Jésuites de Malte © laciviltacattolica.fr

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Jésuites: « La vocation et la joie de l’Eglise, c’est d’évangéliser »

Rencontre du pape François avec 38 jésuites maltais

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« Quelle est la vocation de l’Église ? », interroge le pape François. « Il ne s’agit pas de chiffres. Il s’agit d’évangéliser. La joie de l’Église est d’évangéliser. Le vrai problème n’est pas de savoir si nous sommes peu nombreux, en quantité, mais si l’Église évangélise ». C’est l’un des messages qu’il a laissés à ses confrères jésuites rencontrés début avril, sur l’île de Malte.

Au cours de son bref séjour à Malte (2-3 avril 2022), le pape François a rencontré 38 jésuites maltais dont le père Roberto Del Riccio, supérieur de la Province euro-méditerranéenne, qui comprend Malte, l’Italie, l’Albanie et la Roumanie. La rencontre, qui a duré une quarantaine de minutes, a eu lieu dans une salle de la Nonciature de Malte, dimanche 3 avril à 7h20.

Le p. Antonio Spadaro sj, directeur de la revue La Civiltà Cattolica, a publié, jeudi 14 avril 2022, le contenu de ce dialogue sur la page web de la revue des jésuites. L’église du futur et le chemin synodal, les vocations et la formation dans les séminaires, mais également les migrations et le changement climatique ont été les thèmes abordés.

Dans une ambiance « cordiale et fraternelle », le pape a salué une par une toutes les personnes présentes avant de s’asseoir, raconte le p. Antonio Spadaro sj. « François a commencé en disant : “Le seul souvenir que j’ai des jésuites maltais est celui de mes compagnons étudiants en philosophie. Ils étaient destinés au Chili. J’ai moi-même fait mon juniorat[1] au Chili. Puis, ils sont allés étudier à Buenos Aires. J’ai entendu le dernier membre de ce groupe au téléphone l’année dernière avant sa mort“ ».

L’Eglise du troisième millénaire

Interrogé sur « l’Eglise du futur », le pape François a aussitôt cité son prédécesseur sur le siège de Pierre : « Le pape Benoît a été un prophète de cette Église du futur » : « En tant qu’évêque, il avait dit : “préparons-nous à être une Église plus petite“. C’est l’une de ses intuitions les plus riches », a déclaré le pape. L’Eglise, estime-t-il « perdra de nombreux privilèges, sera plus humble et authentique, et trouvera l’énergie pour l’essentiel. Ce sera une Église plus spirituelle, plus pauvre et moins politique : une Église des petits ».

Le chemin synodal, a poursuivi le pape François, « est une étape supplémentaire. Nous apprenons à parler et à écrire “en synode“. C’est Paul VI qui a repris la démarche synodale, qui s’était perdue. Depuis, nous avons progressé dans la compréhension de ce qu’est le Synode. » Le pape a donné l’exemple du Synode des évêques de 2001, dont il était rapporteur : après que tous les avis ont été recueillis et approuvés par un vote, et mis en forme par le cardinal Bergoglio, le secrétaire du Synode a procédé à une « présélection des matériaux ». Et le pape de souligner : « Clairement, on n’avait pas compris ce qu’est un synode. Aujourd’hui, nous avons avancé, et il n’y a pas de retour en arrière possible. À la fin du dernier synode, dans l’enquête sur les sujets à aborder lors du prochain, les deux premiers étaient le sacerdoce et la synodalité. Il m’a semblé clair que nous voulions réfléchir à la théologie de la synodalité afin de faire un pas décisif vers une Église synodale. »

Dans ce processus de synodalité, « il y a des consolations et des désolations », reconnaît le pape : lors des premières sessions du Synode sur l’Amazonie, a-t-il expliqué, « la question des prêtres mariés a fait l’objet d’une grande attention. Puis, l’Esprit nous a fait prendre conscience que beaucoup d’autres choses manquaient : des catéchistes, des diacres permanents, le séminaire pour les aborigènes, des prêtres venant d’autres diocèses ou déplacés à l’intérieur du même diocèse. Tout cela a été vécu au milieu de consolations et de désolations. C’est la dynamique spirituelle du Synode. »

Le pape François a ensuite invité à ne pas « oublier ce joyau qu’est l’encyclique Evangelii nuntiandi de Paul VI ». « Quelle est la vocation de l’Église ? », a-t-il demandé : « Il ne s’agit pas de chiffres. Il s’agit d’évangéliser. La joie de l’Église est d’évangéliser. Le vrai problème n’est pas de savoir si nous sommes peu nombreux, en quantité, mais si l’Église évangélise. Lors des réunions avant le conclave, nous avons parlé du portrait du nouveau pape. C’est là, dans les congrégations générales, qu’a été utilisée l’image de l’Église en sortie. Dans l’Apocalypse, il est dit : “Je me tiens à la porte et je frappe“. Mais aujourd’hui, le Seigneur frappe de l’intérieur pour que nous puissions le laisser sortir. C’est ce qu’il faut aujourd’hui, la vocation de l’Église d’aujourd’hui. »

Vocations et formation dans les séminaires

Abordant la question de la baisse des vocations aujourd’hui, le pape a fait observer « qu’il y a moins de jeunes en Europe. Avant, il y avait trois ou quatre enfants par famille. Maintenant, souvent un seul. Les mariages diminuent, tandis que les gens pensent à croître dans leur profession. Je dirais aux mères de ces jeunes de trente-cinq ans qui vivent dans leur famille d’origine d’arrêter de repasser leurs chemises ! ».

Il a mis en garde contre le « risque de rechercher des vocations sans un discernement adéquat » : « Je me souviens qu’en 1994, il y a eu un synode sur la vie consacrée. Je suis venu en tant que délégué de l’Argentine. À cette époque, le scandale des novices aux Philippines avait éclaté : les congrégations religieuses s’y rendaient à la recherche de vocations à “importer“ en Europe. C’est terrible. L’Europe a vieilli. Nous devons nous y habituer, mais nous devons le faire de manière créative, afin d’adopter pour les vocations les qualités » nécessaires « en général pour l’Église : humilité, service, authenticité ».

François a souligné l’importance de l’exhortation apostolique Gaudete et exsultate : « J’aimerais que tous les novices la lisent », a-t-il déclaré. Quant aux séminaristes, il aimerait leur dire : « soyez des gens normaux, sans vous imaginer être de “grands apôtres“ ou des “dévots“. Soyez des garçons normaux, capables de prendre des décisions concernant votre vie sur la route. Et pour cela, vous avez aussi besoin de supérieurs normaux. »

« Je suis vraiment frappé par l’hypocrisie de certains supérieurs », a poursuivi le pape. « L’hypocrisie comme instrument de gouvernement est terrible. L’hypocrisie ne prend pas en charge votre agitation, votre problème, votre péché caché. Vous devez contribuer à éliminer toute hypocrisie qui ruine le chemin d’un jeune. (…) Qu’il n’y ait jamais d’hypocrisie dans la Compagnie ! Mieux vaut gronder que d’avoir des attitudes courtoises ! ».

« Dans la Compagnie, on ne peut pas accompagner un frère sans confiance et sans clarté. Si la personne ne fait pas confiance à ses supérieurs ou à la personne qui la guide, ce n’est pas bon du tout », a repris le pape François, avant de donner quelques conseils aux supérieurs : « Les supérieurs doivent faire naître la confiance. Et ensuite, ils doivent faire confiance à la « grâce d’État », afin que ce soit l’Esprit Saint qui leur donne les bons conseils. Et qu’ils étudient avec la sagesse que l’Église a accumulée au fil du temps. Mais ils ne doivent avoir peur de rien. Les jeunes ne doivent jamais être standardisés. Chacun d’entre eux est une espèce unique (…)  Et que les supérieurs s’habituent aussi à avoir un enfant terrible. Il faut être patient, les corriger, mais souvent ils sont vraiment bons. Nous ne sommes pas tous les mêmes : nous avons des cartes d’identité différentes. »

Migration et changement climatique

Interrogé sur le problème de la migration, le pape a réitéré sa position déjà bien connue : « c’est un problème européen », a-t-il déclaré. « Les pays ne sont pas d’accord. Je comprends que ce n’est pas facile pour l’Italie, Chypre, Malte, la Grèce et l’Espagne. Ce sont eux qui doivent les recevoir, car ils sont les premiers ports, mais ensuite l’Europe doit prendre les choses en main. En Europe, nous devons progresser en matière de droits humains pour éliminer la culture du rejet. Nous devons également éviter de donner une légitimité à la complicité des autorités compétentes, toujours, y compris lors des réunions et des rassemblements. »

Il a à nouveau conseillé la lecture d’un récit qui l’a visiblement marqué : « Je vous recommande un livre, Hermanito, c’est-à-dire “Petit frère“. Il est sorti il y a un an. C’est l’histoire d’un frère aîné qui quitte la Guinée à la recherche de son jeune frère. Il nous donne un aperçu de la traversée du désert, du trafic de migrants, de l’emprisonnement, de la torture, du voyage en mer… »

Interrogé également sur le lien entre l’évangélisation et le changement climatique, le pape François a encouragé à « travailler dans ce domaine » : « Ne pas prendre soin du climat est un péché contre le don de Dieu qu’est la création. Pour moi, c’est une forme de paganisme : c’est utiliser comme des idoles ce que le Seigneur nous a donné pour sa gloire et sa louange. Ne pas prendre soin de la création, pour moi, c’est l’idolâtrer, la réduire à une idole, la détacher du don de la création. En ce sens, prendre soin de la maison commune, c’est déjà “évangéliser“. Et c’est urgent. Si les choses continuent comme aujourd’hui, nos enfants ne pourront plus vivre sur notre planète ».

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[1] La période de formation, chez les Jésuites, qui suit immédiatement le noviciat.

 

 

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Hélène Ginabat

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