Le pape François en prière (archive) © Vatican Media

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«Gaudete et exsultate»: le silence, entre tentation d'évasion et remède à la course fébrile

Quelques moments uniquement pour Dieu

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Dans ce monde fébrile, le chrétien ne peut pas se passer du silence, mais celui-ci ne doit pas devenir un lieu d’évasion, d’enfermement, de coupure du monde, ni une recherche de la « paix intérieure » à tout prix. C’est l’équilibre délicat que suggère en substance le pape François dans son exhortation apostolique «Gaudete et exsultate» (« Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse »), publiée ce 9 avril 2018.
« Il n’est pas sain d’aimer le silence et de fuir la rencontre avec l’autre, de souhaiter le repos et d’éviter l’activité, de chercher la prière et de mépriser le service », écrit le pape dans cette troisième exhortation apostolique de son pontificat qui traite de la sainteté dans le monde actuel : « Tout peut être accepté et être intégré comme faisant partie de l’existence personnelle dans ce monde, et être incorporé au cheminement de sanctification. »
En d’autres termes, « il nous faut un esprit de sainteté qui imprègne aussi bien la solitude que le service, aussi bien l’intimité que l’œuvre d’évangélisation, en sorte que chaque instant soit l’expression d’un amour dévoué sous le regard du Seigneur. Ainsi, tous les moments seront des marches sur notre chemin de sanctification ».
Le pape met en garde contre la tentation « de reléguer au second plan le dévouement pastoral ou l’engagement dans le monde, comme si c’étaient des ‘‘distractions’’ sur le chemin de la sanctification et de la paix intérieure ». Et contre la tentation de considérer « le silence priant comme une évasion niant le monde qui nous entoure ».
Il souligne les écueils de la recherche de la quiétude : « L’Esprit Saint peut-il nous inciter à accomplir une mission et en même temps nous demander de la fuir, ou d’éviter de nous engager totalement pour préserver la paix intérieure ? »
De même, « une ferveur spirituelle peut-elle cohabiter avec une lassitude dans l’œuvre d’évangélisation ou dans le service des autres ? » Leurré par la culture du divertissement, le chrétien peut en effet être amené à « absolutiser le temps libre » et « par voie de conséquence, c’est la mission elle-même qui s’en ressent, c’est l’engagement qui s’affaiblit, c’est le service généreux et disponible qui commence à en pâtir. Cela dénature l’expérience spirituelle ».
Quelques moments uniquement pour Dieu
Cependant, ajoute le pape, il ne s’agit pas « de déprécier les moments de quiétude, de solitude et de silence devant Dieu. Bien au contraire ! » : « il faut aussi quelques moments uniquement pour Dieu, dans la solitude avec lui… Je voudrais insister sur le fait que ce n’est pas seulement pour quelques privilégiés, mais pour tous, car nous avons tous besoin de ce silence chargé de présence adorée ».
Aujourd’hui, note-t-il, « les nouveautés constantes des moyens technologiques, l’attraction des voyages, les innombrables offres de consommation, ne laissent pas parfois d’espaces libres où la voix de Dieu puisse résonner. Tout se remplit de paroles, de jouissances épidermiques et de bruit à une vitesse toujours croissante. »
« Nous avons besoin, poursuit le pape, d’arrêter cette course fébrile pour retrouver un espace personnel, parfois douloureux mais toujours fécond, où s’établit le dialogue sincère avec Dieu… et on n’y parvient pas toujours si on ne se sent pas au bord de l’abîme de la tentation la plus étouffante, si on ne sent pas le vertige du précipice de l’abandon le plus désespéré, si on ne se trouve pas absolument seul, au faîte de la solitude la plus radicale. »
Le silence est aussi nécessaire au discernement, thème cher au pape jésuite : « Si nous n’écoutons pas, toutes nos paroles ne seront que du bruit qui ne sert à rien… Même si le Seigneur nous parle de manières variées, dans notre travail, à travers les autres et à tout moment, il n’est pas possible de se passer du silence de la prière attentive pour mieux percevoir ce langage, pour interpréter la signification réelle des inspirations que nous croyons recevoir, pour apaiser les angoisses et recomposer l’ensemble de l’existence personnelle à la lumière de Dieu. »

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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