Grave, triste, Audience générale du 24/01/2018 © Vatican Media

Audience générale du 24/01/2018 © Vatican Media

Abus sexuels : le pape rencontre des victimes plusieurs fois par mois

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La plus grande « désolation » actuelle dans l’Eglise

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Le pape François rencontre régulièrement des victimes d’abus sexuels commis par des membres du clergé, le vendredi, en privé. Le pape l’a dit lui-même aux jésuites du Pérou, le 19 janvier 2018, lors de son récent voyage dans le pays. Un mois plus tard, La Civiltà cattolica publie ce dialogue où le pape déplore « la plus grande des désolations que l’Église est en train de subir », une « honte ». « C’est horrible », s’attriste-t-il en évoquant également les jeunes congrégations « prospères » gagnées par des scandales d’abus.
Durant son échange à bâtons rompus avec les jésuites péruviens, à Lima, le pape a estimé que le scandale de la pédophilie « nous pousse à la honte », qui est « une grâce très ignacienne » : « Recevons-la comme une grâce et éprouvons une honte profonde. Nous devons aimer une Église avec des plaies. De nombreuses plaies. »
Le pape a raconté une anecdote personnelle sur cette « honte » qu’il a éprouvée en Argentine, un 24 mars – mémoire du coup d’Etat militaire de la dictature – alors qu’il était archevêque : après avoir confessé des carmélites, il a dû descendre de métro dans une zone plus loin pour éviter la Place de Mai, remplie de monde venu pour la commémoration. « Alors que j’étais sur le point de traverser la rue, il y avait un couple avec un enfant de deux ou trois ans, à peu près, et l’enfant courait devant. Le papa lui a dit : « Viens, viens, viens ici… Fais attention aux pédophiles ! » Quelle honte j’ai éprouvée ! Quelle honte ! Ils ne se sont pas rendu compte que j’étais l’archevêque, j’étais un prêtre, et… quelle honte ! »
Le pape a aussi évoqué la dialectique des « prix de consolation » qui fait valoir que selon les statistiques, 70% des pédophiles se trouvent dans l’environnement familial des victimes et que le pourcentage des prêtres pédophiles est de moins de 2% : « Mais c’est terrible, même si ce n’était qu’un seul de nos frères ! Car Dieu l’a oint pour sanctifier les enfants et les adultes, et lui, au lieu de les sanctifier, il les a détruits. C’est horrible ! »
Le pape a exhorté à écouter ce qu’éprouve quelqu’un qui a été abusé. Et de confier : « Le vendredi — parfois, cela se sait, et d’autres fois, non —, je rencontre habituellement certains d’entre eux. Au Chili, j’ai également fait cette rencontre. Comme leur procès est très dur, ils demeurent anéantis. Anéantis ! »
Le directeur du Bureau de presse du Saint-Siège a précisé, dans une déclaration publiée le 15 février, que le pape reçoit « plusieurs fois par mois » des victimes, individuellement ou en groupe. Il les « écoute », a indiqué Greg Burke, et il « cherche à les aider à soigner les graves blessures causées par les abus subis ». Les rencontres ont lieu « dans la plus grande confidentialité, dans le respect des victimes et de leurs souffrances ».
Hypocrisie et mentalité liée au pouvoir
« Pour l’Eglise, a poursuivi le pape devant les jésuites du Pérou, c’est une grande humiliation » qui montre « notre fragilité », mais aussi « notre niveau d’hypocrisie ». Il a souligné trois types d’abus liés entre eux : « l’abus d’autorité — avec ce que signifie mélanger le for intérieur et le for extérieur —, l’abus sexuel, et les imbroglios économiques ».
Il est « singulier », a fait observer le pape, de constater que des Congrégations relativement nouvelles sont tombées dans ces abus : « Le pape Benoît a dû dissoudre une congrégation masculine qui regroupait de nombreux membres. Son fondateur… abusait de religieux jeunes et immatures ». Cela est « curieux », a-t-il ajouté : « Le phénomène de l’abus a touché certaines Congrégations récentes, prospères. Dans ces congrégations, l’abus est toujours le fruit d’une mentalité liée au pouvoir, dont les racines malignes doivent être soignées. »
Le pape a insisté sur ce point : « Il y a toujours de l’argent au milieu : le diable entre par le portefeuille. Ignace place justement le premier degré des tentations du démon dans la richesse… puis viennent la vanité et l’orgueil, mais en premier, il y a la richesse. Au sein des nouvelles congrégations qui sont tombées dans ce travers des abus, les trois niveaux se retrouvent souvent mêlés. »

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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