ROME, jeudi 27 septembre 2012 (ZENIT.org) – Trois des blogueurs les plus connus du Vietnam ont comparu devant le Tribunal populaire de Saigon le 24 septembre 2012, sous l’accusation de propagande antigouvernementale, annonce « Eglises d’Asie » (EDA), l’agence des missions étrangères de Paris.
Des peines très lourdes
Les sentences prononcées à l’issue de ce procès de quelques heures, ont été exceptionnellement lourdes, commente EDA.
Le premier accusé, le plus célèbre, Nguyên Van Hai, plus connu sous le nom de son blog « Diêu Cây » (‘la pipe du laboureur’), a été condamné à la peine la plus sévère : douze ans de prison ferme et cinq ans de résidence surveillée.
Taa Phong Tân, ancien officier de police, convertie au catholicisme et responsable d’un blog intitulé « Justice et vérité » écope de dix ans de prison et de cinq ans de résidence surveillée. Sa mère s’est récemment immolée par le feu pour protester contre cette détention.
Phan Thanh Hai, qui signe son blog du nom de « Anh Ba Saigon », le seul qui ait plaidé coupable, écope de quatre ans de prison et de trois ans de résidence surveillée.
Museler l’opposition
Ce procès avait été reporté à plusieurs reprises. EDA souligne qu’il coïncide avec la campagne lancée par le Premier ministre, quelques jours auparavant, visant à empêcher dissidents et opposants de faire entendre leur voix à travers ce type de médias, d’où la gravité des peines.
L’accès à la salle d’audience a été filtré et contrôlé. Les diplomates et les journalistes ont pu suivre les débats sur un écran de télévision dans une salle spéciale. Les autres personnes désireuses d’assister aux débats ont été arrêtées par des barrières dans les rues menant au tribunal. Les parents des accusés n’ont pas pu assister au procès. Pour la plupart, ils avaient été arrêtés ou assignés à résidence, très tôt dans la matinée.
Après avoir reçu une autorisation pour assister à l’audience, l’épouse de Diêu Cây a été convoquée par la police pour être interrogée le 24 septembre, et elle a été retenue au poste de police jusqu’à la fin du procès.
Les amis et les proches des trois accusés ont aussi été retenus par la police, comme le blogueur Huunh Công Thuận et quelques autres. Un groupe de dix catholiques, parmi lesquels deux religieux rédemptoristes, ont également été arrêtés alors qu’ils essayaient de se rendre au tribunal.
Les plaies de la société
L’AFP rapporte une déclaration de Diêu Cây à la fin de l’audience. Celui-ci affirme que ses critiques n’avaient jamais eu pour cible l’Etat lui-même, mais « l’injustice, la corruption, la dictature, qui ne représentaient pas l’Etat mais seulement quelques individus ». La transmission du son a été ensuite brusquement coupée. Selon ce même témoin, le juge a estimé que les trois blogueurs avaient « abusé de leur popularité sur Internet pour poster des articles qui noircissaient les dirigeants, sapaient et critiquaient le Parti ». Quant à l’avocat, il a déclaré à Radio Free Asia qu’il n’y avait pas eu de véritable confrontation entre l’accusation et la défense. Selon lui, les droits de cette dernière n’auraient pas été respectés.
Sur son blog, Diêu Cây s’exprimait sur tous les sujets « sensibles » de la société vietnamienne d’aujourd’hui : corruption, empiétements territoriaux de la Chine, confiscations de terre, affaire de la bauxite… Ces articles étaient attendus chaque jour par des milliers de lecteurs. Il a été arrêté une première fois le 19 avril 2008. Cinq mois plus tard, un tribunal populaire de Saigon l’a condamné à deux ans et demi de prison pour une soi-disant fraude fiscale : il fallait le faire taire. Cette détention a ensuite été prolongée jusqu’à ce 24 septembre. Il vient seulement d’être « jugé pour sa véritable activité, à savoir les textes parus sur son blog », commente EDA.
Sur leurs blogs, Anh Ba Saigon et Tạ Phong Tân traitaient de sujets analogues. Cette dernière avait soutenu avec vigueur les catholiques de la paroisse de Thai Ha lors de leur procès. « Son début de carrière dans la police la rendait plus dangereuse aux yeux de la censure officielle », commente l’agence.