ROME, Mercredi 12 janvier 2010 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de la catéchèse prononcée par le pape Benoît XVI, ce mercredi, au cours de l’audience générale, dans la salle Paul VI, au Vatican.
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Je voudrais vous parler aujourd’hui d’une autre sainte qui porte le nom de Catherine, après Catherine de Sienne et Catherine de Bologne ; je veux parler de Catherine de Gênes, connue surtout pour sa vision sur le purgatoire. Le texte qui décrit sa vie et sa pensée fut publié dans la ville ligure en 1551 ; il est divisé en trois parties : la Vie à proprement parler, la Démonstration et l’éclaircissement sur le purgatoire – plus connu sous le nom de Traité – et le Dialogue entre l’âme et le corps (cf. Livre de la Vie admirable et de la sainte doctrine, de la bienheureuse Catherine de Gênes, qui contient une démonstration et un éclaircissement utile et catholique du purgatoire, Gênes, 1551). Le rédacteur final fut le confesseur de Catherine, le père Cattaneo Marabotto.
Catherine naquit à Gênes, en 1447 ; dernière de cinq enfants, elle perdit son père, Giacomo Fieschi alors qu’elle était encore enfant. Sa mère, Francesca di Negro, lui inculqua une précieuse éducation chrétienne, au point que l’aînée des deux filles devint religieuse. A l’âge de seize ans, Catherine fut donnée en mariage à Giuliano Adorno, un homme qui, après diverses expériences commerciales et militaires au Moyen-Orient, était rentré à Gênes pour se marier. La vie matrimoniale ne fut pas facile, notamment en raison du caractère de son mari, qui s’adonnait aux jeux de hasard. Catherine elle-même fut poussée au début à conduire un type de vie mondaine, dans laquelle, toutefois, elle ne réussit pas à trouver la sérénité. Après dix ans, régnait dans son cœur un sens profond de vide et d’amertume.
Sa conversion commença le 20 mars 1473, grâce à une expérience particulière. S’étant rendue dans l’église de saint Benoît et au monastère de Notre-Dame des Grâces pour se confesser et s’étant agenouillée devant le prêtre, « elle reçut – comme elle l’écrit elle-même – une blessure au cœur d’un immense amour de Dieu », à travers une vision si claire de ses misères et de ses défauts et, dans le même temps, de la bonté de Dieu, qu’elle s’évanouit presque. Son cœur fut touché par cette connaissance d’elle-même, de la vie vide qu’elle conduisait et de la bonté de Dieu. De cette expérience découla la décision qui orienta toute sa vie, exprimée à travers les paroles : « Plus de monde, plus de péché » (cf. Vie admirable, 3rv). Catherine s’enfuit alors, laissant en suspens la confession. De retour chez elle, elle se réfugia dans la chambre la plus cachée et pleura longuement. A ce moment, elle fut instruite intérieurement sur la prière et prit connaissance de l’immense amour de Dieu pour elle, pécheresse, une expérience spirituelle qu’elle n’arrivait pas à exprimer par les paroles (cf. Vie admirable, 4r). C’est à cette occasion que lui apparut Jésus souffrant, chargé de la croix, comme il est souvent représenté dans l’iconographie de la sainte. Quelques jours plus tard, elle retourna chez le prêtre pour effectuer finalement une bonne confession. C’est là que commença sa « vie de purification » qui, pendant longtemps, lui fit éprouver une douleur constante pour les péchés commis et la poussa à s’imposer des pénitences et des sacrifices pour montrer à Dieu son amour.
Sur ce chemin, Catherine se rapprochait toujours plus du Seigneur, jusqu’à entrer dans ce qui est appelée une « vie unitive », c’est-à-dire un rapport d’union profonde avec Dieu. Dans la Vie, il est écrit que son âme était guidée et instruite intérieurement par le seul doux amour de Dieu, qui lui donnait tout ce dont elle avait besoin. Catherine s’abandonna de façon si totale entre les mains du Seigneur, qu’elle vécut, pendant environ vingt-cinq ans – comme elle l’écrit – « sans l’intervention d’aucune autre créature, instruite et gouvernée par Dieu seul » (Vie, 117r-118r), nourrie en particulier par la prière constante et par la communion reçue chaque jour, chose peu commune à son époque. Ce n’est que de nombreuses années plus tard que le Seigneur lui donna un prêtre pour prendre soin de son âme.
Catherine fut toujours réticente à confier et à manifester son expérience de communion mystique avec Dieu, en particulier en raison de la profonde humilité qu’elle éprouvait face aux grâces du Seigneur. Seule la perspective de lui rendre gloire et de pouvoir en faire bénéficier le chemin spirituel des autres la poussa à raconter ce qui se passait en elle, à partir du moment de sa conversion, qui est son expérience originelle et fondamentale. Le lieu de son ascension sur les cimes mystiques fut l’hôpital de Pammatone, le plus grand complexe hospitalier gênois, dont elle fut la directrice et l’animatrice. Catherine vit donc une existence totalement active, malgré cette profondeur de sa vie intérieure. A Pammatone, se forma autour d’elle un groupe de fidèles, de disciples et de collaborateurs, fascinés par sa vie de foi et par sa charité. Son mari lui-même, Giuliano Adorno, en fut conquis au point d’abandonner sa vie dissipée, de devenir tertiaire franciscain et de s’installer à l’hôpital pour apporter son aide à sa femme. L’engagement de Catherine dans le soin des malades se déroula jusqu’au terme de son chemin terrestre, le 15 septembre 1510. De sa conversion à sa mort, il ne se produisirent pas d’événements extraordinaires, mais deux éléments caractérisent toute son existence : d’une part l’expérience mystique, c’est-à-dire la profonde union avec Dieu, ressentie comme une union sponsale, et, de l’autre, l’assistance aux malades, l’organisation de l’hôpital, le service à son prochain, en particulier les plus démunis et abandonnés. Ces deux pôles – Dieu et son prochain – remplirent totalement sa vie, qui s’écoula pratiquement entre les murs de l’hôpital.
Chers amis, nous ne devons jamais oublier que plus nous aimons Dieu et sommes constants dans la prière, plus nous réussirons à aimer vraiment ceux qui nous entourent, qui sont proches de nous, car nous serons capables de voir dans chaque personne le visage du Seigneur, qui aime sans limites ni distinctions. La mystique ne crée par de distance avec l’autre, elle ne crée pas une vie abstraite, mais elle rapproche plutôt de l’autre, car on commence à voir et à agir avec les yeux, avec le cœur de Dieu.
La pensée de Catherine sur le purgatoire, pour laquelle elle est particulièrement connue, est condensée dans les deux dernières parties du livre cité au début : le Traité sur le purgatoire et le Dialogue entre l’âme et le corps. Il est important de noter que Catherine, dans son expérience mystique, n’a jamais de révélations spécifiques sur le purgatoire ou sur les âmes qui s’y purifient. Toutefois, dans les écrits inspirés par notre sainte, celui-ci est un élément central et la manière de le décrire possède des caractéristiques originales pour son époque. Le premier élément original concerne le « lieu » de la purification des âmes. A son époque, on le représentait principalement en utilisant des images liées à l’espace : on pensait à un certain espace, où se trouverait le purgatoire. Chez Catherine, en revanche, le purgatoire n’est pas présenté comme un élément du paysage des entrailles de la terre : c’est un feu non extérieur, mais intérieur. Tel est le purgatoire, un feu intérieur. La sainte parle du chemin de purification de l’âme vers la pleine communion avec Dieu, en partant de sa propre expérience de profonde douleur pour les péchés commis, face à l’amour infini de Dieu (cf. Vie admirable, 171v). Nous avons entendu parler du moment de la conversion, où Catherine ressent à l’improviste la bonté de Dieu, la distance infinie de sa propre vie de cette bonté e
t un feu brûlant à l’intérieur d’elle-même. Tel est le feu qui purifie, c’est le feu intérieur du purgatoire. Il y a là aussi un élément original par rapport à la pensée de son temps. En effet, elle ne part pas de l’au-delà pour raconter les tourments du purgatoire – comme c’était l’usage à l’époque et peut-être encore aujourd’hui – puis indiquer le chemin de la purification ou de la conversion, mais notre sainte part de la propre expérience intérieure de sa vie en chemin vers l’éternité. L’âme – dit Catherine – se présente à Dieu encore liée aux désirs et à la peine qui dérivent du péché, et cela l’empêche de jouir de la vision bienheureuse de Dieu. Catherine affirme que Dieu est si pur et si saint que l’âme avec les taches du péché ne peut se trouver en présence de la majesté divine (cf. Vie admirable, 177r). Et nous aussi nous sentons combien nous sommes distants, combien nous sommes emplis de tant de choses, qui ne nous laissent pas voir Dieu. L’âme est consciente de l’immense amour et de la parfaite justice de Dieu et, par conséquent, souffre de ne pas avoir répondu de manière correcte et parfaite à cet amour, et c’est précisément l’amour même pour Dieu qui devient flamme, l’amour lui-même la purifie de ses taches de péché.
On perçoit chez Catherine la présence de sources théologiques et mystiques auxquelles il était normal de puiser à son époque. On trouve en particulier une image typique de Denys l’Aréopagite, soit celle du fil d’or qui relie le cœur humain à Dieu lui-même. Quand Dieu a purifié l’homme, il le lie avec un très fin fil d’or qui est son amour, et il l’attire à lui avec une affection si forte, que l’homme est comme « dépassé et vaincu et tout hors de lui ». Ainsi le cœur de l’homme est-il envahi par l’amour de Dieu qui devient le seul guide, le seul moteur de son existence (cf. Vie admirable, 246rv). Cette situation d’élévation vers Dieu et d’abandon à sa volonté, exprimée dans l’image du fil, est utilisée par Catherine pour exprimer l’action de la lumière divine sur les âmes du purgatoire, lumière qui les purifie et les élève vers les splendeurs des rayons fulgurants de Dieu (cf. Vie admirable, 179r).
Chers amis, les saints, dans leur expérience d’union avec Dieu, atteignent un « savoir » si profond des mystères divins, étant imprégnés de leur amour et de leur connaissance, qu’ils sont une aide pour les théologiens eux-mêmes dans leur travail d’étude, d’intelligentia fidei, d’intelligentia des mystères de la foi, d’approfondissement réel des mystères, par exemple de ce qu’est le purgatoire.
Par sa vie, sainte Catherine nous enseigne que plus nous aimons Dieu et nous entrons en intimité avec Lui dans la prière, plus il se fait connaître et embrase notre cœur de son amour. En écrivant sur le purgatoire, la sainte nous rappelle une vérité fondamentale de la foi qui devient pour nous une invitation à prier pour les défunts afin qu’ils puissent parvenir à la vision bienheureuse de Dieu dans la communion des saints (cf. Catéchisme de l’Eglise catholique, n. 1032). Le service humble, fidèle et généreux, que la sainte prêta pendant toute sa vie dans l’hôpital de Pammatone est, par ailleurs, un lumineux exemple de charité pour tous et un encouragement en particulier pour les femmes qui apportent une contribution fondamentale à la société et à l’Eglise à travers leur œuvre précieuse, enrichie par leur sensibilité et par l’attention à l’égard des plus pauvres et des plus nécessiteux. Merci.
A l’issue de l’Audience générale le pape a résumé sa catéchèse en différentes langues et salué les pèlerins. Voici ce qu’il a dit en français :
Chers frères et sœurs, née en 1447, Catherine de Gênes fit une expérience de conversion étonnante. Mariée à 16 ans avec un homme qui s’adonnait aux jeux de hasard, et insatisfaite du type de vie mondain qui était le sien, elle éprouvait vide et amertume en son cœur. Se rendant un jour à l’église pour se confesser, elle reçut alors « une blessure au cœur d’un immense amour de Dieu » , qui lui montra à la fois ses misères et la bonté de Dieu. Immédiatement, elle décida de fuir le péché et le monde. Pendant 25 années, elle vécut, instruite intérieurement par le seul amour du Seigneur et nourrie par la prière constante et la communion quotidienne. Elle se dévoua au service des malades de l’hôpital de Pammatone qu’elle dirigea. Au cours de sa vie toute centrée sur Dieu et sur le prochain, Catherine reçut une connaissance particulière du purgatoire qu’elle décrit comme « un feu non extérieur mais intérieur » sur le chemin de la pleine communion avec Dieu. Devant l’amour de Dieu, l’âme fait une expérience de profonde douleur pour les péchés commis, alors qu’elle est liée par les désirs et la peine du péché qui la rendent incapable de jouir de la vision de Dieu. Il s’agit en effet, d’obtenir la sainteté nécessaire pour entrer dans la joie du ciel. Chers amis, les saints, dans leur expérience d’union à Dieu, atteignent un « savoir » si profond des mystères divins, qu’ils sont une aide pour tous et pour les théologiens dans la recherche de l’intelligence de la foi.
Je salue cordialement les pèlerins francophones présents à cette audience. Puissiez-vous, avec sainte Catherine de Gênes, découvrir que l’amour de Dieu est comme un fil d’or unissant notre cœur à Dieu Lui-même ! Avec ma Bénédiction apostolique.
© Copyright du texte original plurilingue : Libreria Editrice Vaticana
Traduction : Zenit