Homélie pour la Journée de la vie consacrée (texte intégral)

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« S’abaisser en se faisant serviteur, pour servir »

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« S’abaisser en se faisant serviteur, pour servir », comme le Christ, voilà la source de la joie des consacrés, explique le pape François.

Le pape a en effet présidé à Saint-Pierre, ce 2 février, à 17h30, la messe de la Présentation de l’Enfant Jésus au Temple de Jérusalem, une fête qui est aussi l’occasion de la Journée mondiale de la vie consacrée. Le pape était entouré de milliers de personnes consacrées présentes à Rome.

Voici notre traduction intégrale de l’italien.

A.B.

Homélie du pape François

Nous avons sous les yeux la représentation de notre Mère, Marie, qui marche, l’Enfant Jésus dans les bras. Elle le fait entrer dans le Temple, elle le fait entrer dans le peuple, elle l’emmène rencontrer son peuple.

Les bras de notre Mère sont comme l’ « échelle » par laquelle le Fils de Dieu descend vers nous, l’échelle de la condescendance de Dieu. Nous l’avons entendu dans la première lecture, de la Lettre aux Hébreux : le Christ s’est rendu « en tout semblable à ses frères, pour devenir un grand prêtre miséricordieux et digne de foi » (2,17). C’est la double voie de Jésus : il estdescendu, il s’est fait comme nous, pour monter vers le Père avec nous, en nous rendant comme lui.

Nous pouvons contempler dans notre cœur ce mouvement, en imaginant la scène évangélique de Marie qui entre dans le Temple, l’Enfant dans ses bras. La Vierge Marie marche, mais c’est son Fils qui marche devant elle. Elle le porte, mais c’est Lui qui la porte sur ce chemin de Dieu qui vient à nous afin que nous puissions aller à lui.

Jésus a marché sur la même route que nous, pour nous indiquer le chemin nouveau, la « voie nouvelle et vivante » (cf. He 10,20) qui est Lui-même. Et pour nous, consacrés, c’est la seule route que nous devons parcourir, concrètement et sans alternative,      avec joie et persévérance. 

L’Évangile insiste bien cinq fois sur l’obéissance de Marie et Joseph à la « Loi du Seigneur » (cf. Lc 2,22.23.24.27.39). Jésus n’est pas venu faire sa volonté, mais la volonté du Père ; et c’était cela, a-t-il dit, sa « nourriture » (cf. Jn 4,34). Ainsi, celui qui suit Jésus se met sur la voie de l’obéissance, en imitant la « condescendance » du Seigneur, en s’abaissant et en faisant sienne la volonté de son Père, y compris jusqu’à l’anéantissement et l’humiliation de lui-même (cf. Ph 2,7-8). Pour un religieux, progresser signifie s’abaisser dans le service, c’est-à-dire faire le même chemin que Jésus, qui n’a pas « retenu jalousement le rang qui l’égalait à Dieu » (Ph 2,6). S’abaisser en se faisant serviteur, pour servir.

Et cette voie prend la forme de la règle, marquée par le charisme du fondateur, sans oublier que la règle irremplaçable, pour tous, est toujours l’Evangile. Et puis l’Esprit-Saint, par sa créativité infinie, le traduit aussi dans différentes règles de vie consacrée qui naissent toutes de la « suite du Christ », et donc de ce chemin qui fait s’abaisser en servant.

Par cette « loi », les consacrés peuvent atteindre la sagesse, qui n’est pas une attitude abstraite, mais œuvre et don de l’Esprit-Saint. Et le signe évident de cette sagesse, c’est la joie. Oui, la joie évangélique du religieux est la conséquence de ce chemin d’abaissement avec Jésus… Et, quand nous sommes tristes, cela nous fera du bien de nous demander : « comment vivons-vous cette dimension de kénose ? »

Dans le récit de la Présentation de Jésus au Temple, la sagesse est représentée par deux personnes âgées, Siméon et Anne : des personnes dociles à l’Esprit-Saint (il est nommé 3 fois), guidées par lui, animées par lui. Le Seigneur leur a donné la sagesse grâce à un long chemin sur la voie de l’obéissance à sa loi. Une obéissance qui, d’une part humilie et anéantit, mais d’autre part allume et garde l’espérance, en les rendant créatifs, parce qu’ils sont remplis d’Esprit-Saint. Ils célèbrent même une sorte de liturgie autour de l’Enfant qui entre dans le Temple : Siméon loue le Seigneur et Anne « prêche » le salut (cf. Lc 2,28-32.38).

Comme dans le cas de Marie, le vieux Siméon aussi prend l’Enfant dans ses bras mais, en réalité, c’est l’Enfant qui le saisit et le conduit. La liturgie des premières vêpres de la fête de ce jour l’exprime de façon claire et belle : « senex puerum portabat, puer autem senem regebat » (« le vieillard portait l’enfant, mais l’enfant dirigeait le vieillard », ndlr). Marie, la jeune mère, aussi bien que Siméon, le vieux « grand-père », portent l’Enfant dans leurs bras, mais c’est l’Enfant lui-même qui les conduit tous les deux.

Il est curieux de noter que dans cet épisode, les créatifs ce ne sont pas les jeunes, mais les vieux. Les jeunes, comme Marie et Joseph, suivent la loi du Seigneur, sur la voie de l’obéissance. Les vieux, comme Siméon et Anne, voient dans l’Enfant l’accomplissement de la Loi et des promesses de Dieu. Et ils sont capables de faire la fête : ils sont créatifs dans la joie, dans la sagesse.

Cependant, le Seigneur transforme l’obéissance en sagesse, par l’action de son Saint-Esprit.

Parfois, Dieu peut accorder le don de la sagesse même à un jeune sans expérience : il suffit qu’il soit disponible pour parcourir la voie de l’obéissance mais toujours à travers la voie de l’obéissance et de la docilité à l’Esprit. Cette obéissance, cette docilité ne sont pas théoriques, mais elle sont soumises à la logique de l’incarnation du Verbe : docilité et obéissance à un fondateur, docilité et obéissance à une règle concrète, docilité et obéissance à un supérieur, docilité et obéissance à l’Église. Il s’agit d’une docilité et d’une obéissance concrètes.

Par un chemin persévérant dans l’obéissance, la sagesse personnelle et communautaire mûrit, et il devient alors possible aussi d’adapter les règles aux temps : la véritable « mise à jour », en effet, est l’œuvre de la sagesse, forgée dans la docilité et l’obéissance.

La revitalisation et le renouveau de la vie consacrée se réalisent par un grand amour de la règle et aussi par la capacité de contempler et d’écouter les personnes âgées de la congrégation. Ainsi, le « dépôt », le charisme de toute famille religieuse est gardé à la fois par l’obéissance et par la sagesse. Et, grâce à ce chemin, nous sommes préservés de vivre notre consécration de façon « light », de façon désincarnée, comme si c’était une gnose qui réduirait la vie religieuse à une « caricature », une caricature dans laquelle on vit une « suite » sans renoncement, une prière sans rencontre, une vie fraternelle sans communion, une obéissance sans confiance, une charité sans transcendance.

Nous aussi, aujourd’hui, comme Marie et comme Siméon, nous voulons prendre Jésus dans nos bras pour qu’il rencontre son peuple et, c’est sûr, nous ne l’obtiendrons si nous nous laissons saisir par le mystère du Christ. Nous conduisons le peuple à Jésus en nous laissant à notre tour conduire par lui. C’est ce que nous devons être : des guides guidés.

Que le Seigneur, par l’intercession de notre Mère Marie, de saint Joseph et des saints Siméon et Anne, nous accorde ce que nous lui avons demandé dans l’oraison de la Collecte : de lui « être présentés pleinement renouvelés dans l’Esprit ». Ainsi soit-il.

Traduction de Zenit, Constance Roques et Anita Bourdin

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Francis NULL

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