Apside de l'église San Gioacchino (Foto ZENIT Cc)

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"Donner sa vie pour ceux qu’on aime"

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Motu Proprio sur l’offrande de la vie, éclairage dans L’Osservatore Romano

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« La Congrégation pour les causes des saints s’est demandé ‘si ne méritent pas la béatification ces Serviteurs de Dieu qui, inspirés par l’exemple du Christ, ont librement et de plein gré offert et immolé leur vie pour leurs frères dans un acte suprême de charité qui a été directement cause de mort, mettant ainsi en pratique la parole du Seigneur : Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime’ », explique L’Osservatore Romano de ce mardi 11 juillet 2017.
En publiant le Motu Proprio du pape François, « Maiorem hac dilectionem », le quotidien du Vatican révèle le cheminement qui a conduit le pape à établir un nouveau critère pour les béatifications et canonisations. En plus des deux voies courantes qui sont le martyre et les vertus héroïques, et de celle des cas exceptionnels, voici la voie de l’offrande de la vie.
« Il s’agit d’introduire une quatrième voie que nous pourrions appeler de l’offrande de la vie. Bien qu’elle ait quelques éléments qui la font ressembler à la voie du martyre et à celle des vertus héroïques, c’est une voie nouvelle qui entend valoriser un témoignage chrétien héroïque, jusqu’ici sans procédure spécifique, justement parce qu’il ne rentre pas entièrement dans le cas d’espèce du martyre ni dans celui des vertus héroïques ».
Voici notre traduction de l’article de Marcello Bartolucci dans L’Osservatore Romano.
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Article de Marcello Bartolucci dans L’Osservatore Romano
Avec le Motu Proprio « Maiorem hac dilectionem » sur l’offrande de la vie, le pape François a ouvert la voie à la béatification de ces fidèles qui, poussés par la charité, ont offert héroïquement leur vie pour leur prochain en acceptant librement et volontairement une mort certaine et prématurée avec l’intention de suivre Jésus : il a donné sa vie pour nous ; par conséquent nous aussi nous devons donner notre vie pour nos frères (1 Jn 3,16).
Comme on le sait, depuis désormais des siècles les normes de l’Église catholique prévoient que l’on puisse procéder à la béatification d’un Serviteur de Dieu parcourant une de ces trois voies :
1) la voie du martyre qui est la suprême imitation du Christ et le témoignage le plus élevé de la charité. Le concept classique de martyre comprend : a) l’acceptation volontaire de la mort violente par amour du Christ, de la part de la victime ; b) la haine de la foi ou d’une autre vertu chrétienne de la part du persécuteur ; c) la douceur et le pardon de la victime qui imite l’exemple de Jésus qui, sur la croix, invoqua la miséricorde de son Père pour ceux qui le tuaient.
2) La voie des vertus héroïques, exercées « rapidement, promptement, de bon gré et au-dessus de la façon commune d’agir, pour une fin surnaturelle » (Benoît XVI) et pour une période raisonnable de temps, à savoir jusqu’à ce que cela devienne une manière habituelle d’être et d’agir conforme à l’Évangile. Il s’agit des vertus théologales (foi, espérance et charité), cardinales (prudence, justice, force et tempérance) et « annexes » (pauvreté, obéissance, chasteté et humilité).
3) Il y a ensuite une troisième voie, moins connue et moins fréquentée mais qui conduit au même résultat que les deux autres. C’est la voie des fameux « casus excepti », ainsi nommés par le Code de droit canonique de 1917 (cf. can. 2125-2135). Leur reconnaissance mène à la confirmation d’un culte ancien, c’est-à-dire successif au pontificat d’Alexandre III (†1181) et antécédent à 1534, tel que l’a établi Urbain VIII (1623-1644), le grand législateur des causes des saints. La confirmation du culte ancien est appelée aussi « béatification équipollente ».
Ces trois voies sont toutes ouvertes et parcourables, mais il semble qu’elles ne soient pas suffisantes pour interpréter tous les cas possibles de sainteté canonisable. En effet, récemment, la Congrégation pour les causes des saints s’est demandé « si ne méritent pas la béatification ces Serviteurs de Dieu qui, inspirés par l’exemple du Christ, ont librement et de plein gré offert et immolé leur vie pour leurs frères dans un acte suprême de charité qui a été directement cause de mort, mettant ainsi en pratique la parole du Seigneur : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jn 15,13) (Positio peculiaris, p. 3).
Il s’agit d’introduire une quatrième voie que nous pourrions appeler de l’offrande de la vie. Bien qu’elle ait quelques éléments qui la font ressemble à la voie du martyre et à celle des vertus héroïques, c’est une voie nouvelle qui entend valoriser un témoignage chrétien héroïque, jusqu’ici sans procédure spécifique, justement parce qu’il ne rentre pas entièrement dans le cas d’espèce du martyre ni dans celui des vertus héroïques.
La voie de l’offrande de la vie, en effet, ressemble partiellement à celle du martyre parce qu’il y a le don héroïque de soi jusqu’à la mort incluse mais elle s’en différencie parce qu’il n’y a pas de persécuteur qui voudrait imposer un choix contre le Christ. De même, la voie de l’offrande de la vie ressemble à celle des vertus héroïques parce qu’il y a un acte héroïque de charité (don de soi) inspiré par l’exemple du Christ, mais elle s’en différentie parce qu’elle n’est pas l’expression d’un exercice prolongé des vertus et, en particulier, d’une charité héroïque.  Est requis cependant un exercice ordinaire de vie chrétienne qui rende possible et compréhensible la décision libre et volontaire de donner sa vie dans un acte suprême d’amour chrétien, qui dépasse l’instinct naturel de conservation, imitant le Christ qui s’est offert au Père pour le monde sur la croix.
Il est néanmoins clair que toutes les voies de sainteté canonisée doivent avoir un dénominateur commun dans la charité qui est le « lien de la perfection », la « plénitude de la loi » et « l’âme de la sainteté ». L’offrande de la vie, par conséquent, ne peut pas faire abstraction de la perfection de la charité qui, dans ce cas-ci, n’est pas le résultat d’une répétition prolongée, rapide et joyeuse d’actes vertueux, mais un unique acte héroïque qui, par sa radicalité, son caractère irrévocable et sa persistance usque ad mortem (jusqu’à la mort) exprime pleinement l’option chrétienne. Ensuite, les théologiens enseignent que, en raison de la « connection » entre les vertus, là où il y a un acte héroïque de charité, il ne peut manquer un acte correspondant de foi, d’espérance, de prudence, de force etc. Il faut aussi dire que le facteur temps, c’est-à-dire la durée de l’offrande, a son importance. En effet, si l’acte héroïque de l’offrande se poursuit dans les années, il pourrait à la fin rentrer dans le cas d’espèce des vertus héroïques qui deviennent telle non seulement parce qu’elles sont l’expression de comportements extraordinairement parfaits mais aussi parce que prolongés pendant un temps important, que la jurisprudence canonique indique en une dizaine d’années de pratique dans les cas ordinaires.
Pour délimiter cet aspect, le Motu Proprio parle de manière très opportune de « mort à court terme », ce qui ne veut pas dire immédiate mais pas non plus lointaine au point de transformer l’acte héroïque en vertu héroïque. Auquel cas, le cas d’espèce serait différent. Si l’on vérifie la présence de l’offrande héroïque de la vie avec l’exercice héroïque des vertus chrétiennes, il est évident que la procédure juridique préfèrera le cas d’espère des vertus héroïques qui expriment de manière plus complète la personnalité du Serviteur de Dieu, la sainteté et al symphonie de ses richesses spirituelles. S’il était possible de tracer un classement des parcours juridiques pour la certification de la sainteté canonisable, nous pourrions conclure qu’à la première place se trouve le martyre, à la seconde les vertus héroïques et à la troisième l’acte héroïque de l’offrande de la vie jusqu’à la mort incluse. Pour conclure le raisonnement, nous pouvons tranquillement affirmer que celui qui scelle sa vie par un acte héroïque de charité peut être considéré comme parfait disciple du Christ et, comme tel, mériter d’être proposé comme modèle de vie chrétienne, si Dieu lui-même en garantit l’authenticité et l’exemplarité à travers la réputation de sainteté, la preuve des miracles et le jugement favorable de la suprême autorité de l’Église.
L’offrande de la vie usque ad mortem, jusqu’à maintenant, ne constituait pas un cas d’espèce en soi mais, s’il y en avait, elle était incorporée, seulement comme un détail, dans le cas d’espère des vertus héroïques ou dans celui du martyre. Il est désormais clair que cette incorporation ne rendait pas justice à une véritable et, pour de nombreux aspects, touchante expression de sainteté. Déjà Benoît XVI, le Magister, n’excluait pas des honneurs des autels ceux qui avaient donné leur vie dans un acte extrême de charité, comme par exemple l’assistance aux pestiférés qui, en déclenchant la contagion, devenait une cause certaine de morts.
Toute cette problématique a commencé à devenir l’objet d’une réflexion explicite de la Congrégation pour les causes des saints à partir du Congrès ordinaire du 24 janvier 2014. Le préfet, le card. Angelo Amato, porta la question à l’attention du Saint-Père François lors de l’audience du 7 février suivant. Le pape « approuva et encouragea » l’étude de ce nouveau cas d’espèce pour que le Dicastère relâche une Positio peculiaris, avec les contributions complémentaires de cinq experts des causes des saints : un bibliste, un enseignant de théologie dogmatique, un spécialiste de théologie spirituelle, un juriste et un historien.
Le 2 juin 2016, la Congrégation a tenu sur ce sujet un congrès particulier composé de 15 experts (10 consulteurs et 5 postulateurs) différents de ceux de la Positio peculiaris. C’est l’évêque Mgr Enrico Dal Covolo qui présida la réunion, surtout en qualité de postulateur. La discussion se déroula autour de ces 5 questions, communiquées dès la convocation du congrès et formulées ainsi : « 1) L’offrande de la vie, suivie de la mort, peut-elle être jugée comme l’expression d’une suprême et héroïque imitation du Christ ? 2) Quelles charactéristiques psychologiques et théologiques devrait avoir l’offrande de la vie pour être un acte héroïque de charité ? 3) L’offrande de la vie doit-elle mûrir dans le contexte d’une vie chrétienne consolidée, ou bien peut-elle être une décision improvisée, c’est-à-dire sans une préparation lointaine ? 4) Est-il opportun que l’offrande de la vie soit un cas d’espèce distinct de ceux du martyre et des vertus héroïques ? 5) La procédure juridique pour l’éventuelle béatification per viam vitae oblationis (par la voie de l’offrande de la vie), outre l’enquête diocésaine super vita, virtutibus, oblatione vitae, fama sanctitatis (sur la vie, les vertus, l’offrande de la vie, la réputation de sainteté)… doit-elle aussi comprendre la preuve d’un miracle ? » (Relatio et Vota Congressus Peculiaris, p.8).
À chaque question, il y eut une réponse par écrit des quinze consulteurs et postulateurs qui se sont ensuite confrontés dans une réunion collégiale (Congrès). Comme on le sait, les conclusions des Congrès particuliers de la Congrégation pour les causes des saints sont toujours importants, parce qu’ils expriment l’avis motivé de spécialistes et d’experts qui ont examiné à fond la matière. Toutefois, leur vote n’est pas délibératif et contraignant. Dans notre cas, l’approfondissement ample et serein du Congrès a conduit à ces conclusions : a) l’offrande de la vie, suivie de la mort, peut être jugée comme l’expression d’une suprême et héroïque imitation du Christ, comme il émerge du Nouveau Testament, de la Tradition des martyrs et des confesseurs de la foi, du Magistère des papes, du Concile Vatican II et de la réflexion théologique, surtout à propos de la charité ; b) l’offrande de la vie, dans la très grande majorité des cas, mûrit dans un contexte de pratique des vertus chrétiennes ; c) à la question de savoir si l’offrande de la vie doit être un cas d’espèce distinct de ceux du martyre et des vertus héroïques, la majorité des votes soutient l’idée de configurer un cas d’espèce distinct, tandis qu’une minorité ne le considère pas comme opportun ; d) à propos de la procédure juridique pour l’éventuelle béatification per viam vitae oblationis, outre l’enquête diocésaine super vita, virtutibus, oblatione vitae, fama sanctitatis, la majorité des consulteurs et des postulateurs considère comme nécessaire, pour la béatification, un miracle formellement approuvé.
Avec ces avis, le 27 septembre 2016, on se rendit à la Session plénière des cardinaux et des évêques, membres de la Congrégation pour les causes des saints. Dans ce siège aussi, les différents aspects de la question furent soulevés avec une profondeur de doctrine et une largeur de considérations pastorales. En conclusion, les cardinaux et les évêques donnèrent un vote favorable à une nouvelle voie pour al béatification de qui a offert sa vie avec des motivations chrétiennes explicites et reconnues. Fut aussi mise en évidence la nécessité d’un miracle, formellement approuvé, comme confirmation divine du jugement humain sur l’offrande de la vie. Ces conclusions furent soumises par la Congrégation pour les causes des saints au Saint-Père François dans la lettre du 28 novembre 2016 (Prot. Num. VAR 7454/14).
Le 17 janvier de cette année, la secrétairerie d’État informait le card. Amato que Sa Sainteté « en date du 10 janvier courant, a approuvé avec bienveillance la proposition de procéder à la béatification de ces Serviteurs de Dieu dont la libre et volontaire offrande de la vie était devenue cause de leur mort ». Il était aussi demandé à la Congrégation de « rédiger le texte de l’arrêt pontifical » pour le présenter à l’approbation définitive du Saint-Père. Le texte de l’arrêt pontifical cité est maintenant le Motu Proprio « Maiorem hac dilectionem », signé par le pape François. Ce document pontifical précise de façon très opportune, à l’art. 2 : « l’offrande de la vie, afin qu’elle soit valide et efficace pour la béatification d’un Serviteur de Dieu, doit répondre aux critères suivants : a) offrande libre et volontaire de la vie et acceptation héroïque propter caritatem d’une mort certaine et à court terme ; b) lien entre l’offrande de la vie et la mort prématurée ; c) exercice, au moins à un niveau ordinaire, des vertus chrétiennes avant l’offrande de la vie et, ensuite, jusqu’à la mort ; d) existence de la fama sanctitatis et signorum (de la réputation de sainteté et des signes), au moins auprès la mort ; e) nécessité d’un miracle pour la béatification, survenu après la mort du Serviteur de Dieu et par son intercession ».
L’art. 3 du Motu Proprio ajoute comment s’ajuster dans l’enquête canonique sur l’offrande de la vie et dans la préparation du dossier correspondant (Positio) à soumettre aux consulteurs théologiens et aux cardinaux : « la célébration de l’enquête diocésaine ou éparchiale et la Position correspondante sont régies par la Constitution apostolique Divinus perfectionis Magister du 25 janvier 1983 […] et par la Normae Servandae […] du 7 février de la même année ». Cette nouvelle norme sur l’offrande de la vie devra se relier, logiquement, aussi à l’Instruction « Sanctorum Mater » du 17 mai 2007, qui entend faciliter l’application correcte de la législation de 1983. Enfin, le Motu Proprio a décidé que le « dubium », à savoir l’objet de la certification des causes sur l’offrande de la vie, doit être ainsi formulé : “An constet de heroica oblatione vitae usque ad mortem propter caritatem necnon de virtutibus christianis, saltem in gradu ordinario, in casu et ad effectum de quo agitur” (si l’on a prouvé l’offrande de la vie jusqu’à la mort motivée par la charité, ainsi que les vertus chrétiennes exercées au moins au degré ordinaire, dans le cas et pour les finalités dont il s’agit). Le Saint-Père a aussi disposé que son acte législatif sera promulgué à travers L’Osservatore Romano et qu’il entrera en vigueur le jour même de la publication.
Par cette mesure, la doctrine sur la sainteté chrétienne canonisable et la procédure traditionnelle de l’Église pour la béatification des Serviteurs de Dieu non seulement n’ont pas été altérées, mais se sont enrichies de nouveaux horizons et opportunités pour l’édification du peuple de Dieu qui voit dans ses saints le visage du Christ, la présence de Dieu dans l’histoire et l’exemplaire mise en œuvre de l’Évangile.
© Traduction de Zenit, Constance Roques

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Constance Roques

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