Jésus nous demande encore aujourd’hui : « Pour toi, qui suis-je ? »

Méditation du père Raniero Cantalamessa

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ROME, Vendredi 15 septembre 2006 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le commentaire de l’Evangile de ce dimanche, proposé par le père Raniero Cantalamessa OFM Cap, prédicateur de la Maison pontificale.

Evangile de Jésus Christ selon saint Marc 8, 27-35

Jésus s’en alla avec ses disciples vers les villages situés dans la région de Césarée-de-Philippe. Chemin faisant, il les interrogeait : « Pour les gens, qui suis-je ? » Ils répondirent : « Jean Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres, un des prophètes. » Il les interrogeait de nouveau : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Pierre prend la parole et répond : « Tu es le Messie. » Il leur défendit alors vivement de parler de lui à personne.
Et, pour la première fois, il leur enseigna qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les chefs des prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, trois jours après, il ressuscite.
Jésus disait cela ouvertement. Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches. Mais Jésus se retourna et, voyant ses disciples, il interpella vivement Pierre : « Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. »
Appelant la foule avec ses disciples, il leur dit : « Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix, et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie pour moi et pour l’Évangile la sauvera ».

© AELF

Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ?

Les trois évangiles synoptiques rapportent l’épisode de Césarée de Philippe où Jésus demande à ses apôtres ce que les gens disent de lui. L’élément commun aux trois évangiles est la réponse de Pierre : « Tu es le Christ ». Matthieu ajoute : « Le Fils du Dieu vivant » (Mt, 16, 16), qui pourrait cependant être une explication due à la foi de l’Eglise après Pâques.

Le titre de « Christ » est rapidement devenu un deuxième nom de Jésus, un peu comme nous disons Dante Alighieri, ou Jean Paul ou Pierre Louis. On le retrouve plus de 500 fois dans le Nouveau Testament presque toujours sous la forme composée de « Jésus Christ » ou de « Notre Seigneur Jésus Christ ». Mais ce n’était pas le cas au départ. Un verbe était sous-entendu entre Jésus et Christ : « Jésus est le Christ ». Dire « Christ » ne signifiait pas appeler Jésus par son nom mais faire une affirmation le concernant.

« Christ » – nous le savons – est la traduction grecque de l’hébreu Mashiah, Messie, et tous deux signifient « oint ». Le terme dérive du fait que dans l’Ancien Testament, les rois, les prophètes et les prêtres, au moment de leur élection, étaient consacrés par une onction avec de l’huile parfumée. La Bible parle de plus en plus clairement toutefois d’un Oint, ou Consacré spécial qui viendra dans les derniers temps pour réaliser les promesses de salut de Dieu à son peuple. Il s’agit du fameux messianisme biblique qui prend des tonalités diverses si le Messie est vu comme un futur roi (messianisme royal) ou comme le Fils de l’homme de Daniel (messianisme apocalyptique).

Toute la tradition primitive de l’Eglise proclame de façon unanime que Jésus de Nazareth est le Messie attendu. Lui-même, selon Marc, se proclamera tel devant le Sanhédrin. A la question du Grand Prêtre : « Es-tu le Messie, le Fils du Dieu béni ? » Jésus répond : « Je le suis » (Mc 14, 61ss).

La suite du dialogue de Jésus avec les disciples à Césarée de Philippe est d’autant plus déconcertante : « Il leur défendit alors vivement de parler de lui à personne ». Mais la raison de cela est claire. Jésus accepte d’être identifié avec le Messie attendu, mais pas avec l’idée que le judaïsme avait fini par se faire du Messie. Dans l’opinion de la majorité, il était considéré comme un chef politique et militaire qui aurait libéré Israël de la domination païenne et instauré le royaume de Dieu sur la terre, par la force.

Jésus doit corriger en profondeur cette idée, partagée par les apôtres eux-mêmes, avant de permettre que l’on parle de lui comme du Messie. C’est le but du discours qui vient immédiatement après : « il leur enseigna qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup… ». Les paroles sévères adressées à Pierre qui tente de l’arracher à de telles pensées : « Passe derrière moi, Satan », sont identiques à celles qui sont adressées au tentateur dans le désert. Dans les deux cas il s’agit en effet de la même tentative de le détourner du chemin que le Père lui a indiqué – celui du Serviteur de Yahvé souffrant – au profit d’un autre chemin, qui est selon les hommes et non selon Dieu.

Le salut viendra du sacrifice de soi, du don de la vie « en rançon pour une multitude », et non de la suppression de l’ennemi. L’on passe ainsi d’un salut temporel à un salut éternel ; d’un salut particulier destiné à un seul peuple, on passe à un salut universel.

Force est cependant de constater que l’erreur de Pierre s’est répétée tout au long de l’histoire. Certains hommes d’Eglise et même successeurs de Pierre, se sont comportés, à certaines époques, comme si le royaume de Dieu était de ce monde et devait s’affirmer avec la victoire (si nécessaire également celle des armes) sur l’ennemi, et non avec la souffrance et le martyre.

Toutes les paroles de l’Evangile sont actuelles, mais le dialogue de Césarée de Philippe l’est tout spécialement. La situation n’a pas changé. Les gens ont encore les opinions les plus diverses au sujet de Jésus : un prophète, un grand maître, une grande personnalité. Présenter Jésus est devenu une mode, dans les spectacles, les romans, à travers les moyens et les messages les plus étranges. Le Da Vinci Code n’est que le dernier épisode d’une longue série.

Dans l’Evangile, Jésus ne semble pas être surpris par les opinions des gens. Il ne s’attarde pas non plus à les démentir. Il ne fait que poser une question aux disciples, ce qu’il fait encore aujourd’hui : « Pour vous, ou plutôt pour toi, qui suis-je ? ». Il y a un saut à réaliser qui ne vient pas de la chair et du sang, mais qui est un don de Dieu à accueillir en se faisant dociles à une lumière intérieure qui naît de la foi. Chaque jour, des hommes et des femmes font ce saut. Ce sont parfois des personnes célèbres – acteurs, actrices, hommes et femmes de culture – qui font donc parler d’eux. Mais les croyants anonymes sont infiniment plus nombreux. Les non croyants peuvent prendre ces conversions pour de la faiblesse, des crises sentimentales ou une recherche de popularité, et il est possible que tel soit parfois le cas. Mais jeter le discrédit sur toute histoire de conversion serait manquer de respect pour la conscience des autres.

Une chose est certaine : ceux qui ont fait ce saut ne feraient marche arrière pour rien au monde. Ils sont même surpris d’avoir pu vivre aussi longtemps sans la lumière et la force qui proviennent de la foi dans le Christ. Comme saint Hilaire de Poitiers qui se convertit à l’âge adulte, ils sont prêts à s’exclamer : « Avant de te connaître, je n’existais pas ».

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ZENIT Staff

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