Académie pontificale pour la vie, 3 mars 2016 © L'Osservatore Romano

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Académie pontificale pour la vie: discours du pape François (traduction complète)

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«La vertu est la plus haute expression de la liberté humaine»

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«La vertu est la plus haute expression de la liberté humaine», explique le pape François qui indique la pratique des vertus par celui qui promeut la vie comme condition de la fécondité de son action.
Le pape François a en effet reçu les membres de la XIIème assemblée plénière de l’Académie pontificale pour la vie, ce jeudi matin, 3 mars, dans la Salle Clémentine du Palais apostolique du Vatican. Cette assemblée, qui a pour thème «Les vertus dans l’éthique de la vie», s’achève samedi, 5 mars.
« Ce sont les vertus de celui qui agit pour la promotion de la vie qui sont l’ultime garantie que le bien sera réellement respecté », déclare le pape.
« Parler de vertu signifie, explique-t-il, affirmer que le choix du bien implique et engage toute la personne ; ce n’est pas une question de « cosmétique », un embellissement extérieur qui ne porterait pas de fruit : il s’agit de déraciner du cœur les désirs malhonnêtes et de chercher le bien avec sincérité. »
Il précise : « Dans le domaine de l’éthique de la vie, bien qu’elles soient nécessaires, les normes qui garantissent le respect des personnes ne suffisent pas, seules, à réaliser pleinement le bien de l’homme. »
C’est pourquoi le pape invite à «cultiver» les vertus, grâce à un « discernement continuel » et un « enracinement en Dieu, source de toutes les vertus ».
Voici notre traduction complète de ce discours prononcé en italien.
A.B.
Discours du pape François
Chers frères et sœurs,
Je vous souhaite la bienvenue à tous, vous qui êtes réunis pour l’Assemblée générale de l’Académie pontificale pour la vie. Je suis particulièrement heureux de rencontrer le cardinal Sgreccia, toujours debout… Merci ! Ces journées seront consacrées à l’étude des vertus dans l’éthique de la vie, un thème d’un intérêt académique, qui adresse un message important à la culture contemporaine : le bien que l’homme accomplit n’est pas le résultat de calculs ou de stratégies, ni même le produit d’une structure génétique ou de conditionnements sociaux, mais c’est le fruit d’un cœur bien disposé, du choix libre qui tend vers le vrai bien. La science et la technique ne suffisent pas : pour accomplir le bien, il faut la sagesse du cœur.
De différentes manières, l’Écriture sainte nous dit que les bonnes ou mauvaises intentions n’entrent pas dans l’homme de l’extérieur, mais qu’elles jaillissent de son « cœur ». « Du dedans, affirme Jésus, du cœur de l’homme » (Mc 7,21). Dans la Bible, le cœur est l’organe, non seulement des sentiments, mais aussi des facultés spirituelles, la raison et la volonté, il est le siège des décisions, de la façon de penser et d’agir. La sagesse des choix, ouverte au mouvement de l’Esprit-Saint, implique aussi le cœur. C’est de là que naissent les œuvres bonnes, mais aussi celles qui sont erronées, quand la vérité et les suggestions de l’Esprit sont repoussées. En somme, le cœur est la synthèse de l’humanité façonnée par les mains mêmes de Dieu (cf. Gn 2,7) et regardée par son Créateur avec une satisfaction unique (cf. Gn 1,31). Dieu reverse sa propre sagesse dans le cœur de l’homme.
À notre époque, certaines orientations culturelles ne reconnaissent plus l’empreinte de la sagesse divine dans les réalités créées, ni même dans l’homme. La nature humaine se trouve ainsi réduite à la seule matière, modelable selon n’importe quel dessein. Au contraire, notre humanité est unique et tellement précieuse aux yeux de Dieu ! C’est pourquoi la première nature à garder, afin qu’elle porte du fruit, est notre propre humanité. Nous devons lui donner l’air propre de la liberté et l’eau vivifiante de la vérité, la protéger des venins de l’égoïsme et du mensonge. Sur le terrain de notre humanité, pourra alors éclore une grande diversité de vertus.
La vertu est l’expression la plus authentique du bien que l’homme, avec l’aide de Dieu, est capable de réaliser. « Elle permet à la personne, non seulement d’accomplir des actes bons, mais de donner le meilleur d’elle-même » (Catéchisme de l’Église catholique, n.1803). La vertu n’est pas simplement une habitude, mais c’est l’attitude constamment renouvelée pour choisir le bien. La vertu n’est pas une émotion, ce n’est pas une compétence qui s’acquiert avec un cours de mise à jour, et encore moins un mécanisme biochimique, mais c’est l’expression la plus élevée de la liberté humaine. La vertu est le meilleur qu’offre le cœur de l’homme. Quand le cœur s’éloigne du bien et de la vérité contenue dans la Parole de Dieu, il court de nombreux dangers, il reste privé d’orientation et risque d’appeler bien le mal et mal le bien ; si les vertus se perdent, le péché entre plus facilement, et ensuite le vice. Celui qui s’engage sur cette pente glissante tombe dans l’erreur morale et il est oppressé par une angoisse existentielle croissante.
L’Écriture sainte nous présente la dynamique du cœur endurci : plus le cœur est incliné à l’égoïsme et au mal, plus il est difficile de changer. Jésus affirme : « Qui commet le péché est esclave du péché » (Jn 8,34). Quand le cœur se corrompt, les conséquences sont graves pour la vie sociale, comme le rappelle le prophète Jérémie. Je le cite : « Mais toi, tu n’as des yeux et un cœur que pour ton profit, pour verser le sang de l’innocent, et agir dans l’oppression et la brutalité » (22,17). Une telle condition ne peut changer ni en s’appuyant sur des théories, ni sous l’effet de réformes sociales ou politiques. Seule l’œuvre de l’Esprit-Saint peut réformer notre cœur, si nous collaborons : Dieu lui-même, en effet, a promis sa grâce efficace à ceux qui le cherchent et à ceux qui se convertissent « de tout leur cœur » (cf. Jl 2,12 ss.).
Aujourd’hui, nombreuses sont les institutions engagées dans le service de la vie, au titre de la recherche ou de l’aide ; elles encouragent non seulement de bonnes actions, mais aussi la passion pour le bien. Mais il y a aussi beaucoup de structures davantage préoccupées par l’intérêt économique que par le bien commun. Parler de vertu signifie affirmer que le choix du bien implique et engage toute la personne ; ce n’est pas une question de « cosmétique », un embellissement extérieur qui ne porterait pas de fruit : il s’agit de déraciner du cœur les désirs malhonnêtes et de chercher le bien avec sincérité.
Dans le domaine de l’éthique de la vie, bien qu’elles soient nécessaires, les normes qui garantissent le respect des personnes ne suffisent pas, seules, à réaliser pleinement le bien de l’homme. Ce sont les vertus de celui qui agit pour la promotion de la vie qui sont l’ultime garantie que le bien sera réellement respecté. Aujourd’hui, nous ne manquons pas de connaissances scientifiques et d’instruments techniques en mesure d’offrir un soutien à la vie humaine dans les situations où elle se montre faible. Bien agir ne consiste pas à appliquer correctement le savoir éthique, mais cela suppose un intérêt réel pour la personne fragile. Que les médecins et tous les acteurs du monde de la santé n’oublient jamais de conjuguer la science, la technique et l’humanité.
C’est pourquoi j’encourage les universités à considérer tout cela dans leurs programmes de formation, afin que les étudiants puissent faire mûrir ces dispositions du cœur et de l’esprit qui sont indispensables pour accueillir et soigner la vie humaine, selon la dignité qui lui appartient et quelles que soient les circonstances. J’invite aussi les directeurs des structures de santé et de recherche à faire en sorte que leur personnel considère aussi comme partie intégrante de leur service qualifié la dimension humaine. En tous cas, puissent ceux qui se consacrent à la défense et à la promotion de la vie en montrer toute la beauté. En effet, de même que « l’Église ne grandit pas par prosélytisme, mais ‘par attraction’ » (Exhort. apost. La joie de l’Évangile, 14), ainsi on ne défend et encourage la vie humaine que quand on en connaît et qu’on en montre la beauté.  En vivant une authentique compassion ainsi que les autres vertus, vous serez des témoins privilégiés de la miséricorde du Père de la vie.
La culture contemporaine conserve encore les prémisses pour affirmer que l’homme, quelles que soient ses conditions de vie, est une valeur à protéger ; toutefois, elle est souvent victime d’incertitudes morales qui ne lui permettent pas de défendre la vie de manière efficace. Ce n’est pas le hasard si, sous le nom de vertus, peuvent se cacher de « splendides vices ».
Pour cela, il est nécessaire non seulement que les vertus informent réellement la pensée et l’agir de l’homme, mais qu’elles soient cultivées à travers un discernement continuel et qu’elles soient enracinées en Dieu, source de toutes les vertus. Je voudrais redire ici quelque chose que j’ai affirmé plusieurs fois : nous devons être attentifs aux nouvelles colonisations idéologiques qui se glissent dans la pensée humaine, y compris chrétienne, sous l’apparence de vertus, de modernité, d’attitudes nouvelles, mais ce sont des colonisations c’est-à-dire qu’elles privent de la liberté, et elles sont idéologiques en ce qu’elles ont peur de la réalité telle que Dieu l’a créée.
Demandons l’aide de l’Esprit-Saint, afin qu’il nous arrache à l’égoïsme et à l’ignorance : renouvelés par lui, nous pouvons penser et agir selon le cœur de Dieu et montrer sa miséricorde à ceux qui souffrent dans leur corps et dans leur esprit.
Je souhaite pour vous que les travaux de ces journées puissent être féconds et vous accompagner, ainsi que ceux que vous rencontrez dans votre service, sur ce chemin de croissance vertueuse. Je vous remercie et vous demande, s’il vous plaît, de ne pas oublier de prier pour moi. Merci !
© Traduction de Zenit, Constance Roques

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Constance Roques

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