Le card. Parolin préside la messe de la fête de sainte Teresa de Calcutta, capture CTV

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Assise 1986 a ouvert une voie, par le card. Parolin

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Trente ans après, il souligne que les religions ont « une responsabilité décisive dans la coexistence »

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« Assise 1986 a ouvert une voie où toutes les religions doivent laisser tomber toute tentation fondamentaliste et entrer dans un espace de dialogue », affirme le cardinal secrétaire d’Etat Pietro Parolin, dans L’Osservatore Romano du 14 septembre 2016. Trente ans après la rencontre interreligieuse pour la paix initiée par Jean-Paul II, il souligne que toutes les religions « ont une responsabilité décisive dans la coexistence ».
« Un fait sans précédents a percé le mur du pessimisme et de la résignation ». C’est en ces termes que le « numéro 2 » du Saint-Siège salue la rencontre d’Assise, quelques jours avant une nouvelle initiative de paix à laquelle participera le pape François le 20 septembre. Cet événement consiste à être « ensemble en prière, comme des chercheurs de paix », précise le cardinal Parolin : « Une prière sans mélanges syncrétistes, mais respectueuse des différences ».
A la base de l’initiative d’Assise, poursuit-il, il y a « la valeur de la paix », « inscrite dans les fondements de toutes les traditions religieuses ». « La religion a une énergie de paix qu’elle doit libérer et manifester », insiste le cardinal Parolin, invitant les croyants de toutes confessions à « l’audace » et au « courage ».
Face aux « individualismes irresponsables, tribalismes défensifs, nouveaux fondamentalismes, terrorisme », si « les religions n’ont pas la force politique pour imposer la paix », constate le secrétaire d’Etat, elles peuvent cependant transformer « intérieurement l’homme, en l’invitant à se détacher du mal ».
AK
Nous publions ici notre traduction intégrale de la tribune du cardinal Pietro Parolin, avec l’aimable autorisation de L’Osservatore Romano.
Vers la rencontre d’Assise, par le cardinal Parolin
La responsabilité de la coexistence
Le 27 octobre 1986, un fait sans précédents a percé le mur du pessimisme et de la résignation dans un monde encore divisé par le rideau de fer et où la guerre, bien que froide en de nombreuses situations, était considérée comme une compagne inévitable de la vie des hommes. Convoquant les responsables des grandes religions à Assise pour prier pour la paix, Jean-Paul II assuma la responsabilité d’ouvrir une voie où les religions s’engageaient, avec un plus grand élan et une nouvelle force, sur ce grand thème. Cette journée historique et l’esprit qui en a jailli parlent non seulement de paix mais aussi d’unité du genre humain, comme l’avait déjà anticipé le concile Vatican II : « Peu à peu rassemblée, partout déjà plus consciente de son unité, elle doit entreprendre une œuvre qui ne peut être menée à bien que par la conversion renouvelée de tous à une paix véritable » (Gaudium et spes, n. 77). Autour de celle-ci, un dialogue fructueux s’est noué entre hommes de religion, trop habitués à vivre dans les frontières de leur monde, au risque d’être pris dans des identités nationalistes ou conflictuelles. Ce dialogue, dès lors, a continué de se répandre et a élargi ses frontières.
Malgré son extraordinaire nouveauté, Assise 1986 venait de loin : c’était le fruit d’une saison de dialogue. Un dialogue qui s’était développé au long d’un siècle, le vingtième siècle, plein d’espérances et en même temps, de souffrances effroyables. Dans ce siècle terrible qui, selon des estimations récentes, a compté 180 millions de morts par la guerre, quelque chose a rapproché les croyants. Dans la seconde moitié du vingtième siècle, des gens de religions différentes se sont parlé et se sont rencontrés comme jamais dans l’histoire. Cela s’est produit grâce entre autres à l’élan propulsif du concile Vatican II déjà nommé, quand la déclaration Nostra Aetate a posé le rapport entre le christianisme, le judaïsme, l’islam et les autres grandes religions sous l’auspice de l’Église pour « promouvoir l’unité et la charité entre les hommes et même entre les peuples », à une époque d’interdépendance accrue. La déclaration conciliaire exhortait les chrétiens « afin qu’avec prudence et charité, à travers le dialogue et la collaboration avec les fidèles d’autres religions, tout en témoignant de la foi et de la vie chrétienne, ils reconnaissent, conservent et fassent progresser les valeurs spirituelles, morales et socioculturelles qui les habitent ».
Assise 1986 est le fruit mûr de cette saison : les responsables religieux ensemble devant le monde, ensemble en prière, comme des chercheurs de paix. Il ne s’est pas agi d’un rite en plus, mais de la manifestation commune de la confiance dans les énergies spirituelles et dans l’extraordinaire force faible de la prière. Une prière sans mélanges syncrétistes, mais respectueuse des différences. Il est utile de relire les paroles de Jean-Paul II dans le discours conclusif sur la Place Saint-François : « Jamais peut-être comme maintenant, dans l’histoire de l’humanité, n’est devenu aussi évident pour tous le lien intrinsèque entre un comportement authentiquement religieux et le grand bien de la paix : la prière est déjà en soi une action mais cela ne nous dispense pas des actions au service de la paix ». Et il poursuivait : « Ensemble, nous avons rempli nos yeux de visions de paix : elles libèrent des énergies pour un nouveau langage de paix, pour de nouveaux gestes de paix, des gestes qui briseront les chaînes fatales des divisions héritées de l’histoire ou engendrées par les idéologies modernes. La paix attend ses artisans ».
Depuis ce mois d’octobre 1986, de nombreuses rencontres dans cet esprit ont eu lieu. À Assise avant tout, où sont retournés Jean-Paul II et Benoît XVI à différents moments pour prier pour la paix avec des représentants religieux. Mais aussi dans de nombreuses parties du monde. On peu ici rappeler, entre autres, les rencontres organisées par la communauté de Sant-Egidio, tous les ans depuis, dans une grande ville européenne. Ce sont des moments où se rencontrent des hommes et des femmes de religion, de culture et d’autres convictions, pour trouver les voies de la paix dans les sociétés et qui indiquent une recherche et une volonté « autres », par rapport à l’évolution historique de ces trente dernières années, qui a vu renaître avec une force accrue des processus identitaires d’opposition, des phénomènes terroristes dans diverses crises qui ont surtout touché le Moyen-Orient.
La valeur de la paix est inscrite dans les fondements de toutes les traditions religieuses. C’est ce qui est à la base de l’initiative d’Assise et qui aide à dépasser toutes les distances, parfois abyssales, entre des mondes différents.
Nous sommes à une époque où des gens de religions ou d’ethnies différentes vivent davantage ensemble. C’est l’expérience de l’Europe devant l’immigration, mais aussi d’une nouvelle communauté entre l’est et l’ouest, entre le nord et le sud. C’est aussi le défi du monde virtuel où l’on entre toujours plus en contact avec tout le monde : dans le virtuel, on vit de plus en plus ensemble et on est destiné à croiser celui qui est différent de soi. C’est enfin le défi d’un monde où l’on voit tout et où l’on voit toujours plus la richesse d’un petit nombre et la misère de beaucoup, comme nous le suggère souvent le pape François.
Coexister est la réalité de beaucoup de peuples, de beaucoup de religions, de beaucoup de groupes. Ce n’est pas toujours facile. Une coexistence avec trop de différences, des horizons trop larges comme ceux de la mondialisation, induisent des phénomènes préoccupants qui sont sous nos yeux : individualismes irresponsables, tribalismes défensifs, nouveaux fondamentalismes, terrorisme.
Assise 1986 a ouvert une voie où toutes les religions doivent laisser tomber toute tentation fondamentaliste et entrer dans un espace de dialogue qui est l’art patient de s’écouter, de se comprendre, de reconnaître le profil humain et spirituel de l’autre. Du sein des traditions religieuses, capables de dialogue, émerge l’art du vivre ensemble si nécessaire dans une société plurielle comme la nôtre. C’est l’art de la maturité des cultures, des personnalités, des groupes. C’est un engagement constant pour la paix aux niveaux local et global.
Les Écritures chrétiennes rappellent que Jésus « est notre paix ». Le magistère des papes du vingtième siècle leur fait écho, sur ce même thème, jusqu’à celui du pape François.
Les religions n’ont pas la force politique pour imposer la paix mais, en transformant intérieurement l’homme, en l’invitant à se détacher du mal, elles le guident vers une attitude de paix du cœur. La religion a une énergie de paix qu’elle doit libérer et manifester. Chaque religion a son chemin.
Mais toutes ont une responsabilité décisive dans la coexistence : leur dialogue tisse une trame pacifique, repousse les tentations de déchirer le tissu civil et d’instrumentaliser les différences religieuses à des fins politiques. Mais cela requiert de l’audace et de la foi de la part des hommes et des femmes de religion. Cela requiert du courage. Cela requiert d’abattre par la force morale, par la piété, par le dialogue, tous les murs de séparation qui se dressent dans le monde. La tâche des religions dans l’éducation à l’art du vivre ensemble est grande. Grande est aussi la tâche de ces mêmes religions dans le rappel que le destin de l’homme va au-delà de ses biens terrestres et qu’il s’inscrit dans un horizon universel, au sens où tous les hommes sont des créatures de Dieu.
Assise 1986 demeure, à trente ans de distance, l’image d’un avenir humain et pacifique dans un monde où l’on parle trop souvent de guerres de religions ou de civilisations. Assise reste aussi une indication quand le désarroi et le dépaysement deviennent plus forts à cause des conflits croissants et du terrorisme mondial.
S’il y a eu beaucoup de changement en bien depuis 1986, le chantier de la paix est encore ouvert dans de nombreuses parties du monde et les souffrances produites par la guerre ne sont pas encore finies.
© L’Osservatore Romano
© Traduction de Zenit, Constance Roques

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Constance Roques

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