètes et prophètes de la Pentecôte conciliaire, soucieux de marquer le rythme d’une transformation du rapport de l’Église au monde de ce temps, dont elle partage les espoirs et les angoisses tout en lui annonçant la joie de l’Évangile.
Partons de l’expérience de l’Église vue de l’extérieur, qui révèle de la part des papes un intérêt constant et croissant à la cause de la paix du monde. L’activité du Saint Siège a été discrète mais notable pendant la Grande Guerre, même si la participation directe de ses diplomates à la conférence de Versailles n’a pas été possible. On revalorise à la hausse, à un siècle de distance, le pontificat de Benoit XV qui a fait preuve d’équilibre et de persévérance dans ses interventions auprès des parties en conflit8. Pie XII a repris ensuite le flambeau de l’appel à la réconciliation et à la paix durant tout son pontificat, qui a vu succéder la guerre froide entre les deux blocs à la confrontation de la seconde guerre mondiale. Que ce soit par leur enseignement ou par leur activité diplomatique, les papes ont agi avec une détermination croissante depuis un siècle. L’encyclique Pacem in Terris du pape saint Jean XXIII et le Concile Vatican II ont marqué des étapes décisives de l’engagement de l’Église pour la cause de la paix.
Le Concile Vatican II mérite certes l’appréciation interne à l’Église, comme celle des nations et cultures du monde pour la redéfinition de la mission de l’Église au plan de ses rapports avec les États, la société civile et les autres religions. Aucun autre groupe religieux n’a connu une transformation aussi significative en 50 ans, si l’on excepte le Pentecôtisme, galaxie assez floue qui rassemble néanmoins des chiffres étonnants. Parmi les nouveautés importantes du Concile relatives à la paix, il y a les réflexions spécifiques sur le sujet, mais surtout l’entrée définitive dans le mouvement œcuménique, l’ouverture d’un dialogue avec les Juifs et les autres religions, la confirmation d’une doctrine sociale intrinsèque à l’évangélisation.
Saint Paul VI a fait des interventions mémorables en Terre Sainte et au siège des Nations Unies, et il a institué en 1968 la Journée mondiale de prière pour la paix le premier janvier9, qui a fourni depuis plus de cinquante ans des ressources pédagogiques pour l’éducation à la paix des fidèles et des hommes de bonne volonté. Les messages de chacune de ces journées mondiales de la Paix ont offert une grande variété de réflexions et d’exhortations utiles pour promouvoir la Paix sur une base large de sagesse humaine, de raison et d’urgences épisodiques. Elles sont une mine de conseils et d’approches complémentaires, dont les chrétiens peuvent se munir pour articuler leur propre engagement au service de la Paix. La conclusion des messages, en particulier, contient une référence explicite aux données de la foi, laissant clairement transparaître la lumière du Christ sur les aléas de l’histoire humaine et sa signification pour une construction de la Paix du monde. Il s’agit en fait d’un ajout mais qui n’est pas extrinsèque, même s’il arrive après les considérations rationnelles de faits, de causes et de conséquences des conflits, et des idéaux qui devraient inspirer la bonne entente entre les individus et les peuples.
Saint Jean-Paul II, héritier d’un pays longtemps divisé et déchiré par la guerre, a multiplié les appels, les voyages et les interventions en faveur de la paix. Qu’on se rappelle à titre d’exemple ses monitum contre la guerre du Golfe, pas toujours retransmis en Amérique. Pour faire justice à Benoît XVI, victime de mésinterprétation et de manipulations médiatiques, relevons au moins la précieuse contribution de sa pensée sur la violence et la religion, sur la foi et la raison, importante pour le dialogue entre chrétiens et musulmans ; une pensée profondément religieuse, mais fortement articulée au plan rationnel, au point de susciter l’admiration et le respect d’opposants et de représentants qualifiés du dialogue interreligieux. Je reviendrai plus loin sur l’orientation qu’il a donnée à la mission des chrétiens : « Notre tâche à nous, chrétiens du temps présent, est d’insérer notre notion de Dieu dans le combat pour l’homme »10. Deux éléments caractérisent cette notion de Dieu : Dieu lui-même est Logos – sens, raison, parole –, et Il est Relation et Amour, manifesté dans la souffrance et la mort de Jésus Christ « pour l’homme ». C’est pourquoi l’homme lui correspond par « l’ouverture de la raison » et par la conviction suprême de la foi « que le cœur de toute morale, le cœur de l’être lui- même et son origine la plus intime est l’amour. Cette affirmation est le refus le plus fort de toute idéologie de la violence, elle est la vraie apologie de l’homme et de Dieu »11.
À sa suite, et dans un tout autre style, le pape François s’est inscrit d’entrée de jeu dans une dynamique audacieuse d’interventions diplomatiques et pastorales sur les points chauds de la planète, la Syrie, la Terre Sainte, Cuba, la Colombie, le Soudan et Sud-Soudan, le Venezuela, le Yémen, sans oublier sa grande priorité pour la protection des migrants tous azimuts. Sans égard et sans complexe devant les rapports de force des grandes puissances, le Pontife régnant se fait l’avocat des pauvres et des misérables, il promeut l’abolition universelle de la peine de mort en raison da la dignité intrinsèque de toute personne humaine12, dénonce sans ménagement le commerce des armes et l’hypocrisie des pays nantis, il unit la cause de la protection de l’environnement à la promotion de l’écologie humaine intégrale, toutes ces luttes ayant une incidence de plus en plus directe sur la cause de la paix mondiale. Une place à part revient à son dialogue avec le Grand Imam de l’Université Al-Azhar du Caire, Ahmad al-Tayeb, avec lequel il a pu élaborer une déclaration commune inespérée sur la fraternité humaine, une pierre de touche à grande portée éducative pour la culture de relations harmonieuses entre Chrétiens et Musulmans13.
Le témoignage des papes est emblématique pour toute l’Église car, comme pasteurs suprêmes, ils parlent et agissent au nom de l’Église universelle, une communauté fraternelle de forte appartenance disséminée sur tous les continents et dans toutes les nations. Ce témoignage exerce un effet d’entraînement sur l’ensemble des catholiques, quelles que soient les nuances d’adhésion ou de réserve à l’égard du pontife régnant. On ne peut juger de cette solidarité à l’aune exclusive des sondages d’opinion, car les liens de la foi opèrent à une profondeur qui échappe aux analyses sociologiques. D’ailleurs, en tout état de cause, qui peut prétendre mesurer l’influence d’une communauté de prière, d’un témoignage de vie fraternelle et de charité sur les sociétés où elle vit et exerce son apostolat ? La paix civile et religieuse d’une société, et la paix entre les peuples, commencent toujours dans le cœur des hommes et des femmes qui vivent leur appartenance au Christ et à l’Église, et qui se considèrent responsables de la croissance du Royaume de Dieu dans tous les milieux sociaux et culturels qu’ils fréquentent. La culture de la fraternité universelle et la recherche de l’unité par les moyens ordinaires de la vie en société sont le fondement d’une paix durable entre des groupes humains de cultures et de sensibilités différentes. Les considérations historiques, politiques et culturelles plus globales que nous avons évoquées, ne doivent pas faire oublier qu’une véritable pédagogie de la paix doit commencer au foyer, dans les familles, à l’école et dans les milieux de travail et de loisir. Le témoignage des chefs, animé par l’Esprit de discernement et de courage, et largement répercuté par les medias de communication, se prolonge dans le témoignage de vie des communautés qui rendent ainsi raison de leur espérance aux yeux du monde.
Le Christ, notre Paix
Le témoignage des papes et des communautés ecclésiales dans leur ensemble vise l’édification de la paix dans le monde, une tâche qui n’est pas accessoire à côté du service essentiel de l’évangélisation. En effet, l’essence de l’évangélisation consiste à mener les hommes et les femmes de toutes cultures et de toutes les nations à la rencontre personnelle du Christ Sauveur, Prince de la Paix, car c’est Lui qui a réconcilié le monde avec Dieu par le don de sa Vie jusqu’à la mort et la résurrection14. Qu’on le sache ou non, la paix du monde est suspendue à l’œuvre du Christ en son mystère pascal, et les chrétiens qui célèbrent ce mystère en portent aussi les effets dans toutes leurs relations. Il s’agit là d’un véritable service qu’ils rendent à l’Amour divin, répandu dans leur cœur de « disciples missionnaires », au profit de tous ceux et celles qui ne connaissent pas Jésus Christ, mais sont les destinataires de la même promesse de salut. L’annonce du salut dans le Christ ne concerne pas seulement l’issue future de l’aventure humaine terrestre, mais le sens même de la vie présente sur la terre dans la lumière de Dieu. Car l’annonce du Règne de Dieu ne signifie pas la restauration à venir d’un état paradisiaque perdu, mais la rencontre d’une Personne, Jésus Christ, qui instaure une relation décisive pour le sens de la vie, comportant une mutation du regard et une survalorisation de la vie présente en termes de Royaume de Dieu. De cette rencontre naît la foi comme adhésion personnelle et appartenance ecclésiale, d’où partent des réseaux de relations à consistance variable selon la pureté de la communion au Christ Seigneur, et l’intégration des infrastructures anthropologiques que constituent la famille, l’école, la paroisse, bref la communauté ecclésiale qui vit de l’Eucharistie, et se développe par la charité comme réalité sacramentelle au service de la Paix du monde en Jésus Christ.
Ces considérations peuvent sembler banales et assez distantes de la cause de la paix, mais elles décrivent en positif ce qui peut empêcher que dans le monde le conflit ne prévale sur l’unité. La force de paix que génère la foi vivante n’est pas d’ordre naturel, mais elle opère réellement dans la vie concrète des personnes au moyen de multiples relations de service et d’amour qui instaurent et alimentent une communion fraternelle élargie et promotrice de paix dans les sociétés. L’expérience d’une foi authentique ne referme pas la personne sur elle-même, ni sur un cercle étroit de relations d’appartenance, elle porte au contraire à ouvrir la personne à une communication toujours plus large de l’Esprit du Christ qui anime la communion ecclésiale. Celui-ci diffuse dans le cœur des baptisés, et par eux, dans l’humanité dans son ensemble une énergie de Vie divine et d’amour universel qui se répand sans frontière jusqu’à la réalisation d’une fraternité universelle dans le Royaume de Dieu. L’évangélisation, ainsi prolongée et accompagnée par tous les témoignages et engagements des baptisés, débouche tendanciellement dans l’instauration de la Paix du Christ, paix définitive, eschatologique, qui n’est pas de ce monde, mais qui aiguillonne l’espérance du monde vers son destin transcendant. Seule cette espérance vivante chez les baptisés leur permet de toujours servir en toute circonstance, envers et contre tout, et de faire face même au martyre pour bien tenir leur si beau poste15, et ainsi correspondre à leur dignité de fils et filles de Dieu.
La consécration à cette tâche essentielle de l’Église qui concerne tous ses membres sans exception, comporte une dimension de lutte pour le service de la paix dans une société qui soit digne de l’homme et de son destin transcendant. Cette lutte s’articule autour de quelques convictions de base qui servent de vecteurs pour l’action sociale, politique et culturelle. Mais tout dépend de la donnée fondamentale du christianisme, le mystère de l’Incarnation, qui valorise toute la réalité humaine depuis les réalités matérielles qui la constituent, le corps, les sens, les relations familiales, la culture, l’âme et ses expressions multiples, sociales, religieuses ou artistiques. D’où l’importance du tissu de relations qui forment la trame de la vie quotidienne des personnes, et leur intégration dans une vision et une vie de foi où rien d’humain n’est étranger ou superflu. Cette donnée de base signale du coup l’importance et la centralité de la personne humaine dans l’œuvre d’évangélisation, inséparable de la cause de la paix.
S’il est un principe fondamental qui sert de point d’appui à toute l’activité de l’Église et de fer de lance à toute son annonce prophétique, c’est justement celui de la dignité inaliénable de la personne humaine selon laquelle toute personne, quelle qu’elle soit, et à quelque stade que ce soit de son développement, doit être respectée, protégée et promue, sans égard pour sa couleur, son sexe, sa culture, sa nation ou sa condition de santé. La commune appartenance à la nature humaine constitue le fondement de cette dignité, qui exige une égalité de traitement sans lequel l’humanité perd la mesure de sa rationalité et le sens de sa transcendance. Le mystère de l’incarnation du Verbe renforce encore le sens de cette dignité à cause des liens indissolubles que la rédemption, opérée par Jésus Christ, établit entre Dieu et chaque personne humaine restaurée et sanctifiée au prix de sa mort et de sa résurrection. La valeur de chaque personne inclut ces liens de communion qui lui sont inhérents en toute latitude et sous tous les horizons. Chaque personne vaut le sang d’un Dieu qui confirme la dignité native de son identité naturelle corporelle et spirituelle. Cette conviction constitue la motivation prédominante de l’Église à l’égard de tout être humain pour lui annoncer la pleine vérité de sa personne et la plénitude de son destin.
Les martyrs de la Paix
Il est d’ores et déjà établi et reconnu que les chrétiens font l’objet à notre époque, plus que jamais dans l’histoire, de persécutions directes ou larvées, non seulement au titre de minorités religieuses exposées à l’intolérance et au fondamentalisme de diverses provenances, mais au titre même de leur foi et de leur engagement social, politique ou missionnaire, qui suscite parfois une haine aveugle et irrationnelle dont les acteurs ignorent même l’origine et la raison16. Cet état de choses requiert un approfondissement de la nature de l’engagement chrétien et de ses motivations fondamentales. Si, auparavant, l’ordre naturel des choses occupait une place prépondérante dans la vision et la motivation des chrétiens, souvent partagées par l’ensemble de la société, dorénavant les transformations et perturbations multiples de cet ordre changent aussi la manière de se situer. En effet, sous l’influence croissante de la technologie, des réalités qui apparaissaient comme intouchables ne jouissent plus d’un respect religieux : elles ont été désacralisées par la main de l’homme, et utilisées à plus ou moins bon escient quant aux exigences éthiques de la conscience et de la dignité de la personne humaine. Qu’il suffise de nommer les développements des biotechnologies, la mainmise sur la vie de la conception à la mort naturelle, l’intelligence artificielle, le transhumanisme, pour comprendre que la nature de l’homme est en question, que sa survivance n’est pas assurée, que son habitat est en danger, que la paix du monde doit nécessairement passer par une solidarité universelle fondée sur le dialogue entre tous, quelle que soit leur appartenance religieuse, ethnique ou culturelle. En tous ces domaines se joue l’avenir de l’humanité, et la mission des chrétiens est de garder le cap d’un respect intégral de chaque personne humaine et de toute l’humanité, avec priorité aux plus démunis. Cela en vertu non plus seulement d’un ordre naturel sur lequel l’homme a mis désormais sa marque prométhéenne, mais en vertu de Celui qui, s’étant fait homme à jamais, a élevé la nature humaine et tous ses membres à la grâce de la filiation divine, conférant ainsi à toute l’humanité une dignité inégalable et inaliénable.
Dans ce contexte, la cause de la paix apparaît démultipliée en autant de ramifications qu’il y a de moyens d’agir sur les rapports entre les hommes avec des armes conventionnelles, aérospatiales, atomiques, chimiques, bactériologiques, climatiques, et autres, de même qu’avec tous les moyens de contrôle des ressources de la planète, l’eau, l’air, les forêts, les sources d’énergies non renouvelables, les créations technologiques et tout ce qui peut servir ou diviser l’humanité en groupes d’exploiteurs et d’exploités au détriment de la justice et de la fraternité humaine. La panoplie des moyens de promotion ou d’oppression est devenue telle que la cause de la paix a multiplié ses fronts de combats, bien au-delà des conceptions classiques de guerre et de paix. Même en éliminant de toute urgence les armes atomiques, la cause de la paix ne serait qu’en sursis, car le génie humain, s’il n’est pas retenu par une motivation puissante et contraignante, peut facilement décréter son autodestruction dans un accès de folie meurtrière, dont nous avons régulièrement des exemples à petite échelle dans l’industrie planétaire du terrorisme et dans les massacres collectifs périodiques qui se multiplient mais font de moins en moins les manchettes par peur de l’effet d’entraînement.
L’humanité n’est plus sûre d’elle-même, et les chrétiens doivent la rassurer sur le respect de sa dignité et la confiance en son destin. Ceux-ci sont impliqués au même titre que tout citoyen de la terre dans les drames de la guerre et des menaces de guerre, de même que dans les combats pour la justice, la liberté religieuse et la fraternité humaine. Ils n’ont pas de recettes magiques pour se tirer d’affaire à meilleur compte que leurs concitoyens, mais ils sont habités par une Présence qui les expose à un don d’eux-mêmes et, si nécessaire, à un sacrifice de la vie elle-même, au nom de Celui qui les a élus pour qu’ils soient avec Lui, et qu’ils portent Sa Parole et Sa Présence jusque dans les recoins les plus misérables de la maison commune. Un tel témoignage peut être offert avec éclat au titre de l’imitation du Christ et mériter la palme du martyre. L’Église a canonisé tant et tant de ses enfants depuis que le service de l’union avec Dieu et de l’unité du genre humain est devenu le fer de lance de sa mission. Ces canonisations sont une reconnaissance de sainteté pour l’édification de l’Église, mais surtout une invitation au témoignage renouvelé à l’Amour qui s’est fait chair en Jésus Christ, et qui veut continuer à se manifester dans et par la chair des chrétiens qui touchent les plaies et les blessures de l’humanité souffrante, portant aussi à toute l’humanité par la charité un signe concret de la proximité de Dieu.
Qu’il suffise de rappeler quelques noms contemporains qui incarnent ce témoignage d’amour divin à notre époque : Sainte Teresa de Calcutta, missionnaire de la charité, qui ré-évangélise l’Occident à partir de l’Asie sa patrie d’adoption ; saint Oscar Arnolfo Romero, pasteur salvadorien intrépide dont la Parole courageuse et prophétique a déstabilisé, au prix de sa propre vie, un régime d’oppression ; Chiara Lubich, laïque italienne, fondatrice d’un grand mouvement d’unité et de dialogue, émule de sainte Catherine de Sienne ; « Les œuvres d’amour sont toujours des œuvres de paix, écrit Mère Teresa. Chaque fois que vous partagez l’amour avec d’autres, vous remarquerez la paix qui vient sur vous et sur eux aussi. Là où il y a la paix, il y a Dieu. C’est en versant la paix et la joie dans nos cœurs que Dieu touche nos vies et nous montre Son amour ».
En ce jour où la France rend un hommage spécial à la contribution du Canada à la paix, qu’il me soit permis d’évoquer un de mes concitoyens canadiens, un grand héros de la paix, récemment disparu le 7 mai, qui a offert à la France et au monde le témoignage d’un amour inconditionnel et d’un respect absolu pour les personnes marquées par un handicap mental. J’ai nommé Jean Vanier, fondateur de l’Arche, un militaire canadien consacré en France à une militance spirituelle sans frontière : le soin respectueux, le partage de la vie et la reconnaissance des valeurs des personnes handicapées mentales. Son témoignage prophétique de la valeur absolue de la personne humaine à notre époque brille d’autant plus que ces personnes sont maintenant éliminées avant de naître, ou même après, sous la pression d’impératifs économiques et idéologiques qui rompent avec la plus noble tradition européenne.
Mais il y a plus à accomplir à la suite de ces témoins extraordinaires. Un saut qualitatif est nécessaire de nos jours dans les communautés ecclésiales, qui concerne aussi la cause de la paix à établir par l’œuvre de la justice et de l’amour. Chez les croyants ce saut s’appelle précisément la conscience de mission, c’est-à-dire la conscience de n’être qu’un signe et un instrument d’une Présence qui nous dépasse infiniment mais qui se sert de nous pour porter son propre témoignage d’amour incarné toujours présent dans le monde. L’expérience du Ressuscité avec les Apôtres est de cet ordre, et elle est emblématique de l’expérience de toute l’Église. Mais par manque d’attention à l’Esprit Saint répandu dans tout le Corps du Christ qu’est l’Église, on a privilégié l’action sacramentelle des ministres ordonnés au détriment de l’action testimoniale des fidèles, ignorant trop souvent leurs charismes, reléguant au second plan leur compétence, même en certains domaines temporels qui leur sont propres, les rendant en quelque sorte passifs et dépendants des clercs, alors qu’ils devaient développer une conscience vive de « disciples missionnaires », que le Pape François ne cesse de rappeler et promouvoir pour la conversion missionnaire de l’Église.
Croire à la Paix
En d’autres termes, il nous faut proposer avec audace et certitude la possibilité de la Paix, parce que l’Esprit de Jésus Christ est à l’œuvre dans l’histoire, en toutes circonstances, Esprit de réconciliation, Esprit d’unité et de fraternité, offert à toute l’humanité par la rédemption de Jésus Christ. La possibilité de la Paix comme tâche à accomplir par les hommes au nom de leur foi, et non seulement comme stratégie rationnelle à promouvoir, est l’œuvre de l’Esprit et constitue le propre de la motivation des chrétiens à l’édification de la Paix. En toutes circonstances le chrétien sait que tout homme est précédé par l’Esprit de Jésus Christ qui conduit l’histoire à son achèvement, c’est-à-dire à la Paix messianique obtenue par sa mort et sa résurrection. Cette œuvre est confiée en même temps à la liberté humaine qui peut y croire ou ne pas y croire. Mais celui ou celle qui croit s’inscrit consciemment dans une synergie efficace au milieu des drames qui ne perdent rien de leur caractère dramatique, mais qui sont enveloppés par la Grâce de ce qui a été déjà réalisé en Jésus Christ. Car Sa victoire sur le péché, le mal et la mort sollicite maintenant tout homme et toute femme à un don en retour, qui ne peut pas être un quiétisme anhistorique ou une résignation soumise au mensonge prédominant des puissances de ce monde, mais un amour concret, et donc un engagement effectif au service de la Paix à construire pour l’humanité dans son ensemble.
D’où le défi de « Croire à la Paix » non seulement comme un acte qui porte sur le « happy-end » de l’histoire du monde, mais comme un engagement actuel motivé par une conscience « théandrique », la conscience ecclésiale d’une synergie du divin et de l’humain fondée sur le mystère de l’incarnation incluant l’effusion du Saint Esprit. Ce dernier don divin, incommensurable et irréductible, comble toutes les distances possibles entre l’homme et la femme, l’individu et la communauté, l’homme et Dieu, l’histoire et l’eschatologie, le créé et l’Incréé. À cette enseigne, la mission des chrétiens est d’apporter leur notion de Dieu dans le combat pour l’homme, au niveau du dialogue interreligieux devenu inséparable de la promotion de la fraternité humaine. Plus la mondialisation provoque une cohabitation obligée entre citoyens et citoyennes de diverses appartenances religieuses, plus le dialogue de la vie quotidienne fera émerger la notion de Dieu qui habite chaque communauté dans les rapports concrets entre les personnes et les groupes culturels. Même si le dialogue doctrinal reste encore implicite entre les chefs religieux, les problèmes communautaires font émerger des attitudes et des gestes qui traduisent des conceptions de Dieu et de l’homme plus ou moins inclusives ou exclusives selon l’expression de l’agir individuel et collectif.
Les chrétiens sont alors appelés par leur foi et leur charité, poussées jusqu’à l’extrême de l’acceptation du martyre si nécessaire, à laisser transparaître l’Esprit qui les habite et les inspire, un Esprit capable d’intégrer toutes les différences et de surmonter tous les conflits, un Esprit préférant la supériorité du temps à la domination de l’espace17, un Esprit de respect et de patience qui non seulement laisse place à l’autre dans son altérité, mais la valorise et la confirme comme divinement enveloppée par le Créateur. Une telle attitude n’est tenable et soutenable, en pratique et en théorie, qu’en vertu de l’image trinitaire de Dieu. Car en dernière instance, la façon de gérer le rapport à l’autre dans toute sa diversité et ses ramifications dépend de la légitimité qui lui est reconnue devant Dieu et l’ensemble du genre humain. Or cette légitimité peut sembler obvie du fait que la multiplicité des choses et la diversité des cultures et des croyances sont une donnée de base qui précède tout jugement de valeur. Mais la paix entre ces réalités n’est possible que si les différences reconnues ne s’excluent pas mutuellement, mais s’intègrent au moins tendanciellement dans une perspective de dialogue authentique, qui ne soit pas seulement une politique de tolérance mutuelle faute de mieux, mais une coexistence harmonieuse de différences réconciliées et valorisées comme essentielles à la paix du monde.
Poussé jusque dans ses ultimes raisons, le dialogue peut alors permettre aux chrétiens de témoigner de leur Dieu par leur capacité de respect et d’inclusion. Celle-ci s’appuie sur le principe de l’Altérité en Dieu lui-même, l’Altérité qui consiste en la distinction des Personnes divines. Celle-ci peut sembler un dilemme insurmontable pour penser l’unité de Dieu selon la raison humaine, mais elle s’affirme à l’analyse comme étant la condition de possibilité du créé en tant que réalité autre par rapport à Dieu. L’altérité du créé est fondée sur l’altérité intra-divine, y compris l’altérité du mal et de tout ce qui s’oppose à Dieu. Cette altérité n’est pas récupérée dans une vision panthéistique du devenir dramatique de Dieu à la manière hégélienne, mais elle est comprise comme fondée et soutenue par la différence trinitaire, c’est-à-dire par l’écart infini entre les Personnes divines qui autorise la création et la rédemption d’une réalité autre, reconnue en sa consistance propre et en sa liberté à l’image de Dieu (Hans Urs von Balthasar). Bref, la notion chrétienne de Dieu, révélée à l’homme par le Christ et témoignée par l’Église, annonce la Bonne Nouvelle de l’Altérité, celle de Dieu en Lui-même d’abord, mais aussi celle de toute créature à son image, quels que soient son credo, ses limites et son rôle dans l’histoire. D’où l’ouverture maximale attendue des chrétiens à l’égard de toute personne, leur respect absolu pour la dignité de la vie à tous ses stades de développement, leur disponibilité à servir par amour, et à souffrir si nécessaire pour que prévale sur toute négation et conflit la Gloire de Dieu manifestée dans l’histoire.
Chers amis, l’avenir de l’humanité ne peut pas avoir une base trop étroite. Il faut concevoir l’être humain de manière radicalement solidaire et fraternelle à la lumière de la Sainte Trinité, la Trinité comme fondement de l’altérité. Dans le mystère trinitaire, il y a l’hypostase du don, le Père, l’hypostase de l’altérité, le Fils, et l’hypostase de l’unité, l’Esprit. Cela, c’est la merveille de Dieu comme Amour, car si Dieu n’est pas trinitaire, il n’y a pas de place pour l’autre dans l’être. Il y a peut-être conceptuellement une substance absolue, à la manière de Spinoza, mais la création n’est pas possible, le reste ne peut pas exister. Il n’y a que l’image trinitaire de Dieu, connue par Révélation, qui justifie en dernière analyse un monde réellement distinct de Dieu, qui existe de telle manière que sa divinisation soit possible sans préjudice de sa bienheureuse altérité.
La foi est donc essentielle pour accéder à l’ultime intelligence du réel, et c’est pourquoi il ne faut plus avoir peur de réaffirmer, sans complexe et sans arrogance, la rationalité supérieure offerte par la foi. Celle-ci est une ressource de base quand elle est vécue en cohérence avec son objet, pour respecter l’autre dans sa différence sans le dévaloriser en principe. Car la révélation de Dieu reçue par les uns est destinée à l’ensemble de l’humanité, et le processus d’évangélisation est en cours pour communiquer cette révélation libératrice, qui ne supprime pas la liberté de l’autre, mais lui offre une possibilité d’achèvement de toute aspiration culturelle et religieuse. L’Eglise est consacrée à cette mission évangélisatrice et libératrice qui est sa raison d’être, elle reconnaît ses limites du passé quant à la reconnaissance de la liberté religieuse pour tous, d’où ses réformes permanentes et son engagement dramatique pour que la Bonne Nouvelle de la Paix du Royaume réveille l’Espérance en tous les humains. Son action s’exerce sur bien des registres, et non sans une certaine note esthétique et comme dégagée, parce qu’elle sait que Dieu veut le salut de tous les hommes, et que la rencontre du Christ Rédempteur suffit déjà pour ceux-là mêmes qui n’ont pas encore conçu et prononcé l’acte de foi. Ils le feront quand ils seront confrontés à lui au dernier jour, le leur ou celui du monde. L’Église n’aspire qu’à communiquer la joie dont elle vit, qui coexiste avec les états les plus contraires à la Paix.
La cause de la Paix et l’impératif du dialogue pour tous
Face à la situation du monde tel qu’il est l’Église catholique porte donc un message d’espérance dont les raisons évoquées ici éclairent son engagement croissant pour la paix. D’un côté elle est consciente que sa mission est essentiellement religieuse et donc transcende les grandeurs et les misères des affaires politiques terrestres ; d’un autre côté, comme institution humaine et communauté historique, elle a son mot à dire sur l’administration temporelle de la justice et la sauvegarde de la liberté religieuse, au nom de la dignité humaine qu’elle défend sans concession, rappelant aux États les limites de leurs pouvoirs et le sens de leur service des droits humains et en particulier de la liberté religieuse.
Du côté des États la tentation est grande de soumettre les religions à leurs propres intérêts, soit par le statut de religion d’État, soit par la concession de privilèges, ou bien en régime de séparation stricte plus ou moins hostile, par le confinement de la religion à la vie privée, par le contrôle total du régime scolaire et de l’enseignement, ou encore en régime totalitaire par l’oppression, les campagnes médiatiques, la stratégie de la peur. Quoi qu’il en soit, toute privation ou limite de la liberté religieuse par l’État prive ce dernier de valeurs essentielles qu’il n’est pas en mesure de produire lui-même. Il empêche du même coup les institutions religieuses de les fournir aux sociétés où elles sont présentes18. C’est pourquoi la cause de la paix exige le dialogue comme un impératif pour tous dans la société des nations. Tant entre les Institutions religieuses qu’entre l’État et les communautés d’appartenance religieuse, un climat d’ouverture et de dialogue s’impose, afin que soient respectées et promues la personne humaine et la vie sociale dans toutes leurs dimensions. Étant donné les limites de la raison humaine que nous avons évoquées plus haut, étant donné les faiblesses et avatars des pratiques politiques partisanes et le désenchantement des populations, un nouveau régime de rapports s’impose entre les États et les religions, au nom de la liberté et au nom de la paix à construire comme un défi permanent. En contexte de laïcité de l’État comme en tout autre contexte, la liberté religieuse doit être reconnue comme un bien inaliénable si l’on veut garantir la paix sociale et la promotion de valeurs indispensables à la survie de l’humanité. Quoi peut mieux servir l’idéal universel de la fraternité humaine que les valeurs religieuses de la confiance, la prière, le pardon, l’hospitalité, la compassion, le souci des pauvres, le respect inconditionnel de la vie, le bénévolat, l’esprit de service, bref l’amour social ?
D’où l’importance d’un dialogue interculturel et institutionnel entre les autorités civiles et les autorités religieuses, de même qu’un climat général non seulement de tolérance mais de respect à l’égard des croyances individuelles et des manifestations religieuses. Autrement, en limitant excessivement l’expression religieuse, notamment dans le domaine de l’éducation, on favorise la croissance du fondamentalisme et les réactions violentes qui instrumentalisent la religion au bénéfice d’objectifs partiels, lésant le bien commun de la communauté humaine. Un climat de dialogue, encadré par des lois justes et ajustées aux nouvelles conditions multiculturelles de nos sociétés, est une garantie de paix et de fraternité humaine, comme l’ont déclaré solennellement cette année le Pape François et le Grand Imam du Caire Al-Tayeb.
Conclusion
Soixante-quinze ans après la fin de la seconde guerre mondiale, la mémoire des victimes de cette hécatombe nous impose un hommage de respect et un devoir de prévention des conflits par tous les moyens. La sauvegarde de la paix est la responsabilité de tous, une responsabilité des femmes et des hommes de notre monde globalisé, déchiré et surarmé, de même que de nos sociétés multiculturelles soumises aux défis de l’hospitalité, de la cohabitation et de l’intégration.
L’Église catholique offre le témoignage de sa foi au Christ, Prince de la Paix, qui soutient son engagement pour la paix dans le monde tel qu’il est, mais tendu vers un horizon de fraternité humaine universelle possible comme anticipation et prophétie du Royaume de Dieu. D’où sa promotion d’une culture de la rencontre, du dialogue et de l’intégration qui invite à œuvrer en synergie avec l’Esprit de Dieu afin que prévalent la justice, la solidarité, la compassion et l’amour qui délivrent l’humanité du fléau de la guerre.
Croire à la paix n’implique donc pas seulement des convictions religieuses traduites en valeurs sociales, mais aussi un engagement rationnel accru, pour transformer le monde selon l’impératif du respect inconditionnel de la dignité de la personne humaine, malheureusement mise à mal par une colonisation idéologique hostile au caractère sacré de la vie humaine. Dans ce contexte difficile, croire à la paix c’est aussi compter sur l’efficience de la prière pour la paix, puisque l’Esprit de Dieu dirige l’histoire humaine vers son accomplissement transcendant avec le concours imparfait mais volontaire des libertés humaines. Celles-ci s’ouvrent par la prière à une influence plus grande de la Grâce qui peut infléchir les événements dans le sens de la paix.
L’apparente faiblesse de la prière s’harmonise avec la manière d’être de Dieu et sa manifestation kénotique dans l’histoire, elle annonce la grâce du Prince de la Paix et soutient tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté dans leur témoignage quotidien qui n’exclut pas le don de soi jusqu’au martyre. Cette vision de foi peut paraître insignifiante au regard de la raison et des forces en présence dans les événements et les conflits de ce monde, mais elle n’en soutient pas moins des énergies incalculables d’engagement, de compassion et d’espérance.
On l’a vu récemment à propos de l’incendie de Notre-Dame de Paris qui a soulevé une vague d’émotion sans précédent en France et dans le monde, à la vue de ce précieux patrimoine de l’humanité en flammes, mais la douleur et la peine causée par cette forêt décimée se sont immédiatement transformées en prière et solidarité pour la reconstruction de ce symbole religieux aux résonances insoupçonnées. Hommes et femmes avec ou sans credo se sont trouvés unis dans un même cri du cœur : « Nous reconstruirons Notre-Dame ». Cela est possible et sera réalisé. La Paix est possible. Hommes et femmes de notre temps, face au spectacle menaçant des mille feux de notre monde, ne sombrons pas dans la désespérance ou l’indifférence, mais guidés par la petite fille espérance qui tire de l’avant ses grandes sœurs, la foi et la charité, construisons ensemble l’avenir de la Paix. Car la Paix est possible.
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NOTES
1 CARDINAL JOSEPH RATZINGER, À la recherche de la paix, Communio, n° XXIX, 4—juillet-août 2004, p. 107-118.
2 Cf. HANS JONAS, Le concept de Dieu après Auschwitz Une voix juive, traduit de l’allemand par Ph. Ivernel, Paris, Payot- Rivages, 2006 : « Mais pour le juif, qui voit dans l’immanence le lieu de la création, de la justice et de la rédemption divines, Dieu est éminemment le Seigneur de l’Histoire, et c’est là qu’“Auschwitz” met en question, y compris pour le croyant, tout le concept traditionnel de Dieu. À l’expérience juive de l’Histoire, Auschwitz ajoute en effet (…), un inédit, dont ne sauraient venir à bout les vieilles catégories théologiques. Et quand on ne veut pas se séparer du concept de Dieu – comme le philosophe lui-même en a le droit –, on est obligé, pour ne pas l’abandonner, de le repenser à neuf et de chercher un réponse, neuve elle aussi, à la vieille question de Job. Dès lors, on devra certainement donner congé au “seigneur de l’Histoire”. Donc : quel Dieu a pu laisser faire cela ? » (p. 13).
3 Cf. SAINT JEAN XXIII, Lettre Encyclique Pacem in terris, 11 avril 1963, n°80-84 : « 80- Les communautés politiques ont, entre elles, des droits et des devoirs réciproques : elles doivent donc harmoniser leurs relations selon la vérité et la justice, en esprit d’active solidarité et dans la liberté. La même loi morale qui régit la vie des hommes doit régler aussi les rapports entre les États. 81- Ce principe s’impose clairement quand on considère que les gouvernants, lorsqu’ils agissent au nom et pour l’intérêt de leur communauté, ne peuvent en aucune façon renoncer à leur dignité d’homme ; dès lors, il ne leur est absolument pas permis de trahir la loi de leur nature, qui est la loi morale. 82- Ce serait d’ailleurs un non-sens que le fait d’être promus à la conduite de la chose publique contraigne des hommes à abdiquer leur dignité humaine. N’occupent-ils pas précisément ces postes éminents parce que, en raison de qualités singulières, on a vu en eux les membres les meilleurs du corps social ? 83- En outre, c’est l’ordre moral qui postule dans toute société la présence d’une autorité ; fondée sur cet ordre, l’autorité ne peut être utilisée contre lui sans se ruiner elle-même. L’Esprit-Saint nous en avertit : “Ecoutez donc, rois, et comprenez ! Instruisez-vous, souverains des terres lointaines ! Prêtez l’oreille, vous qui commandez aux peuples ! Car c’est le Seigneur qui Vous a donné le pouvoir et le Très-Haut la souveraineté c’est lui qui examinera votre conduite et scrutera vos desseins”. 84- Faut-il enfin rappeler, en ce qui concerne les rapports internationaux, que l’autorité doit s’exercer en vue du bien commun ? Telle est sa première raison d’être. »
4 Cf. MARCEL GAUCHET, Le désenchantement du monde – Une histoire politique de la religion, Paris, Gallimard, 1985.
5 CONCILE ŒCUMENIQUE VATICAN II, Constitution pastorale sur l’Église dans le monde de ce temps Gaudium et Spes, 78, §1.
6 Cf. SAINT AUGUSTIN, La cité de Dieu, XIX, XIII, 1 : « Ainsi donc, la paix du corps, c’est l’agencement harmonieux de ses parties ; la paix de l’âme sans raison, c’est le repos bien réglé de ses appétits ; la paix de l’âme raisonnable, c’est l’accord bien ordonné de la pensée et de l’action ; la paix de l’âme et du corps, c’est la vie et la santé bien ordonnées de l’être animé ; la paix de l’homme mortel avec Dieu, c’est l’obéissance bien ordonnée dans la foi sous la loi éternelle ; la paix des hommes, c’est leur concorde bien ordonnée ; la paix de la maison, c’est la concorde bien ordonnée de ses habitants dans le commandement et l’obéissance ; la paix de la cité, c’est la concorde bien ordonnée des citoyens dans le commandement et l’obéissance ; la paix de la cité céleste, c’est la communauté parfaitement ordonnée et parfaitement harmonieuse dans la jouissance de Dieu et dans la jouissance mutuelle en Dieu ; la paix de toutes choses, c’est la tranquillité de l’ordre. L’ordre, c’est la disposition des êtres égaux et inégaux, désignant à chacun la place qui lui convient. » (Bibliothèque Augustinienne 37, p. 109-111).
7 CONCILE ŒCUMENIQUE VATICAN II, Constitution dogmatique sur l’Église Lumen Gentium, 1.
8 Cf. YVES CHIRON, Benoît XV – Le Pape de la paix, Paris, Perrin, 2014.
9 Cf. SAINT PAUL VI, Message pour la Journée mondiale de la Paix, 1er janvier 1968 : «Nous Nous adressons à tous les hommes de bonne volonté pour les exhorter à célébrer la “Journée de la Paix”, dans le monde entier, le premier jour de l’année civile, 1er janvier 1968. Notre désir serait qu’ensuite, chaque année, cette célébration se répétât, comme un souhait et une promesse, à l’ouverture du calendrier qui mesure et décrit le chemin de la vie humaine dans le temps. Nous voudrions voir la paix, avec son juste et bienfaisant équilibre, dominer le déroulement de l’histoire à venir. »
10 CARD. J. RATZINGER, À la recherche de la paix…, loc. cit., p. 115.
11 Ibid., p. 116.
12 C’est pourquoi l’Église enseigne, à la lumière de l’Évangile, que “la peine de mort est une mesure inadmissible qui blesse la dignité personnelle” et elle s’engage de façon déterminée, en vue de son abolition partout dans le monde. »
 Cf. CARDINAL LADARIA, Rescrit Nouvelle rédaction du n°2267 du Catéchisme de l’Église catholique sur la peine de mort, 2 août 2018 : « 2267. Pendant longtemps, le recours à la peine de mort de la part de l’autorité légitime, après un procès régulier, fut considéré comme une réponse adaptée à la gravité de certains délits, et un moyen acceptable, bien qu’extrême, pour la sauvegarde du bien commun. Aujourd’hui on est de plus en plus conscient que la personne ne perd pas sa dignité, même après avoir commis des crimes très graves. En outre, s’est répandue une nouvelle compréhension du sens des sanctions pénales de la part de l’État. On a également mis au point des systèmes de détention plus efficaces pour garantir la sécurité à laquelle les citoyens ont droit, et qui n’enlèvent pas définitivement au coupable la possibilité de se repentir. »
13 SS LE PAPE FRANÇOIS ET LE GRAND IMAM AL-TAYYIB, Document sur la fraternité humaine pour la paix mondiale et la bonne entente commune, signé à Abu Dhabi, 4 février 2019.
14 Cf. ÉLISABETH DE SOLMS ET CHRISTOPHE DE DREUILLE, Bible chrétienne IV* – Exégèse et commentaires des Pères de l’Église, Québec, Anne Sigier, 2009 : « Ép 2, 14-15a – “En effet, c’est lui qui est notre paix” (…). Avec l’épître aux Éphésiens, ce thème de la paix prend une nouvelle importance avec, comme point de départ, les références à l’Ancien Testament que nous avons relevées (v. 13*) : ici, le Christ n’est plus seulement le médiateur de la pacification (Rex pacificus), mais il est lui-même, dans sa personne, la Paix ; il apparaît comme l’auteur même de la pacification. Par cette formule qui s’apparente à un titre christologique, c’est son être même qui est défini, tel qu’il se révèle à nous. Dans ces versets 14 à 17, le Christ est ainsi présenté successivement comme celui qui est la paix (v. 14), qui fait la paix (v. 15) et qui annonce la bonne nouvelle de la paix (v. 17). Ainsi y a-t-il identité, dans le Christ, entre ce qu’il est, ce qu’il fait et ce qu’il proclame. Son œuvre révèle bien son être, et cette œuvre elle-même est proclamation. C’est dire l’importance de ce thème de la paix ! » (p. 54).
15 Lettre à Diognète : « Les chrétiens…se marient comme tout le monde, ils ont des enfants, mais ils n’abandonnent pas leurs nouveau-nés. Ils prennent place à une table commune, mais qui n’est pas une table ordinaire. Ils sont dans la chair, mais ils ne vivent pas selon la chair. Ils passent leur vie sur la terre, mais ils sont citoyens du ciel. Ils obéissent aux lois établies, et leur manière de vivre est plus parfaite que les lois. Ils aiment tout le monde, et tout le monde les persécute… Tandis qu’on les châtie, ils se réjouissent comme s’ils naissaient à la vie. Les Juifs leur font la guerre comme à des étrangers, et les Grecs les persécutent ; ceux qui les détestent ne peuvent pas dire la cause de leur hostilité… Et les chrétiens, persécutés, se multiplient de jour en jour. Le poste que Dieu leur a fixé et si beau qu’il ne leur est pas permis de le déserter.»
16 Cf. SAINT JEAN-PAUL II, Homélie lors de la Commémoration œcuménique des témoins de la foi du 20ème siècle, 7 mai 2000 : « L’expérience des martyrs et des témoins de la foi n’est pas une caractéristique propre aux premiers temps de l’Église, mais elle est la marque de chaque période de son histoire. Au cours du vingtième siècle, peut-être plus encore que dans les débuts du christianisme, très nombreux ont été ceux qui ont témoigné de la foi au milieu de souffrances souvent héroïques. Combien de chrétiens, dans chaque continent, au cours du vingtième siècle, ne sont-ils pas allés jusqu’à payer de leur sang leur attachement au Christ ! Ils ont subi des formes de persécution anciennes et nouvelles, ils ont fait l’expérience de la haine et de l’exclusion, de la violence et de l’assassinat. De nombreux pays d’antique tradition chrétienne sont redevenus des terres où il en coûtait de rester fidèle à l’Évangile. Dans notre siècle, “le témoignage rendu au Christ jusqu’au sang est devenu un patrimoine commun aux catholiques, aux orthodoxes, aux anglicans et aux protestants” (Tertio millennio adveniente, n. 37). »
17 Cf. SS. PAPE FRANÇOIS, Exhortation apostolique Evangelii Gaudium, 24 novembre 2013, n°222-225.
18 Cf. JURGEN HABERMAS, Entre naturalisme et religion – Les défis de la démocratie, Paris, Gallimard, « NRF », 2008, 380 p. ; J. HABERMAS ET J. RATZINGER, Raison et Religion – La dialectique de la sécularisation, Paris, Salvator, 2010, 96 p. Le philosophe allemand de la “raison communicationnelle” s’applique en fin de carrière à défendre la contribution des traditions religieuses à l’enrichissement de la raison, et du “discours public” susceptible de favoriser la tolérance, le respect de l’autre, et une éthique de la paix.
 
 
 
 

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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