La politique enracinée dans le peuple, capture @ Centre for Theology & Community

La politique enracinée dans le peuple, capture @ Centre for Theology & Community

Pour une « politique enracinée dans le peuple », message du pape François (traduction complète)

Reconnaître la « spiritualité dans la vie des peuples », pour « régénérer la politique »

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« En reconnaissant l’importance de la spiritualité dans la vie des peuples, on régénère la politique », explique le pape François qui engage à promouvoir une « politique enracinée dans le peuple ».

Le pape François a adressé un message vidéo aux participants à la Conférence internationale sur le thème: « Une politique enracinée dans le peuple« , organisée jeudi 15 avril 2021 par le Centre pour la théologie et la communauté (Centre for Theology & Community).

« En reconnaissant l’importance de la spiritualité dans la vie des peuples, on régénère la politique. C’est pourquoi il est indispensable que les communautés de foi se rencontrent, fraternisent, travaillent «pour et avec le peuple» », déclare le pape qui répète souvent d’oeuvrer « avec le peuple », antidote au « paternalisme politique ».

Il indique aussi l’antidote au populisme: « La vraie réponse à la montée du populisme n’est pas précisément plus d’individualisme mais le contraire: une politique de fraternité, enracinée dans la vie du peuple. »

Le pape recommande aux diocèse de collaborer avec les mouvements populaires: comme dans son livre « Rêvons ensemble » [Let us dream], il émet le souhait que « tous les diocèses du monde aient une collaboration soutenue avec les mouvements populaires ».

Le terme « enraciné » revient plusieurs fois dans le message du pape: « Nous devons construire un avenir par en bas, à partir d’une politique avec le peuple, enracinée dans le peuple. »

C’est ce qu’il appelle « la politique avec une majuscule », qu’il définit comme « service » et service du peuple mais « avec » lui: « La politique en tant que service, qui ouvre de nouvelles voies pour que le peuple s’organise et s’exprime. C’est une politique non seulement pour le peuple mais avec le peuple, enracinée dans leurs communautés et dans leurs valeurs. »

Au contraire, le pape fait observer que « le mépris de la culture populaire est le début de l’abus de pouvoir » et qu’une politique « qui ignore les pauvres » ne pourra jamais « promouvoir le bien commun ».

Voici notre traduction, rapide, de travail, du message vidéo du pape François.

AB

Message du pape François

Chers frères et sœurs,

Je suis heureux de vous adresser mes salutations au début de cette conférence organisée par le
Centre pour la théologie et la communauté, à Londres, autour des thèmes abordés dans le livre Soñemos Juntos [Let us dream – Rêvons ensemble, ndlr], en particulier en ce qui concerne les mouvements populaires et les organisations qui les soutiennent.

Je salue en particulier la Campagne catholique pour le développement humain, qui célèbre ses 50 ans en aidant les communautés les plus pauvres des États-Unis à vivre plus dignement, en encourageant leur participation aux décisions qui les concernent.

D’autres organisations présentes ici, du Royaume-Uni, d’Allemagne et d’autres pays, travaillent également dans cette dimension, dont la mission est d’accompagner le peuple dans sa lutte pour une terre, un toit et un travail, les fameux trois «T», et de rester à leurs côtés lorsqu’ils se heurtent à des attitudes d’opposition et de mépris. La pauvreté et l’exclusion du marché du travail qui résultent de cette pandémie que nous vivons ont rendu votre travail et votre témoignage beaucoup plus urgents et plus nécessaires.

L’un des objectifs de votre réunion est de montrer que la vraie réponse à la montée du populisme n’est pas précisément plus d’individualisme mais le contraire: une politique de fraternité,
enraciné dans la vie du peuple. Dans son livre récent, le révérend Angus Ritchie décrit cette politique que vous faites en tant que «populisme inclusif»; j’aime utiliser le « popularisme » pour exprimer la même idée [1]. Mais ce qui importe, ce n’est pas le nom mais la vision, qui est la même: il s’agit trouver des mécanismes pour garantir à toutes les personnes une vie digne d’être qualifiée d’humaine, une vie capable de cultiver la vertu et de tisser de nouveaux liens [2].

Dans Rêvons ensemble, j’appelle cette politique «la politique avec une majuscule», la politique en tant que service, qui ouvre de nouvelles voies pour que le peuple s’organise et s’exprime. C’est une politique non seulement pour le peuple mais avec le peuple, enracinée dans ses communautés et dans ses valeurs. Au contraire, les populismes suivent plutôt comme inspiration, consciente ou inconsciente, une autre devise: «Tout pour le peuple, rien avec le peuple», du paternalisme politique. Par conséquent, le peuple, dans la vision populiste, n’est pas le protagoniste de son destin, mais finit par être débiteur d’une idéologie.

Lorsque le peuple est écarté, il est privé non seulement du bien-être matériel mais aussi de la dignité d’agir, d’être le protagoniste de son histoire, de son destin, de s’exprimer par ses valeurs et par sa culture, de sa créativité, de sa fécondité. Pour cette raison, pour l’Église, il est impossible de séparer la promotion de la justice sociale de la reconnaissance des valeurs et de la culture du peuple, y compris les valeurs spirituelles qui sont à la source du sens de sa dignité. Dans les communautés chrétiennes, ces valeurs naissent de la rencontre avec Jésus-Christ, qui recherche inlassablement qui est découragé ou perdu, qui voyagent jusqu’aux limites mêmes de l’existence, pour être le visage et la présence de Dieu, pour être « Dieu avec nous. »

Beaucoup d’entre vous réunis ici travaillent depuis des années à faire cela dans les périphéries et en accompagnant les mouvements populaires. Parfois, cela peut être inconfortable. Certains vous accusent d’être trop politiques, d’autres de vouloir imposer la religion. Mais vous percevez que respecter le peuple, c’est respecter ses institutions, y compris religieuses; et que le rôle de ces institutions n’est pas d’imposer quoi que ce soit mais de marcher avec le peuple, en lui rappelant le visage de Dieu qui nous devance toujours.

C’est pourquoi le vrai pasteur d’un peuple, un pasteur religieux, est celui qui ose marcher devant, au milieu et derrière le peuple. Devant, pour montrer un peu le chemin, au milieu pour sentir avec son peuple et ne pas se tromper, et derrière pour aider les retardataires et laisser le peuple avec son flair trouve aussi des chemins.

C’est pourquoi dans Rêvons ensemble je parle d’un souhait: que tous les diocèses du monde aient une collaboration soutenue avec les mouvements populaires [3].

Sortir à la rencontre du Christ blessé et ressuscité dans les communautés les plus pauvres nous permet de retrouver notre vigueur missionnaire, car c’est ainsi que l’Église est née, à la périphérie de la Croix. Si l’Église ignore les pauvres, elle cesse d’être l’Église de Jésus et elle revit les anciennes tentations de devenir une élite intellectuelle ou morale, une nouvelle forme de pélagianisme ou de vie essénienne.

De même, une politique qui ignore les pauvres ne pourra jamais promouvoir le bien commun. Une politique qui ignore les périphéries ne pourra jamais comprendre le centre et confondra l’avenir avec une projection à travers un miroir.

Une façon d’ignorer les pauvres c’est de déprécier leur culture, leurs valeurs spirituelles, leurs valeurs religieuses, soit en les rejetant, soit en les exploitant à des fins de pouvoir. Le mépris de la culture populaire est le début de l’abus de pouvoir.

En reconnaissant l’importance de la spiritualité dans la vie des peuples, on régénère la politique. C’est pourquoi il est indispensable que les communautés de foi se rencontrent, fraternisent, travaillent «pour et avec le peuple». Avec mon frère, le Grand imam Ahmed Al-Tayyeb, nous «assumons» la culture du dialogue comme chemin; la collaboration réciproque comme conduite; et la connaissance réciproque comme méthode et critère [5]. Toujours au service des pauvres.

Maintenant, plus que jamais, chers amis, nous devons construire un avenir par en bas, à partir d’une politique avec le peuple, enracinée dans le peuple. Et que votre conférence vous aide à éclairer le chemin. Merci beaucoup.

NOTES

[1] Cf. Populisme inclusif: créer des citoyens à l’ère du monde (Univ. Notre Dame Press, 2019).
[2] Cf. Soñemos juntos: El camino a un futuro mejor [Rêvons ensemble: la voie vers un avenir meilleur. Conversations avec Austen Ivereigh] (Simon & Schuster, 2020), p. 116.
[3] Cf. ibid., p. 126.
[4] Cf. ibid., p. 124.
[5] Cf. Document sur la fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune, Abou Dhabi (4 février 2019), cité dans Lettre enc. Fratelli tutti, b. 285.

 

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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