Le pape le pouce levé © L'Osservatore Romano

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«Gaudete et exsultate»: être saint aujourd’hui ? Cinq recommandations du pape

Les «risques» et les «limites» du monde actuel

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Etre saint aujourd’hui, c’est possible, et la sainteté est « pour toi aussi », quel que soit ton état de vie, répète le pape François dans son exhortation apostolique «Gaudete et exsultate» (« Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse ») publiée ce 9 avril 2018.
Dans le quatrième chapitre de ce document, troisième exhortation apostolique de son pontificat, le pape recommande particulièrement cinq attitudes qui sont « d’une importance particulière, vu certains risques et certaines limites de la culture d’aujourd’hui ».
Une forme subtile de violence
Ainsi, pour contrer « l’anxiété nerveuse et violente qui nous disperse et nous affaiblit », le pape prône l’endurance, la patience et la douceur afin « de supporter les contrariétés, les vicissitudes de la vie, et aussi les agressions de la part des autres, leurs infidélités et leurs défauts ».
Il s’agit de montrer « patience et constance dans le bien », de « lutter et être attentifs face à nos propres penchants agressifs et égocentriques ». Et le pape de mettre en garde, y compris contre la « violence verbale » sur les réseaux sociaux : « Il n’est pas bon pour nous de regarder de haut, d’adopter la posture de juges impitoyables, d’estimer les autres indignes et de prétendre donner des leçons constamment. C’est là une forme subtile de violence. »
Au contraire, « le saint ne consacre pas ses énergies à déplorer les erreurs d’autrui ; il est capable de faire silence devant les défauts de ses frères et il évite la violence verbale qui dévaste et maltraite, parce qu’il ne se juge pas digne d’être dur envers les autres, mais il les estime supérieurs à lui-même ».
Cette attitude humble, explique encore le pape « ne peut s’enraciner dans le cœur qu’à travers les humiliations » : « Sans elles, il n’y a ni humilité ni sainteté. » L’humiliation, ajoute-t-il, n’est pas « marcher la tête basse », ni « parler peu » ou « fuir la société ». Elle se vit au quotidien, à l’exemple de ceux qui « évitent de parler bien d’eux-mêmes et préfèrent louer les autres au lieu de se glorifier, choisissent les tâches les moins gratifiantes, et même préfèrent parfois supporter quelque chose d’injuste pour l’offrir au Seigneur ».
Le saint, le réalisme et le sens de l’humour
Face à « la négativité et la tristesse » du monde actuel, le pape insiste sur la joie et le sens de l’humour : « Le saint est capable de vivre joyeux et avec le sens de l’humour. Sans perdre le réalisme, il éclaire les autres avec un esprit positif et rempli d’espérance. »
« Je ne parle pas de la joie consumériste et individualiste si répandue dans certaines expériences culturelles d’aujourd’hui, précise-t-il. Car le consumérisme ne fait que surcharger le cœur ; il peut offrir des plaisirs occasionnels et éphémères, mais pas la joie. Je me réfère plutôt à cette joie qui se vit en communion, qui se partage et se distribue, car ‘il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir’ ».
« Il y a des moments difficiles, des temps de croix, souligne le pape, mais rien ne peut détruire la joie surnaturelle qui … naît de la certitude personnelle d’être infiniment aimé, au-delà de tout. C’est une assurance intérieure, une sérénité remplie d’espérance qui donne une satisfaction spirituelle incompréhensible selon les critères du monde. »
Dieu n’a pas peur ! Il n’a pas peur !
La troisième attitude, remède à « l’acédie commode, consumériste et égoïste », est l’audace : « la sainteté est … audace, elle est une incitation à l’évangélisation qui laisse une marque dans ce monde ».
« Nous avons en nous, note le pape François, la tentation latente de fuir vers un endroit sûr qui peut avoir beaucoup de noms : individualisme, spiritualisme, repli dans de petits cercles, dépendance, routine, répétition de schémas préfixés, dogmatisme, nostalgie, pessimisme, refuge dans les normes. Peut-être refusons-nous de sortir d’un territoire qui nous était connu et commode. » C’est « l’accoutumance » qui démobilise face au mal, estime-t-il.
Mais « Dieu n’a pas peur ! Il n’a pas peur ! Il va toujours au-delà de nos schémas et ne craint pas les périphéries. » Il « nous pousse à partir sans relâche et à nous déplacer pour aller au-delà de ce qui est connu, vers les périphéries et les frontières ».
Le pape encourage : « Laissons le Seigneur venir nous réveiller, nous secouer dans notre sommeil, nous libérer de l’inertie… Les saints surprennent, dérangent, parce que leurs vies nous invitent à sortir de la médiocrité tranquille et anesthésiante. »
Préserver les petits détails de l’amour
Autre tentation actuelle : l’individualisme, auquel le pape répond par la vie en « communauté ». « Il est très difficile, prévient-il, de lutter contre notre propre concupiscence ainsi que contre les embûches et les tentations du démon et du monde égoïste, si nous sommes trop isolés. Le bombardement qui nous séduit est tel que, si nous sommes trop seuls, nous perdons facilement le sens de la réalité, la clairvoyance intérieure, et nous succombons. »
En ce sens, « la sanctification est un cheminement communautaire, à faire deux à deux ». Un chemin « soit en famille, en paroisse, en communauté religieuse ou en quelque autre communauté », qui est fait « de beaucoup de petits détails quotidiens », souligne le pape.
Et la communauté « préserve les petits détails de l’amour » : « les membres se protègent les uns les autres et créent un lieu ouvert et d’évangélisation ».
Je ne crois pas dans la sainteté sans prière
Enfin, dans un monde où règne « de nombreuses formes de fausse spiritualité sans rencontre avec Dieu », le pape invite à la « prière constante » : « La sainteté est faite d’une ouverture habituelle à la transcendance, qui s’exprime dans la prière et dans l’adoration. »
« Le saint est une personne dotée d’un esprit de prière, qui a besoin de communiquer avec Dieu, poursuit-il. C’est quelqu’un qui ne supporte pas d’être asphyxié dans l’immanence close de ce monde, et au milieu de ses efforts et de ses engagements, il soupire vers Dieu, il sort de lui-même dans la louange et élargit ses limites dans la contemplation du Seigneur. »
« Je ne crois pas dans la sainteté sans prière, insiste le pape, bien qu’il ne s’agisse pas nécessairement de longs moments ou de sentiments intenses. » Le chrétien a besoin de « quelques moments uniquement pour Dieu, dans la solitude avec lui ».

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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