Bilan des relations entre l’Union européenne et le Saint-Siège

Par l’ « ambassadeur » de l’U.E. près le Saint-Siège, Luis Miguel Leitão Ritto

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ROME, Mercredi 19 décembre 2007 (ZENIT.org) – Bien que leurs relations soient fondées sur le respect et l’estime réciproque, le Saint-Siège et l’Union européenne ont parfois des points de vue divergents, même s’ils ont aussi de nombreux objectifs communs.

Pour tenter de dresser un bilan des relations, ZENIT a interrogé Luis Miguel Leitão Ritto, à la tête de la délégation de la Commission des Communautés européennes près le Saint-Siège.

Luis Miguel Leitão Ritto, portugais, est en poste à Rome depuis 2004, comme représentant permanent des communautés européennes auprès de la F.A.O.

Zenit – A quand remontent les premières relations formelles entre la délégation de la Commission européenne et le Saint-Siège ?

L. M. Leitão – Les relations entre le Saint-Siège et la Communauté européenne ont commencé en 1970. Puis, avec le temps, ces relations se sont renforcées, se basant surtout sur le respect et la compréhension réciproques.

C’est en effet en 1970 que le Saint-Siège a nommé un Nonce apostolique à la Commission européenne. Au début, la Commission européenne gérait ses relations avec le Saint-Siège à partir de Bruxelles, pour limiter les dépenses mais en raison aussi de la relative proximité de Rome.

Puis en 2006, la Commission européenne a pris la décision de nommer un représentant sur place, afin que ces relations avec le Saint-Siège, qui s’était entre-temps renforcées, soient parfaitement réciproques et puissent être suivies de plus près.

C’est ainsi que le représentant de la Commission européenne auprès des Nations Unies à Rome a été choisi pour être le premier Ambassadeur de la commission européenne près le Saint-Siège. Et c’est donc le poste que j’occupe actuellement.

Zenit – Est-il vrai que les relations entre le Saint-Siège et l’Union Européenne n’ont pas toujours été bonnes, notamment quand s’est présenté par exemple le problème de la reconnaissance des racines chrétiennes dans le futur traité de l’Union ?

L. M. Leitão – Je ne suis pas d’accord. Les relations entre le Saint-Siège et l’Union Européenne ont toujours été bonnes comme on peut le voir au respect et à la compréhension qu’ils ont l’un pour l’autre. Certes, nous ne sommes pas d’accord sur tout, mais cela n’empêche en rien que le Saint-Siège et l’Union européenne entretiennent un dialogue cordial et productif sur tous les sujets d’intérêt commun.

En effet, nous apprécions beaucoup que le Saint-Siège n’ait jamais manqué de nous soutenir dans nos efforts pour construire une Europe basée sur la paix, la démocratie et les valeurs communes, sans guerres ni intolérance. Et nous sommes extrêmement reconnaissants aux papes, d’abord à Jean Paul II, et maintenant à Benoît XVI, pour le soutien qu’ils ont apporté à la construction de l’Europe d’aujourd’hui.

En revanche je suis d’accord sur le fait que l’on n’a pas accordé suffisamment d’importance aux racines chrétiennes dans le futur Traité de l’Europe, alors que cela avait été fortement demandé par le Saint-Siège et par les organisations chrétiennes.

Il faut remarquer toutefois que dans l’introduction, il est écrit que l’Union Européenne tire « son inspiration des héritages culturels, religieux et humanistes de l’Europe, à partir desquels se sont développées les valeurs universelles que constituent les droits inviolables et inaliénables de la personne humaine, ainsi que la liberté, la démocratie, l’égalité et l’état de droit ».

Cette déclaration est une déclaration forte, qui reconnaît, à juste titre, nos origines religieuses, culturelles et humanistes, et dont on doit tenir compte quand on analyse ce Traité, ce dernier prévoyant de façon explicite l’instauration d’un dialogue avec les Eglises et avec les organisations religieuses. Par ailleurs, dans ce Traité, la Charte des Droits fondamentaux de l’Union constitue une garantie de protection pour la liberté religieuse.

Zenit – Dans l’Union Européenne, la promotion de lois favorisant l’avortement, le divorce, les mariages homosexuels et des programmes de recherche sur cellules souches embryonnaires complique quelque peu les relations entre le Saint-Siège et la Commission européenne. Qu’en pensez-vous ?

L. M. Leitão – Ces questions relèvent de dossiers dont la responsabilité n’incombe pas à l’Union européenne. L’UE est constituée de pays démocratiques qui ont le droit d’émettre des lois qui soient conformes à leur Constitution et à la Charte des Droits fondamentaux et qui respecte le principe de non-discrimination.

Je peux vous garantir que les pays membres de l’UE suivent avec une grande attention la situation démographique de l’Europe et qu’ils prennent les mesures nécessaires la concernant. Il existe une volonté commune de créer une société qui soit davantage à la portée des familles. A ce propos, mises à part les incitations fiscales, ces mesures incluent des solutions qui privilégient la possibilité de concilier le travail et la famille en garantissant, par exemple, des droits à la mère qui travaille et en approuvant des normes qui prévoient des congés de maternité et de paternité.

Dans la ligne de ces principes, je voudrais souligner que l’UE et ses pays membres ont approuvé les décisions adoptées au Caire en 1994, lors de la Conférence internationale des Nations Unies sur la population et le développement (ICPD), les considérant comme partie intégrante de leur politique.

La Conférence mondiale sur la femme, qui a eu lieu en 1995 à Beijing, a reconnu que le « Consensus du Caire » était une avancée importante pour l’émancipation et l’acquisition des droits de la femme.

Le « Consensus du Caire » a été une victoire pour la dignité humaine, et il a finalement été admis qu’il y avait un lien étroit entre le développement d’un pays et la croissance de la population. Cet accord reconnaît en effet l’importance du contrôle des naissances par la femme, et la nécessité d’avoir un système de santé qui inclue la planification des naissances et la diminution de la mortalité infantile et maternelle.

Il est absolument faux de dire que les pays membres de l’UE « encouragent l’avortement et la fécondation artificielle »! Cette affirmation n’est pas correcte. Vous avez le droit, comme tout le monde, de critiquer la législation appliquée par les pays membres de l’UE, mais on doit reconnaître que cette législation vise sincèrement à aider les citoyens à affronter des situations difficiles.

En effet, l’UE aspire à une société juste qui se préoccupe de ses citoyens, et toutes ses lois ont été votées et adoptées après de longs et minutieux débats. Rappelez-vous aussi que tous les pays de l’UE sont liés non seulement à la démocratie, mais également au respect de la loi et des droits humains.

Zenit – Dans l’UE, un avortement a lieu toutes les 25 secondes et un divorce toutes les 30 secondes. Dans les pays où l’avortement a été libéralisé, sa pratique est en croissance constante : 140.000 par an pour l’Italie, 90.000 en Espagne et 400.000 en Grande-Bretagne. Dans les pays où l’avortement n’a pas été libéralisé, comme la Pologne, il n’y a eu que quelques dizaines d’avortements en 2005. Alors pourquoi l’UE pousse-t-elle la Pologne à libéraliser l’avortement ?

L. M. Leitão – Encore une fois, cette question n’entre pas dans les compétences de l’Union européenne. Quoiqu’il en soit, je pense avoir répondu à cette question dans ma réponse précédente. Cela dit, il est important de voir ce que l’UE a fait ces 50 dernières années dans le domaine social, humain et dans le domaine des droits de l’homme, en conformité avec la loi, mais aussi de considérer les efforts qu’elle a fait en mat
ière de protection à l’endroit (par exemple) des femmes, des enfants, des personnes âgées et autres groupes de personnes dites vulnérables.

L’UE n’est pas seulement la plus grande démocratie du monde (avec une population d’environ 500 millions d’individus), mais c’est aussi une Europe des valeurs. Nous sommes fiers de notre développement social et fiers de voir que l’UE évolue vers un haut niveau de civilisation reconnu dans le monde entier. Notre combat contre la peine de mort en est une preuve.

Zenit – Quels sont les domaines où la commission européenne et le Saint-Siège peuvent renforcer leur collaboration ?

L. M. Leitão – L’UE et le Saint-Siège partagent beaucoup de valeurs communes, surtout celles qui ont trait aux droits de l’homme et à la dignité de l’être humain. C’est donc là qu’ils pourraient renforcer leur coopération, en essayant surtout d’aider à promouvoir la démocratie, la tolérance et la paix dans le monde.

Par ailleurs, en utilisant leurs expériences passées, ils pourraient travailler ensemble dans le domaine de la réconciliation des peuples et promouvoir le respect mutuel, en tenant compte de la diversité des cultures et des religions, comme nous l’avons déjà fait dans l’Union Européenne.

Nous devons aider à bâtir un monde de tolérance où toutes les personnes, indépendamment de leurs croyances, langue et tradition, travaillent et vivent ensemble, dans l’harmonie et le respect. Autre endroit possible de collaboration, les forums internationaux, surtout au niveau des Nations Unies.

Tant l’UE que le Saint-Siège défendent le système multilatéral des Nations Unies et leur engagement à lutter contre la pauvreté, la maladie, la faim dans le monde, en donnant surtout la priorité à l’éducation et à la santé. Les pays membres des Nations Unies s’étaient engagés à éliminer la faim dans le monde d’ici l’an 2000. La date a ensuite été reportée à 2015.

Je voudrais en outre faire remarquer que la campagne du grand Jubilé de l’An 2000 visant à réduire la dette des pays pauvres, lancée par le Saint-Siège a ensuite été soutenue par l’UE qui, par des accords bilatéraux et multilatéraux, a gracieusement éliminé la dette accumulée ces six dernières années par les pays les plus pauvres.

Pour finir, j’ai le plaisir de vous informer que nous avons déjà un haut niveau de coopération avec la CARITAS, le CISDE et avec des ONG catholiques, ainsi qu’avec d’autres réseaux engagés dans des projets de développement.

Propos recueillis par Antonio Gaspari

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ZENIT Staff

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