Industrie minière, 3 mai 2019 © Vatican Media

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Industrie minière: le pape plaide pour les populations indigènes (traduction complète)

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« Laisser une planète habitable à l’humanité qui nous succédera »

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« L’industrie minière au service du bien commun »: c’est le titre d’une rencontre organisée au Vatican autour de l’industrie minière, ce vendredi 3 mai 2019.
Le pape François a reçu les participants présentés par le cardinal Peter Turkson, préfet du Dicastère pour les service du développement humain intégral.
Le pape a plaidé pour que les populations autochtones soient des acteurs de leurs destins et que leurs terres et leur cultures soient protégées, et ne leur soient pas arrachées.
Un discours très riche qui fait une relecture du de l’encyclique Laudato si’ et qui est un jalon sur le chemin de la préparation du synode des évêques d’octobre prochain sur l’Amazonie.
Voici notre traduction rapide, de travail, de ce discours prononcé en italien.
AB
Allocution du pape François
Chers frères et soeurs,
Je vous souhaite à tous la bienvenue et je remercie le cardinal Turkson de son introduction. Je vous remercie d’être venus au Vatican pour parler de ce dialogue sur le thème : « L’industrie minière au service du bien commun ».
Dans l’encyclique Laudato si’, au sujet de l’état préoccupant de la planète, j’ai souligné l’exigence « d’entrer en dialogue avec tous au sujet de notre maison commune » (n°3). Nous avons besoin d’un dialogue qui réponde à la fois au cri de la terre et au cri des pauvres (cf. ibid., 49). J’apprécie particulièrement que lors de votre rencontre, des représentants des communautés impliquées dans les activités minières et des responsables des sociétés minières soient réunis autour d’une même table. C’est louable et cela constitue un pas essentiel sur la voie du progrès. Nous devons encourager ce dialogue pour qu’il se poursuive et à devenir la norme plutôt que l’exception. Je vous félicite parce que vous vous êtes engagés sur la voie du dialogue mutuel dans un esprit d’honnêteté, de courage et de fraternité.
 
Les conditions précaires de notre Maison commune sont principalement dues à un modèle économique qui a été suivi depuis trop longtemps. C’est un modèle vorace, orienté vers le profit, avec un horizon limité et basé sur l’illusion d’une croissance économique illimitée. Bien que nous constations souvent son impact désastreux sur le monde naturel et la vie des gens, nous sommes toujours réticents au changement. « Les pouvoirs économiques continuent de justifier le système mondial actuel, où priment une spéculation et une recherche du revenu financier qui tendent à ignorer tout contexte, de même que les effets sur la dignité humaine et sur l’environnement » (ibid., 56).
Nous sommes conscients que « le marché ne garantit pas en soi le développement humain intégral ni l’inclusion sociale » (ibid., 109) et que « la protection de l’environnement ne peut pas être assurée uniquement en fonction du calcul financier des coûts et des bénéfices » (ibid., 190). Nous avons besoin d’un changement de paradigme dans toutes nos activités économiques, y compris l’exploitation minière.
Dans ce contexte, le titre de votre rencontre, « L’exploitation minière au service du bien commun », est très approprié. Qu’est-ce que cela implique concrètement? Permettez-moi d’articuler à cet égard certaines réflexions qui pourraient être utiles à votre dialogue.
Tout d’abord, l’exploitation minière, comme toute activité économique, devrait servir l’ensemble de la communauté humaine. Comme l’a écrit saint Paul VI: « Dieu a destiné la terre et tout ce qu’elle contient à l’usage de tous les hommes et de tous les peuples, de sorte que les biens de la création doivent également se retrouver entre les mains de tous ». [1] C’est un pilier de l’enseignement social de l’Église. Dans cette perspective, l’implication des communautés locales est importante à chaque phase des projets d’activité minière. «Il est toujours nécessaire d’arriver à un consensus entre les différents acteurs sociaux, qui peuvent offrir des points de vue, des solutions et des alternatives différents. Mais à la table de discussion, les habitants locaux doivent avoir une place privilégiée, eux qui se demandent ce qu’ils veulent pour eux et pour leurs enfants, et qui peuvent considérer les objectifs qui transcendent l’intérêt économique immédiat »(Enc. Laudato si’ , 183).
À la lumière du prochain Synode sur l’Amazonie, je voudrais souligner qu’il « est indispensable d’accorder une attention spéciale aux communautés aborigènes et à leurs traditions culturelles. Elles ne constituent pas une simple minorité parmi d’autres, mais elles doivent devenir les principaux interlocuteurs, surtout lorsqu’on développe les grands projets qui affectent leurs espaces» (ibid., 146). Ces communautés vulnérables ont beaucoup à nous apprendre. « Pour elles, en effet, la terre n’est pas un bien économique, mais un don de Dieu et des ancêtres qui y reposent, un espace sacré avec lequel elles ont besoin d’interagir pour soutenir leur identité et leurs valeurs. […] Cependant, en diverses parties du monde, elles font l’objet de pressions pour abandonner leurs terres afin de les laisser libres pour des projets d’extraction ainsi que pour des projets agricoles et de la pêche, qui ne prêtent pas attention à la dégradation de la nature et de la culture » (ibid.). J’exhorte chacun à respecter les droits de l’homme fondamentaux et la voix des membres de ces communautés belles mais fragiles.
Deuxièmement, l’exploitation minière devrait être au service de la personne humaine et non l’inverse. Comme l’a écrit le pape Benoît XVI, « dans les interventions en faveur du développement, on doit respecter le principe du caractère central de la personne humaine, qui est le sujet qui doit assumer en premier le devoir de développement » [2]. Chaque personne est précieuse aux yeux de Dieu et ses droits humains fondamentaux sont sacrés et inaliénables, quel que soit leur statut social ou économique. L’attention portée à la protection et au bien-être des personnes impliquées dans les opérations minières, ainsi que le respect des droits humains fondamentaux des membres des communautés locales et de ceux qui défendent leurs causes sont des principes non négociables. La seule responsabilité sociale de l’entreprise ne suffit pas. Nous devons veiller à ce que les activités minières conduisent au développement humain intégral de chaque personne et de toute la communauté.
Troisièmement, il est nécessaire d’encourager le développement d’une économie circulaire, en particulier dans le domaine des activités minières. Je trouve que l’observation de mes frères évêques d’Amérique latine, dans leur récente lettre pastorale concernant les activités extractives, est très pertinente. Ils écrivent: « Par « extractivisme « , nous entendons une tendance débridée du système économique à transformer les biens de la nature en capital. L’action consistant à « extraire » la plus grande quantité de matériaux le plus rapidement possible, pour les transformer en matières premières et en facteurs de production que l’industrie utilisera, seront transformés en produits et en services que d’autres commercialiseront, que la société consommera et qu’ensuite la nature elle-même recevra sous forme de déchets polluants : c’est le circuit consumériste qui se crée avec une rapidité et des risques toujours plus grands » [3].
Nous devons dénoncer et éviter cette culture du rebut. «Le système industriel n’a pas développé, en fin de cycle de production et de consommation, la capacité d’absorber et de réutiliser déchets et ordures. On n’est pas encore arrivé à adopter un modèle circulaire de production qui assure des ressources pour tous comme pour les générations futures, et qui suppose de limiter au maximum l’utilisation des ressources non renouvelables, d’en modérer la consommation, de maximiser l’efficacité de leur exploitation, de les réutiliser et de les recycler » (Enc. Laudato si’, 22). La promotion d’une économie circulaire et l’approche «réduire, réutiliser, recycler» sont également parfaitement en phase avec la consommation durable et les modèles de production promus dans le douzième objectif de développement durable des Nations Unies. De plus, les traditions religieuses ont toujours présenté la sobriété comme un élément clé d’un style de vie éthique et responsable. La sobriété est également vitale pour sauver notre maison commune. « Heureux les doux parce qu’ils hériteront de la terre » (Mt 5, 5).
Chers frères et soeurs, nos efforts et notre lutte pour la sauvegarde de la maison commune constituent véritablement un parcours œcuménique qui nous met au défi de penser et d’agir en tant que membres d’une maison commune (oecumene). Je suis particulièrement heureux que votre réunion ait réuni des représentants d’Églises et de communautés de foi du monde entier. Je remercie également les représentants de l’industrie minière d’avoir adhéré à ce dialogue. Nous avons tous besoin d’agir ensemble pour guérir et reconstruire notre maison commun. Nous sommes tous appelés à « collaborer comme instruments de Dieu pour la sauvegarde de la création, chacun selon sa culture, son expérience, ses initiatives et ses capacités » (LS 14).
J’espère que votre rencontre sera véritablement un moment de discernement et qu’elle puisse mener à une action concrète. J’espère, comme l’ont écrit les évêques d’Amérique latine, que vous puissiez « analyser, interpréter, discerner ce qui convient ou non aux activités d’extraction dans les territoires et, par conséquent, proposer, planifier, agir pour transformer notre style de vie, influencer les politiques énergétiques minières des États et des gouvernements, ainsi que des politiques et les stratégies des entreprises dédiées à l’ « extractivisme », en vue de réaliser le bien commun et un authentique développement humain, durable et intégral » [4].
Votre rencontre est importante car vous traitez de questions concernant l’avenir de notre maison commune et l’avenir de nos enfants et des générations futures. « Il est nécessaire de réaliser que ce qui est en jeu, c’est notre propre dignité. Nous sommes, nous-mêmes, les premiers à avoir intérêt à laisser une planète habitable à l’humanité qui nous succédera. C’est un drame pour nous-mêmes, parce que cela met en crise le sens de notre propre passage sur cette terre » (Enc. Laudato si’, 160). Puissiez-vous ne jamais perdre de vue ce grand horizon!
Avec affection, je vous bénis, ainsi que vos familles et vos communautés. S’il vous plaît priez aussi pour moi. Merci.
© Traduction de Zenit, Anita Bourdin
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[1] Lettre Enc. Populorum progressio, 22.
[2] Lett. Enc. Caritas in veritate, 47.
[3] CELAM, Discipulos misioneros custodios de la casa común. Discernimiento a la luz de la encíclica Laudato si’, Bogota, janvier 2018, 11.
[4] CELAM, Discipulos misioneros custodios de la casa común. Discernimiento a la luz de la encíclica Laudato si’, Bogota, janvier 2018, 12.

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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