« La protection des enfants et le soutien apporté aux survivants et à leurs familles doivent être une priorité dans tous les aspects de la vie de l’Église », déclare le cardinal Sean O’Malley, archevêque de Boston et président de la Commission pontificale pour la protection des mineurs, à propos du film de Tom McCarthy Spotlight, qui a remporté, dimanche 28 février, à Los Angeles, l’Oscar du meilleur film.
Deux priorités
« Spotlight, dit-il, est un film important pour toutes les personnes qui ont été touchées par la tragédie des abus sexuels par des prêtres. En fournissant un rapport détaillé sur l’histoire de la crise des abus sexuels par des prêtres, les médias ont poussé l’Église à reconnaître les crimes et les péchés de son personnel et à commencer à remédier à ses erreurs, au mal fait aux victimes et à leurs familles, et aux besoins des survivants. Dans une démocratie telle que la nôtre, le journalisme est essentiel à notre mode de vie. En révélant la crise des abus sexuels, le rôle des médias a été d’ouvrir une porte par laquelle l’Église a dû passer pour répondre aux besoins des survivants », explique le cardinal franciscain.
Il affirme les priorités de l’Eglise : « La protection des enfants et le soutien apporté aux survivants et à leurs familles doivent être une priorité dans tous les aspects de la vie de l’Église. »
Aller voir le film
Il explique le travail de la Commission dont le pape lui a confié la présidence : « Nous sommes engagés dans une mise en œuvre vigilante de politiques et de procédures pour empêcher que se renouvelle la tragédie des abus d’enfants. Celles-ci comportent des programmes complets d’éducation à la sécurité des enfants, des vérifications obligatoires des antécédents et une formation pour assurer un environnement sûr, ainsi que des rapports et une coopération obligatoires avec les autorités civiles concernant les allégations de mauvais traitements et le souci des survivants et de leurs familles à travers le Bureau de soutien pastoral et de sensibilisation. »
Il est arrivé en 2003 à la tête d’un diocèse ébranlé par des scandales que le film raconte et aujourd’hui mobilisé en faveur des victimes: « L’archidiocèse fournit régulièrement des conseils et des services médicaux pour les survivants et les membres des familles qui demandent notre aide et nous restons fermes dans cet engagement. Nous continuons de rechercher le pardon de tous ceux qui ont été blessés par la tragédie des abus sexuels par des prêtres et nous prions tous les jours le Seigneur de nous guider sur le chemin de la guérison et du renouveau. »
Le jésuite Hans Zollner, membre de cette Commission, interrogé par Radio Vatican, salue aussi le travail de Joseph Ratzinger et de Mgr Charles Scicluna, et il souhaite que tous, y compris les évêques, voient ce film qu’il dit avoir beaucoup apprécié pour le “message qu’il transmet clairement”.
L’hommage de L’Osservatore Romano
Spotlight a été salué par L’Osservatore Romano en italien des 29 février-1er mars 2016 comme n’étant pas un « film anticatholique », « parce qu’il réussit à donner la parole à la consternation et à la douleur profonde des fidèles devant la découverte de ces réalités horribles», écrit Lucetta Scarafia.
Et si elle fait observer que le récit ne fait pas de place à la « lutte longue et tenace » que le cardinal Joseph Ratzinger-Benoît XVI a menée contre la pédophilie dans l’Eglise – le pape François a rendu hommage à son courage dans l’avion du Mexique, le 18 février dernier – , l’auteur reconnaît qu’un film ne peut pas « tout dire » et « les difficultés rencontrées par Joseph Ratzinger ne font que confirmer, dit-elle, la thèse du film: trop souvent, l’institution ecclésiastique n’a pas su réagir avec la détermination nécessaire face à ces crimes».
Dans cette même édition du quotidien du Vatican, Emilio Ranzato renchérit: « Ce n’est pas un film anti-catholique parce que le catholicisme en soi n’est pas abordé, même si le ton porte souvent à généraliser – mais les généralisations sont inévitables quand l’on doit raconter des histoires en seulement deux heures – mais c’est indiscutablement un film qui a le courage de dénoncer des cas qui doivent être condamnés sans aucune hésitation. »
Dans l’avion qui le ramenait du Mexique, le 18 février, le pape a évoqué des cas de réactions inadéquates aux cas de pédophilie, en disant: “Quand un cas de pédophilie est avéré, un évêque qui change le prêtre de paroisse est un inconscient et la meilleure chose qu’il puisse faire est de présenter sa renonciation. C’est clair ?”
Un cardinal courage
Il a rendu hommage au courage du préfet de la Doctrine de la foi, le cardinal Joseph Ratzinger en disant, à propos du cas de Marcial Maciel Degollado: “Je permets de rendre hommage à l’homme qui a lutté à un moment où il n’avait pas la force pour s’imposer, jusqu’à ce qu’il ait réussi à le faire : Ratzinger. Le cardinal Ratzinger – on peut l’applaudir ! – est un homme qui a eu toute la documentation. Quand il était préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, il a tout eu entre les mains, il a fait les enquêtes et il a avancé, avancé, avancé… mais il n’a pas pu aller plus loin dans l’exécution. Mais si vous vous souvenez, dix jours avant la mort de saint Jean-Paul II, ce Chemin de Croix du Vendredi saint, il a dit à toute l’Église qu’il fallait nettoyer les « saletés » de l’Église. Et lors de la Messe pour l’élection du pape – il n’est pas bête, il savait qu’il était un des candidats – il ne s’est pas préoccupé de dissimuler sa position, il a dit exactement la même chose. Cela veut dire qu’il a été l’homme courageux qui en a aidé beaucoup à ouvrir cette porte. C’est pourquoi je veux vous le rappeler, parce que parfois nous oublions tout le travail caché de ceux qui ont préparé les bases pour soulever le couvercle de la marmite.”
Il a aussi évoqué une nomination spéciale à la Doctrine de la foi: “Troisièmement, nous travaillons pas mal. Avec le cardinal secrétaire d’État, en parlant, et aussi avec le groupe des neuf cardinaux conseillers, après avoir écouté, j’ai décidé de nommer un troisième secrétaire à la Congrégation pour la doctrine de la foi, qui ne s’occupera que de ces cas, parce que la Congrégation ne peut pas y arriver avec tout ce qu’elle a à faire et donc c’est quelqu’un qui sait gérer cela.”
Un sacrifice diabolique
Il a constitué un “Tribunal d’appel”, présidé par Mgr Scicluna, “qui s’occupe des cas de seconde instance, quand il y a un recours ; la première instance, en effet, c’est la « feria quarta » (le quatrième jour de la semaine) qui l’examine – comme nous l’appelons, parce qu’elle se réunit le mercredi – de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Quand il y a un recours, on retourne à la première instance, et ce n’est pas juste. Par conséquent, le second recours, qui a déjà un profil légal, avec l’avocat de la défense. Mais il faut contrôler parce que nous sommes assez en retard dans les cas, parce que des cas se présentent”.
Il a souligné l’importance de la Commission qu’il a confiée au cardinal O’Malley: “Quatrièmement, une autre réalité qui travaille très bien est la Commission pour la protection des mineurs. Elle n’est pas strictement réservée aux cas de pédophilie, mais de protection des mineurs. J’ai rencontré six d’entre eux, dans cette instance, pendant une matinée entière – deux Allemands, deux Irlandais et deux Anglais, des hommes et des femmes, victimes d’abus. Et j’ai aussi rencontré des victimes à Philadelphie. Là-bas aussi, un matin, j’ai eu une rencontre avec les victimes. En somme, un travail se fait. Mais je remercie Dieu qu’on ait soulevé le couvercle de cette marmite et il faut le garder soulevé et en prendre conscience. Et enfin, je veux dire que c’est une monstruosité, parce qu’un prêtre est consacré pour porter un enfant à Dieu et là, il le « mange » dans un sacrifice diabolique, il le détruit”.
Avec une traduction de Constance Roques
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"Spotlight" n’est pas anticatholique
O’Malley, L’Osservatore Romano, Zollner, pape François: le message est clair