Capture CTV - Audience générale, place Saint-Pierre, 24 février 2016

Et le prophète Isaïe n’était pas communiste! (catéchèse du mercredi)

Catéchèse sur « Miséricorde et pouvoir »

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« Comme ce serait beau si les puissants exploiteurs d’aujourd’hui faisaient la même chose » que le roi Achab qui s’est rendu compte de son péché, a compris, s’est humilié et a demandé pardon, fait observer le pape François qui renvoie à l’enseignement du prophète Isaïe en commentant: « Et le prophète Isaïe n’était pas communiste! »
Le pape François a tenu audience générale, ce mercredi matin, 24 février, à 10h, Place Saint-Pierre où il a rencontré des groupes de pèlerins et de visiteurs venus d’Italie et du monde entier.
Dans sa catéchèse en italien, le pape a poursuivi ses enseignements sur la miséricorde dans la bible, sur le thème: « Miséricorde et pouvoir », à partir de l’épisode de la vigne de Nabot, dont s’empare le roi Achab de façon criminelle (1 R 21,1b-4a) avant de s’en repentir.
« Dieu voit ce crime et il frappe au cœur d’Achab et le roi, mis devant son péché, comprend, s’humilie et demande pardon. Comme ce serait beau si les puissants exploiteurs d’aujourd’hui faisaient la même chose ! Le Seigneur accepte son repentir ; toutefois, un innocent a été tué et la faute commise aura des conséquences inévitables. En effet, le mal accompli laisse des traces douloureuses et l’histoire des hommes en porte les blessures », a commenté le pape François.
Il a exhorté à la confiance dans la miséricorde divine: « La miséricorde montre aussi, dans ce cas, la voie maîtresse qu’il faut suivre. La miséricorde peut guérir les blessures et peut changer l’histoire. Ouvre ton cœur à la miséricorde ! La miséricorde divine est plus forte que le péché des hommes. Elle est plus forte. C’est l’exemple d’Achab. »
Après avoir résumé sa catéchèse en différentes langues, le pape François a adressé des salutations spéciales à certains groupes. L’audience s’est conclue par le chant du Notre Père et la bénédiction apostolique.
Voici notre traduction intégrale de l’allocution du pape François.
A.B.
Catéchèse du pape François en italien
Chers frères et sœurs, bonjour !
Nous poursuivons les catéchèses sur la miséricorde dans l’Écriture Sainte. Dans différents passages, il est question des puissants, des rois, des hommes qui sont « en haut » et aussi de leur arrogance et de leurs abus. La richesse et le pouvoir sont des réalités qui peuvent être bonnes et utiles au bien commun, si elles sont mises au service des pauvres et de tous, dans la justice et la charité. Mais quand, comme cela se produit trop souvent, elles sont vécues comme un privilège, avec égoïsme et toute-puissance, elles se transforment en instruments de corruption et de mort. C’est ce qui se produit dans l’épisode de la vigne de Nabot, décrit dans le premier livre des Rois, au chapitre 21, sur lequel nous nous arrêtons aujourd’hui.
Ce texte raconte que le roi d’Israël, Achab, veut acheter la vigne d’un homme appelé Nabot, parce que cette vigne est située à côté du palais royal. L’intention semble légitime, et même généreuse, mais en Israël, les propriétés terriennes étaient considérées comme quasiment inaliénables. En effet, le livre du Lévitique prescrit ceci : « La terre ne sera pas vendue sans retour, car la terre est à moi et vous n’êtes pour moi que des immigrés, des hôtes » (Lv 25,23). La terre est sacrée, parce qu’elle est un don du Seigneur qui, en tant que tel, doit être gardé et conservé, comme signe de la bénédiction divine qui passe de génération en génération et comme garantie de dignité pour tous. On comprend alors la réponse négative de Nabot au roi : « Que le Seigneur me préserve de te céder l’héritage de mes pères ! » (1 R 21,3).
Le roi Achab réagit à ce refus avec amertume et dédain. Il se sent offensé – il est le roi, le puissant – diminué dans son autorité souveraine et frustré dans la possibilité de satisfaire son désir de possession. Le voyant ainsi abattu, sa femme Jézabel, une reine païenne qui avait augmenté les cultes idolâtriques et qui faisait tuer les prophètes du Seigneur (cf. 1 R 18,4), – elle n’était pas laide, elle était méchante ! – décida d’intervenir. Les paroles par lesquelles elle s’adresse au roi sont très significatives. Vous sentez la méchanceté qui est derrière cette femme : « Est-ce que tu es le roi d’Israël, oui ou non ? Lève-toi, mange, et retrouve ta bonne humeur : moi, je vais te donner la vigne de Nabot. » Elle met l’accent sur le prestige et sur le pouvoir du roi qui, selon sa manière de voir, est mis en cause par le refus de Nabot. Un pouvoir qu’elle considère, au contraire, comme absolu et par lequel tous les désirs du roi puissant deviennent un ordre. Le grand saint Ambroise a écrit un petit livre sur cet épisode. Il s’appelle Nabot. Cela nous fera du bien de le lire en ce temps de carême. C’est très beau, c’est très concret.
Se souvenant de ces choses, Jésus nous dit : « Vous le savez : les chefs des nations les commandent en maîtres, et les grands font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne devra pas en être ainsi : celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur » (Mt 20,25-27). Si l’on perd la dimension du service, le pouvoir se transforme en arrogance et devient domination et oppression. C’est précisément ce qui se passe dans l’épisode de la vigne de Nabot. Jézabel, la reine, décide sans scrupules d’éliminer Nabot et elle met en œuvre son plan. Elle se sert des apparences mensongères d’une légalité perverse : elle expédie, au nom du roi, des lettres aux anciens et aux notables de la ville ordonnant que de faux témoignages accusent publiquement Nabot d’avoir maudit Dieu et le roi, un crime passible de mort. Ainsi, une fois que Nabot est mort, le roi peut s’emparer de sa vigne. Et ce n’est pas une histoire d’une autre époque, c’est aussi une histoire d’aujourd’hui, des puissants qui, pour avoir plus d’argent, exploitent les pauvres, exploitent les gens. C’est l’histoire de la traite des personnes, du travail forcé, des pauvres gens qui travaillent au noir et avec le salaire minimum, pour enrichir les puissants. C’est l’histoire des politiciens corrompus qui veulent plus et plus et plus ! C’est pourquoi je disais que cela nous fera du bien de lire ce livre de saint Ambroise, sur Nabot, parce que c’est un livre d’actualité.
Voilà où mène l’exercice d’une autorité sans respect pour la vie, sans justice, sans miséricorde. Et voilà à quoi mène la soif du pouvoir : elle devient de la cupidité qui veut tout posséder. Un texte du prophète Isaïe est particulièrement éclairant à ce sujet. Le Seigneur y met en garde contre l’avidité les grands propriétaires qui veulent posséder toujours plus de maisons et de terrains. Et le prophète Isaïe dit : « Malheureux, vous qui ajoutez maison à maison, qui joignez champ à champ, jusqu’à occuper toute la place et habiter, seuls, au milieu du pays ! » (Is 5,8).
Et le prophète Isaïe n’était pas communiste ! Mais Dieu est plus grand que la méchanceté et que les jeux sales des êtres humains. Dans sa miséricorde, il envoie le prophète Elie pour aider Achab à se convertir. Maintenant, tournons la page et comme cela finit-il ? Dieu voit ce crime et il frappe au cœur d’Achab et le roi, mis devant son péché, comprend, s’humilie et demande pardon. Comme ce serait beau si les puissants exploiteurs d’aujourd’hui faisaient la même chose ! Le Seigneur accepte son repentir ; toutefois, un innocent a été tué et la faute commise aura des conséquences inévitables. En effet, le mal accompli laisse des traces douloureuses et l’histoire des hommes en porte les blessures.
La miséricorde montre aussi, dans ce cas, la voie maîtresse qu’il faut suivre. La miséricorde peut guérir les blessures et peut changer l’histoire. Ouvre ton cœur à la miséricorde ! La miséricorde divine est plus forte que le péché des hommes. Elle est plus forte. C’est l’exemple d’Achab.
Nous en connaissons le pouvoir, quand nous nous souvenons de la venue de l’Innocent Fils de Dieu qui s’est fait homme pour détruire le mal par son pardon. Jésus-Christ est le véritable roi, mais son pouvoir est complètement différent. Son trône est la croix. Lui n’est pas un roi qui tue, mais au contraire, il donne la vie. En allant vers tous, surtout les plus faibles, il détruit la solitude et le destin de mort où conduit le péché. Jésus-Christ, par sa proximité et sa tendresse, emmène les pécheurs dans l’espace de la grâce et du pardon. Et c’est cela, la miséricorde de Dieu.
© Traduction de Zenit, Constance Roques

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Constance Roques

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