ROME, Dimanche 23 avril 2006 (ZENIT.org) – « C’est pourquoi, aujourd’hui, dans ce sanctuaire, je veux confier solennellement le monde à la Divine Miséricorde », disait Jean-Paul II au sanctuaire de la divine miséricorde de Lagiewnicki, près de Cracovie, qu’il a consacré le 17 août 2002, lors de son voyage en Pologne (16-18 août).
Benoît XVI y voit une « synthèse » de tout le pontificat de son prédécesseur.
Homélie de Jean-Paul II
« O inconcevable et insondable Miséricorde de Dieu, Qui peut t’adorer et t’exalter dignement? O attribut suprême de Dieu tout-puissant Tu es la douce espérance des pécheurs » (Journal, 951 – édit. it. 2001, p. 341).
Très chers frères et sœurs!
1. Je répète aujourd’hui ces paroles simples et sincères de sainte Faustyna, pour adorer avec elle et avec vous tous le mystère inconcevable et insondable de la miséricorde de Dieu. Comme elle, nous voulons professer qu’il n’existe pas pour l’homme d’autre source d’espérance en dehors de la miséricorde de Dieu. Nous désirons répéter avec foi: Jésus, j’ai confiance en Toi!
Nous avons particulièrement besoin de cette annonce, qui exprime la confiance dans l’amour tout-puissant de Dieu, à notre époque, où l’homme éprouve des sentiments d’égarement face aux multiples manifestations du mal. Il faut que l’invocation de la miséricorde de Dieu jaillisse du plus profond des cœurs emplis de souffrance, d’appréhension et d’incertitude, mais dans le même temps à la recherche d’une source infaillible d’espérance. C’est pourquoi nous venons aujourd’hui ici, au sanctuaire de Lagiewniki, pour redécouvrir dans le Christ le visage du Père: de Celui qui est « Père des miséricordes et Dieu de toute consolation » (2 Co 1, 3). Avec les yeux de l’âme, nous désirons contempler le regard de Jésus miséricordieux, pour trouver dans la profondeur de ce regard le reflet de sa vie, ainsi que la lumière de la grâce que, tant de fois déjà, nous avons reçue et que Dieu nous réserve pour tous les jours et pour le dernier jour.
2. Nous nous apprêtons à dédier ce nouveau temple à la Miséricorde de Dieu. Avant cet acte, je voudrais remercier de tout cœur ceux qui ont contribué à sa construction. Je remercie en particulier le Cardinal Franciszek Macharski, qui a tant œuvré pour cette initiative, manifestant sa dévotion pour la Divine Miséricorde. J’embrasse avec affection les Sœurs de la Bienheureuse Vierge Marie de la Miséricorde, et je les remercie pour leur œuvre de diffusion du message laissé par sainte Sœur Faustyna. Je salue les Cardinaux et les Evêques de Pologne, avec à leur tête le Cardinal-Primat, et les Evêques provenant de diverses parties du monde. Je me réjouis de la présence des prêtres diocésains et religieux, ainsi que des séminaristes.
Je salue de tout cœur les participants à cette célébration et, de façon particulière, les représentants de la fondation du Sanctuaire de la Divine Miséricorde qui est à l’origine de la construction, ainsi que les ouvriers des diverses entreprises. Je sais que de nombreuses personnes ici présentes ont apporté leur généreux soutien matériel à cette construction. Je prie afin que Dieu les récompense de leur magnanimité et de leurs efforts par sa Bénédiction.
3. Frères et Sœurs! Tandis que nous dédions cette nouvelle église, nous pouvons nous poser la question qui tenaillait le roi Salomon, alors qu’il consacrait comme maison de Dieu le temple de Jérusalem: « Mais Dieu habiterait-il vraiment avec les hommes sur la terre? Voici que les cieux et les cieux des cieux ne le peuvent contenir, moins encore cette maison que j’ai construite! » (1 R 8, 27). Oui, à première vue, lier des « espaces » déterminés à la présence de Dieu pourrait sembler inopportun. Toutefois, il faut rappeler que le temps et l’espace appartiennent entièrement à Dieu. Même si le temps et le monde entier peuvent être considérés comme son « temple », il existe toutefois des temps et des lieux que Dieu choisit afin qu’en eux, les hommes fassent l’expérience de façon particulière de sa présence et de sa grâce. Et les personnes, poussées par le sentiment de la foi, viennent en ces lieux, certaines de se trouver véritablement devant Dieu présent en eux.
C’est dans ce même esprit de foi que je suis venu à Lagiewniki, pour dédier ce nouveau temple, convaincu qu’il s’agit d’un lieu particulier choisi par Dieu pour déverser la grâce de sa miséricorde.
Je prie afin que cette église soit toujours un lieu d’annonce du message de l’amour miséricordieux de Dieu; un lieu de conversion et de pénitence; un lieu de célébration de l’Eucharistie, source de la miséricorde; un lieu de prière et d’imploration assidue de la miséricorde pour nous et pour le monde. Je prie avec les paroles de Salomon: « Sois attentif à la prière et à la supplication de ton serviteur, Yahvé, mon Dieu, écoute l’appel et la prière que ton serviteur fait aujourd’hui devant toi! Que tes yeux soient ouverts jour et nuit sur cette maison […] Ecoute la supplication de ton serviteur et de ton peuple Israël lorsqu’ils prieront en ce lieu. Toi, écoute du lieu où tu résides, au ciel, écoute et pardonne » (1 R 8, 28-30).
4. « Mais l’heure vient – et c’est maintenant – où les véritables adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité, car tels sont les adorateurs que cherche le Père » (Jn 4, 23). Lorsque nous lisons ces paroles du Seigneur Jésus dans le Sanctuaire de la Divine Miséricorde, nous nous rendons compte de façon tout à fait particulière que l’on ne peut pas se présenter ici sinon en esprit et en vérité. C’est l’Esprit Saint, Consolateur et Esprit de Vérité, qui nous conduit sur les voies de la Divine Miséricorde. En convaincant le monde « en fait de péché, en fait de justice, et en fait de jugement » (Jn 16, 8), il révèle dans le même temps la plénitude du salut dans le Christ. Cette œuvre de conviction en fait de péché advient dans une double relation à la Croix du Christ. D’un côté, l’Esprit Saint nous permet, à travers la Croix du Christ, de reconnaître le péché, chaque péché, dans toute la dimension du mal qu’il contient et cache en lui. De l’autre, l’Esprit Saint nous permet, toujours à travers la Croix du Christ, de voir le péché à la lumière du mysterium pietatis, c’est-à-dire de l’amour miséricordieux et indulgent de Dieu (cf. Dominum et vivificantem, n. 32).
Et ainsi, « convaincre le monde en fait de péché » devient dans le même temps connaître que le péché peut être éliminé et que l’homme peut de nouveau correspondre à la dignité de fils bien-aimé de Dieu. En effet, la Croix « est le moyen le plus profond pour la divinité de se pencher sur l’homme […]. La croix est comme un toucher de l’amour éternel sur les blessures les plus douloureuses de l’existence terrestre de l’homme » (Dives in misericordia, n. 8). Cette vérité sera toujours rappelée par la pierre angulaire de ce sanctuaire, prélevée sur le Calvaire, d’une certaine façon sous la Croix sur laquelle Jésus-Christ a vaincu le péché et la mort.
Je crois fermement que ce nouveau temple restera pour toujours un lieu où les personnes se présenteront devant Dieu en Esprit et vérité. Elles viendront avec la confiance qui accompagne tous ceux qui ouvrent humblement leur cœur à l’action miséricordieuse de Dieu, à l’amour que même le plus grand péché ne peut vaincre. Ici, dans le feu de l’amour divin, les cœurs brûleront du désir de conversion, et quiconque cherche l’espérance trouvera le réconfort.
5. « Père éternel, je t’offre le Corps et le Sang, l’Ame et la Divinité de ton Fils bien-aimé, Notre Seigneur Jésus-Christ, pour nos péchés et ceux du monde entier; pour sa Passion douloureuse, accorde-nous ta miséricorde, ainsi
qu’au monde entier » (Journal, 476 – éd. it. p. 193). A nous et au monde entier… Comme le monde d’aujourd’hui a besoin de la miséricorde de Dieu! Sur tous les continents, du plus profond de la souffrance humaine, semble s’élever l’invocation de la miséricorde. Là où dominent la haine et la soif de vengeance, là où la guerre sème la douleur et la mort des innocents, la grâce de la miséricorde est nécessaire pour apaiser les esprits et les cœurs, et faire jaillir la paix. Là où manque le respect pour la vie et pour la dignité de l’homme, l’amour miséricordieux de Dieu est nécessaire, car à sa lumière se manifeste la valeur inestimable de chaque être humain. La miséricorde est nécessaire pour faire en sorte que chaque injustice du monde trouve son terme dans la splendeur de la vérité.
C’est pourquoi, aujourd’hui, dans ce sanctuaire, je veux confier solennellement le monde à la Divine Miséricorde. Je le fais avec le désir que le message de l’amour miséricordieux de Dieu, proclamé ici à travers sainte Faustyna, atteigne tous les habitants de la terre et remplisse leur cœur d’espérance. Que ce message se diffuse de ce lieu dans toute notre Patrie bien-aimée et dans le monde. Que s’accomplisse la promesse solide du Seigneur Jésus; c’est d’ici que doit jaillir « l’étincelle qui préparera le monde à sa venue ultime » (cf. Journal, 1732 – éd. it. p. 568). Il faut allumer cette étincelle de la grâce de Dieu. Il faut transmettre au monde ce feu de la miséricorde.
Dans la miséricorde de Dieu, le monde trouvera la paix, et l’homme trouvera le bonheur! Je confie ce devoir, très chers frères et sœurs, à l’Eglise qui est à Cracovie et en Pologne, et à tous les fidèles de la Divine Miséricorde, qui viendront ici de Pologne et du monde entier. Soyez des témoins de la Miséricorde!
6. Dieu, Père miséricordieux, qui as révélé Ton amour dans ton Fils Jésus-Christ, et l’as répandu sur nous dans l’Esprit Saint Consolateur, nous Te confions aujourd’hui le destin du monde et de chaque homme. Penche-toi sur nos péchés, guéris notre faiblesse, vaincs tout mal, fais que tous les habitants de la terre fassent l’expérience de ta miséricorde, afin qu’en Toi, Dieu Un et Trine, ils trouvent toujours la source de l’espérance. Père éternel, pour la douloureuse Passion et la Résurrection de ton Fils, accorde-nous ta miséricorde, ainsi qu’au monde entier! Amen.
Au terme de la Messe, avant de donner la Bénédiction apostolique, le Pape Jean-Paul II a adressé aux fidèles les paroles de remerciement suivantes:
Au terme de cette liturgie solennelle, je voudrais dire qu’un grand nombre de mes souvenirs personnels sont liés à ce lieu. Je venais ici surtout au cours de l’occupation nazie, lorsque je travaillais à l’usine Solvay toute proche. Aujourd’hui encore, je me souviens de la rue qui conduisait de Borek Falecki à Debniki, que je parcourais tous les jours en allant travailler à divers horaires, avec mes sabots aux pieds. A cette époque, c’est ce que l’on portait. Comment aurait-on pu imaginer que ce jeune homme en sabots aurait un jour consacré la basilique de la Divine Miséricorde à Lagiewniki de Cracovie.
Je me réjouis de la construction de ce beau temple consacré à la Miséricorde Divine. Je confie au soin du Cardinal Macharski et à tout l’archidiocèse de Cracovie et aux Sœurs de la Madone de la Miséricorde la dimension matérielle, mais surtout spirituelle, de ce sanctuaire. Que cette collaboration dans l’œuvre de la diffusion du culte de Jésus miséricordieux apporte des fruits abondants dans le cœur des fidèles, en Pologne et dans le monde entier.
Que Dieu miséricordieux bénisse abondamment tous les pèlerins qui viennent et qui viendront ici à l’avenir.
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