Icône du Christ ressuscité, messe de Pâques, place St-Pierre, capture

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«Gaudete et exsultate»: la sainteté c’est du sur mesure, pas du prêt-à-porter

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Le discernement dans la vie du baptisé

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«Que chaque croyant discerne son propre chemin» : le « discernement » est au cœur de la troisième exhortation apostolique du pape François « Gaudete et exsultate », publiée ce 9 avril 2018, dans le sillage du dimanche de la miséricorde, en la fête de l’Annonciation et elle est datée du 19 mars.
Le pape insiste sur le fait que la sainteté c’est la vocation de tous et de chacun, il indique des grandes références comme chemin de sainteté à la suite du Christ: le service de Dieu et du frère, les Béatitudes, les œuvres de Miséricorde, le combat pour la justice et pour la vie et la dignité humaine. Et pour parvenir à la « plénitude » à laquelle Dieu appelle chacun, un discernement constant doit s’exercer sous le regard du Christ et dans l’Esprit. Le pape, en père spirituel, en donne les clefs dans ce nouveau document. La sainteté, en somme, c’est du « sur mesure », pas du « prêt-à-porter ».
Discerner l’appel de chacun
Le pape explique l’appel lancé par le concile Vatican II à chacun selon son appel spécifique : « « Chacun dans sa route » dit le Concile. Il ne faut donc pas se décourager quand on contemple des modèles de sainteté qui semblent inaccessibles. Il y a des témoins qui sont utiles pour nous encourager et pour nous motiver, mais non pour que nous les copiions, car cela pourrait même nous éloigner de la route unique et spécifique que le Seigneur veut pour nous » (n.11).
D’où l’importance du « discernement » pour comprendre l’appel de Dieu : « Ce qui importe, insiste le pape, c’est que chaque croyant discerne son propre chemin et mette en lumière le meilleur de lui-même, ce que le Seigneur a déposé de vraiment personnel en lui (cf. 1 Co 12, 7) et qu’il ne s’épuise pas en cherchant à imiter quelque chose qui n’a pas été pensé pour lui. Nous sommes tous appelés à être des témoins, mais il y a de nombreuses formes existentielles de témoignage. »
Le pape passe au tutoiement pour exhorter chaque baptisé à se mettre à l’écoute de Dieu et « discerner » : « Pour nous tous, c’est un rappel fort. Toi aussi, tu as besoin de percevoir la totalité de ta vie comme une mission. Essaie de le faire en écoutant Dieu dans la prière et en reconnaissant les signes qu’il te donne. Demande toujours à l’Esprit ce que Jésus attend de toi à chaque moment de ton existence et dans chaque choix que tu dois faire, pour discerner la place que cela occupe dans ta propre mission. Et permets-lui de forger en toi ce mystère personnel qui reflète Jésus-Christ dans le monde d’aujourd’hui » (n. 23).
Discerner les obstacles
Et lorsque le pape évoque les obstacles à la sainteté comme les nouvelles formes de gnosticisme – qui prétendre obtenir la sainteté par la connaissance abstraite – en dehors de toute action concrète – et de pélagianisme – une forme de volontarisme – , qui se fie uniquement à la volonté humaine pour arriver à la sainteté sans compter sur la grâce, il invite là aussi à discerner si quelque chose de cela ne fait pas obstacle dans la vie du baptisé à son cheminement vers plus de sainteté: « Que le Seigneur délivre l’Église des nouvelles formes de gnosticisme et de pélagianisme qui l’affublent et l’entravent sur le chemin de la sainteté ! Ces déviations s’expriment de diverses manières, selon le tempérament et des caractéristiques propres à chacun. C’est pourquoi j’exhorte chacun à se demander et à discerner devant Dieu de quelle manière elles peuvent être en train de se manifester dans sa vie » (n. 62).
Le critère de la transformation
Toujours selon ce fil directeur du discernement, le pape recommande de vérifier comment l’on prie en observant si la prière transforme effectivement la vie, la rend en somme plus chrétienne, plus miséricordieuse, et c’est « la clef du ciel » : « La meilleure façon de discerner si notre approche de la prière est authentique sera de regarder dans quelle mesure notre vie est en train de se transformer à la lumière de la miséricorde. En effet, « la miséricorde n’est pas seulement l’agir du Père, mais elle devient le critère pour comprendre qui sont ses véritables enfants ». Elle « est le pilier qui soutient la vie de l’Église ». Je voudrais souligner une fois de plus que, si la miséricorde n’exclut pas la justice et la vérité, « avant tout, nous devons dire que la miséricorde est la plénitude de la justice et la manifestation la plus lumineuse de la vérité de Dieu ». Elle « est la clef du ciel » (n. 105). »
Le pape insiste – comme la Bible ! – sur l’écoute pour former le discernement et trouver son propre chemin de sainteté. Là encore, pas de prêt- à-porter: « Dans le silence, il est possible de discerner, à la lumière de l’Esprit, les chemins de sainteté que le Seigneur nous propose. Autrement, toutes nos décisions ne pourront être que des ‘‘décorations’’ qui, au lieu d’exalter l’Évangile dans nos vies, le recouvriront ou l’étoufferont. Pour tout disciple, il est indispensable d’être avec le Maître, de l’écouter, d’apprendre de lui, d’apprendre toujours. Si nous n’écoutons pas, toutes nos paroles ne seront que du bruit qui ne sert à rien (n. 150). »
L’Esprit Saint, le monde ou l’ennemi ?
Mais c’est surtout dans le cinquième chapitre que le pape parle, presque à chaque paragraphe du « discernement spirituel ». Il s’intitule : « combat, vigilance et discernement ». En cela le document du pape est vrai petit traité spirituel « pour tous ».
Il pose la question à trois alternatives (n. 166.) : « Comment savoir si une chose vient de l’Esprit Saint ou si elle a son origine dans l’esprit du monde ou dans l’esprit du diable ? »
Il répond qu’il faut demander et accueillir le discernement comme une « capacité spirituelle », un don de l’Esprit Saint, pas statique, mais à développer: « Le seul moyen, c’est le discernement qui ne requiert pas seulement une bonne capacité à raisonner ou le sens commun. C’est aussi un don qu’il faut demander. Si nous le demandons avec confiance au Saint Esprit, et que nous nous efforçons en même temps de le développer par la prière, la réflexion, la lecture et le bon conseil, nous pourrons sûrement grandir dans cette capacité spirituelle. »
Cette capacité, le pape en souligne l’urgence pour le moment présent au milieu de toutes les propositions nouvelles des sociétés. Il pense spécialement aux sollicitations qui assaillent les jeunes et se présentent sous l’apparence du bien (n. 167) : « Aujourd’hui, l’aptitude au discernement est redevenue particulièrement nécessaire. En effet, la vie actuelle offre d’énormes possibilités d’actions et de distractions et le monde les présente comme si elles étaient toutes valables et bonnes. Tout le monde, mais spécialement les jeunes, est exposé à un zapping constant. Il est possible de naviguer sur deux ou trois écrans simultanément et d’interagir en même temps sur différents lieux virtuels. »
« Sans la sagesse du discernement, constate le pape, nous pouvons devenir facilement des marionnettes à la merci des tendances du moment. »
Les nouveautés et la vie quotidienne
Urgence aussi quand des nouveautés surgissent dans la vie du chrétien (n. 168). Est-ce une nouveauté « trompeuse » ou au contraire le chrétien est-il tente par l’ « immobilisme »: « Cela devient particulièrement important quand apparaît une nouveauté dans notre vie et qu’il faudrait alors discerner pour savoir s’il s’agit du vin nouveau de Dieu ou bien d’une nouveauté trompeuse de l’esprit du monde ou de l’esprit du diable. En d’autres occasions, il arrive le contraire, parce que les forces du mal nous induisent à ne pas changer, à laisser les choses comme elles sont, à choisir l’immobilisme et la rigidité. Nous empêchons donc le souffle de l’Esprit d’agir. »
L’autre mot qui indique le discernement, c’est un « examen », mais pas une introspection, un examen sou l’action de l’Esprit Saint et dans le Christ et il cite saint Paul : « Vérifiez tout. Ce qui est bon retenez-le » (1Th 5, 21). »
Et cet instrument du discernement est aussi utile chaque jour en dehors des grandes décisions de la vie : « C’est un instrument de lutte pour mieux suivre le Seigneur. Nous en avons toujours besoin pour être disposés à reconnaître les temps de Dieu et de sa grâce, pour ne pas gaspiller les inspirations du Seigneur, pour ne pas laisser passer son invitation à grandir. Souvent cela se joue dans les petites choses, dans ce qui paraît négligeable, parce que la grandeur se montre dans ce qui est simple et quotidien » (n. 169).
Le pape exprime alors une demande solennelle : « Je demande donc à tous les chrétiens de faire chaque jour, en dialogue avec le Seigneur qui nous aime, un sincère “examen de conscience”. »
Pas de rigidité   
Le pape insiste sur le fait que ce don, même s’il s’appuie sur des capacités naturelle est lui, surnaturel, mais est spécialement donné aux humbles: « Bien qu’il inclue la raison et la prudence, il les dépasse parce qu’il s’agit d’entrevoir le mystère du projet unique et inimitable que Dieu a pour chacun, et qui se réalise dans des contextes et des limites les plus variés. (…) Ce qui est en jeu, c’est le sens de ma vie devant le Père qui me connaît et qui m’aime, le vrai sens de mon existence que personne ne connaît mieux que lui. Le discernement, en définitive, conduit à la source même de la vie qui ne meurt pas, c’est-à-dire connaître le Père, le seul vrai Dieu, et celui qu’il a envoyé, Jésus-Christ (cf. Jn 17, 3). Il ne requiert pas de capacités spéciales ni n’est réservé aux plus intelligents ou aux plus instruits, et le Père se révèle volontiers aux humbles (cf. Mt 11, 25). »
Et pour ce discernement, il faut « le silence de la prière attentive pour mieux percevoir ce langage, pour interpréter la signification réelle des inspirations que nous croyons recevoir, pour apaiser les angoisses et recomposer l’ensemble de l’existence personnelle à la lumière de Dieu » (n. 171).
Pour le pape l’écoute, la disponibilité, conduit à la liberté (n. 172) et c’est tout le contraire de la « rigidité » dont il a dit ailleurs qu’elle lui faisait peur : « Seul celui qui est disposé à écouter possède la liberté pour renoncer à son propre point de vue partiel ou insuffisant, à ses habitudes, à ses schémas. De la sorte, il est vraiment disponible pour accueillir un appel qui brise ses sécurités mais qui le conduit à une vie meilleure, car il ne suffit pas que tout aille bien, que tout soit tranquille. Dieu pourrait être en train de nous offrir quelque chose de plus, et à cause de notre distraction dans la commodité, nous ne nous en rendons pas compte. »
Le pape rappelle donc les critères du discernement spirituel (n. 172) dont la docilité spirituelle, l’obéissance au magistère. Le mot « rigidité » est prononcé: « Une telle attitude d’écoute implique, c’est certain, l’obéissance à l’Evangile comme ultime critère, mais aussi au Magistère qui le garde, en cherchant à trouver dans le trésor de l’Église ce qui est le plus fécond pour l’aujourd’hui du salut. Il ne s’agit pas d’appliquer des recettes ni de répéter le passé, puisque les mêmes solutions ne sont pas valables en toutes circonstances, et ce qui sera utile dans un certain contexte peut ne pas l’être dans un autre. Le discernement des esprits nous libère de la rigidité qui n’est pas de mise devant l’éternel aujourd’hui du Ressuscité. Seul l’Esprit sait pénétrer dans les replis les plus sombres de la réalité et prendre en compte toutes ses nuances, pour que, sous un nouveau jour, émerge la nouveauté de l’Evangile. »
Progresser vers une plénitude
Pour le pape François, le discernement est une opération dynamique et qui requiert du temps et même de la « patience » (n. 174) : « Une condition essentielle au progrès dans le discernement, c’est de s’éduquer à la patience de Dieu et à ses temps qui ne sont jamais les nôtres. Il ne fait pas tomber le feu sur les infidèles (cf. Lc 9, 54) ni ne permet d’‘‘arracher l’ivraie” qui grandit avec le blé (cf. Mt 13, 29). »
Et de la « générosité » qui irait jusqu’à « tout donner » pour le service de Dieu, des autres : « Il faut aussi de la générosité parce qu’« il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir » (Ac 20, 35). Nous ne discernons pas pour découvrir ce que nous pouvons tirer davantage de cette vie, mais pour reconnaître comment nous pouvons mieux accomplir cette mission qui nous a été confiée dans le Baptême, et cela implique que nous soyons disposés à des renoncements jusqu’à tout donner. »
Une autre caractéristique du discernement spirituel, c’est qu’il englobe toute la vie (n. 175) car il est dynamique et veut conduire à une « plénitude »: « Quand nous scrutons devant Dieu les chemins de la vie, il n’y a pas de domaines qui soient exclus. Sur tous les plans de notre vie, nous pouvons continuer à grandir et offrir quelque chose de plus à
Dieu, y compris sur les plans où nous faisons l’expérience des difficultés les plus fortes. Mais il faut demander à l’Esprit Saint de nous délivrer et d’expulser cette peur qui nous porte à lui interdire d’entrer dans certains domaines de notre vie. Lui qui demande tout donne également tout, et il ne veut pas entrer en nous pour mutiler ou affaiblir mais pour porter à la plénitude. »
Surtout le pape met en garde contre un examen de soi qui ne serait pas le discernement chrétien, enfermerait sur soi au lieu de conduire au service de Dieu et des autres: « Cela nous fait voir que le discernement n’est pas une autoanalyse intimiste, une introspection égoïste, mais une véritable sortie de nous-mêmes vers le mystère de Dieu qui nous aide à vivre la mission à laquelle il nous a appelés pour le bien de nos frères. »
 
 
 
 
 
 
 
 
 

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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