Rassemblement Congrès de Tokyo 2016, Religions for Peace/UNAOC

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ONU/Religions pour la paix: protéger les minorités et les chrétiens persécutés

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Intervention de Mgr Ayuso Guixot à Tokyo (traduction complète)

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Le Vatican plaide à l’ONU pour la protection des minorités et des chrétiens persécutés au Moyen-Orient.
Mgr Angel Ayuso Guixot, religieux espagnol combonien est secrétaire du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux. Il a été missionnaire en Egypte et au Soudan et recteur de l’Institut pontifical pour les études de l’arabe et de l’islam (PISAI). Il est intervenu lors du sommet de l’Alliance des civilisations des Nations Unies (UNAOC) et de « Religions pour la paix », à Tokyo (Japon, 12-13 mai 2016), organisé en partenariat avec des responsables religieux du Moyen-Orient pour la protection des minorités dans les États majoritairement musulman.
Mgr Ayuso a cité le vœu du pape François que le monde soit « toujours plus attentif, sensible et partie prenante face aux persécutions contre les chrétiens et, plus généralement, les minorités religieuses » : « L’objectif de cette Consultation de haut niveau, devrait nous conduire tous à inviter au respect de tous, quelle que soit l’identité religieuse, à un engagement à soutenir les droits des citoyens des chrétiens au Moyen-Orient et à un engagement à travers le dialogue. »
Il a souligné différentes conditions pour la promotion de la liberté religieuse, de la justice sociale, la lutte contre la pauvreté, et pour favoriser le dialogue interreligieux et soutenir des « principes de base de conduite morale ».
A.B.
Discours de Mgr Angel Ayuso Guixot
Monsieur le Président,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
C’est pour moi un honneur d’être ici avec vous pour participer à cette Consultation internationale de haut niveau, afin de partager sur une question si importante qui, pour moi, en tant que catholique, est la pierre angulaire sur laquelle bâtir notre avenir au Moyen-Orient, comme dans le monde entier. Je veux parler de la « citoyenneté » !
Dans le cadre de ce groupe de chercheurs et de personnalités sélectionnées, j’espère que nos réflexions contribueront à faire avancer, en les dépassant, dans une société mondialisée, les concepts limités de majorité/minorité, protection, tolérance, etc.
Se référant à la situation des personnes déplacées au Moyen-Orient, le pape François a demandé que l’ « opinion publique mondiale [puisse] être quant à elle toujours plus attentive, sensible et compatissante face aux persécutions menées à l’encontre des chrétiens et, plus généralement, des minorités religieuses. ”… dans l’espoir que « la communauté internationale ne demeure pas muette et inerte face à un tel crime inacceptable, qui constitue une dérive préoccupante des droits de l’homme les plus essentiels et empêche la richesse de la coexistence entre les peuples, les cultures et les confessions. » (Pape François, Lettre adressée à Son Excellence Mgr Lahham, évêque auxiliaire de Jérusalem des Latins et vicaire patriarcal pour la Jordanie, sur la situation des réfugiés, 6 août 2015.)
Par conséquent, cette Consultation de haut niveau devrait soutenir les droits des citoyens et une coexistence pacifique comme quelque chose de particulièrement approprié. Dans le Message final du synode des évêques pour le Moyen-Orient, les pères synodaux ont affirmé que « nous sommes unis par la foi en un Dieu unique et par le commandement qui dit : fais le bien et évite le mal », que “ nous construirons nos sociétés civiles sur la citoyenneté, la liberté religieuse et la liberté de conscience ”, et qu’ « il est donc de notre devoir d’éduquer les croyants au dialogue interreligieux, à l’acceptation du pluralisme, au respect et à l’estime réciproques ». « Notre mission et notre vocation », ont-ils déclaré, est de “vivre ensemble, chrétiens et musulmans » (23 octobre, 2010).
« Les chrétiens portent une attention particulière aux droits fondamentaux de la personne humaine. Affirmer pour autant que ces droits ne sont que des droits chrétiens de l’homme, n’est pas juste. Ils sont simplement des droits exigés par la dignité de toute personne humaine et de tout citoyen quels que soient ses origines, ses convictions religieuses et ses choix politiques. » (L’Eglise au Moyen-Orient, n. 25).
Nous savons tous que, bien des fois, le pape François a souhaité donné une voix aux persécutions atroces, inhumaines et inexplicables de ceux qui, dans tant de parties du monde – et surtout parmi les chrétiens – sont les victimes du fanatisme et de l’intolérance, souvent sous les yeux et dans le silence du monde entier.
L’objectif de cette Consultation de haut niveau devrait nous conduire tous à inviter au respect de tous, quelle que soit l’identité religieuse, à un engagement à soutenir les droits des citoyens des chrétiens au Moyen-Orient et à un engagement à travers le dialogue. Ma participation à cette Consultation vient de ce que je suis convaincu que c’est une excellente initiative d’inviter toutes les parties impliquées une fois de plus à agir et à contribuer à promouvoir la citoyenneté et une véritable coexistence pour tous !
L’attention du monde entier est fixée sur le Moyen-Orient tandis que celui-ci essaie de chercher son chemin. « Puisse cette Région montrer que le vivre ensemble n’est pas une utopie et que la méfiance et le préjudice ne sont pas une fatalité. Les religions peuvent se mettre ensemble au service du bien commun et contribuer à l’épanouissement de chaque personne et à la construction de la société. » (L’Eglise au Moyen-Orient, n. 28) « La cohabitation pacifique entre les différentes communautés religieuses est un bien inestimable pour la paix et pour le développement harmonieux d’un peuple. C’est une valeur qui est gardée et qui s’accroît chaque jour par l’éducation au respect des différences et des identités spécifiques, ouvertes au dialogue et à la collaboration pour le bien de tous, et par l’exercice de la connaissance et de l’estime les uns des autres. C’est un don qui est toujours demandé au Seigneur dans la prière » (Pape François, Discours aux Autorités civiles, Palais présidentiel, Tirana, 21 septembre 2014).
Autres points de réflexion
En construisant un monde plus fraternel, nous sommes appelés à promouvoir la justice sociale. La soif et la recherche de la justice sont communes à tous les êtres humains qui essaient de construire une société plus humaine. Cependant, pour nous en tant que croyants, il y a un terrain commun plus élevé sur lequel construire. Malheureusement, le rôle de la religion dans la société moderne est souvent mal compris, déprécié et même critiqué comme source des problèmes et des conflits qui rendent la société moderne malade.
Dans son discours aux représentants de la société britannique, diplomates, hommes politiques, universitaires et chefs d’entreprise, à Westminster Hall, lors de sa visite en Grande-Bretagne en 2010, le pape Benoît XVI a noté que « les formes déformées de la religion, comme le sectarisme et le fondamentalisme » peuvent créer des problèmes sociaux. La religion, bien comprise et bien appréciée, selon le pape Benoît, a un rôle important à jouer dans le débat politique qui est « d’aider à purifier en faisant la lumière sur l’application de la raison à la découverte de principes moraux objectifs ».
Par conséquent, concluait le pape Benoît, « la religion… n’est pas un problème… mais une contribution vitale à la conversation nationale ». La liberté religieuse est au cœur du projet social et est nécessaire pour la justice sociale. La liberté religieuse est donc la base fondamentale pour toutes les autres libertés. Comme l’a affirmé le pape Benoît XVI dans son Message pour la célébration de la Journée mondiale de la paix, le 1er janvier 2011, « Nier ou limiter de manière arbitraire cette liberté signifie cultiver une vision réductrice de la personne humaine ; mettre dans l’ombre le rôle public de la religion signifie engendrer une société injuste, puisque celle-ci n’est pas en harmonie avec la vraie nature de la personne humaine ; cela signifie rendre impossible l’affirmation d’une paix authentique et durable de toute la famille humaine. »
S’adressant aux responsables politiques et religieux et aux représentants du monde de la culture, le 15 septembre 2012 à Beyrouth, le pape Benoît XVI a souligné l’importance de la liberté religieuse qui « a une dimension sociale et politique indispensable pour la paix ! ». En fait, les chrétiens et musulmans sont appelés à promouvoir une culture de paix. . « En tant que personnes religieuses, il nous revient à tous d’être avant tout des éducateurs de la paix, des droits de l’homme, d’une liberté respectueuse de chacun, mais aussi d’une vie sociale toujours plus forte, car l’homme doit prendre soin de ses frères et sœurs en humanité, sans discrimination aucune. […] Tous ensemble, membres de traditions religieuses différentes, nous sommes appelés à diffuser un enseignement qui honore toute créature humaine, un message d’amour entre les personnes et entre les peuples. Il nous revient en particulier de former dans cet esprit les jeunes générations qui auront en charge le monde de demain. » (Message PCID Ramadan 2007, n. 3).
Affronter les préoccupations sociales devrait nous conduire à coopérer dans certains domaines particuliers comme, par exemple, la situation financière mondiale et la pauvreté qui se répand dans le monde. En fait, les nations riches ont une grave responsabilité morale envers celles qui sont incapables d’assurer les moyens de leur développement par elles-mêmes ou qui en ont été empêchées par des événements historiques tragiques. C’est un devoir de solidarité et de charité ; c’est aussi une obligation de justice parce que la prospérité des nations riches vient de ressources qui n’ont pas été payées de manière équitable (cf. Catéchisme de l’Église catholique, n. 2439).
Aujourd’hui, notre société mondiale multiplie les occasions d’échange à travers le dialogue interreligieux dont le monde a besoin. En effet, nous avons un besoin urgent que nous, en tant que croyants, donnions un témoignage du « transcendant » dans un monde de plus en plus sécularisé. En particulier, « en tant qu’hommes et femmes de religion, nous sommes placés face au défi de l’aspiration, largement répandue, à la justice, au développement, à la solidarité, à la liberté, à la sécurité, à la paix, à la protection de l’environnement et des ressources de la terre. Parce que nous aussi, tout en respectant l’autonomie légitime des affaires temporelles, avons une contribution spécifique à offrir dans la recherche des solutions adaptées à ces questions pressantes.
En particulier, nous pouvons offrir une réponse crédible à la question qui se fait jour clairement dans la société d’aujourd’hui, même si elle est souvent mise de côté; c’est-à-dire la question portant sur le sens et le but de la vie, pour chaque individu et pour l’humanité tout entière. » (Benoît XVI, Discours au président du Directorat pour les affaires religieuses de Turqui, au « Diyanet » d’Ankara, 28 novembre 2006).
Il est du devoir des croyants de respecter les principes fondamentaux de la vie éthique. La religion a une emprise incontestable sur la vie du peuple et donc les religions doivent être attentives à l’évolution des tendances dans la société. L’humanité sans discipline est comme un cheval débridé. Les êtres humains ont besoin de direction et celle-ci doit être fondée sur des préceptes divins et la loi naturelle. Les croyances religieuses doivent aider les gens à discerner la voix et les appels de la conscience ainsi qu’à chercher ce qui est vrai et bon. Dans la vie pratique, la religion doit aider à « faire le bien et éviter le mal ».
La dignité humaine est le principe le plus élevé de tous. La personne doit être reconnue. Tout ce qui détruit ou affecte négativement la dignité et la liberté des êtres humains doit être considérée comme immoral. La fidélité à et le service de la « vérité et de ce qui est bon » doivent être la norme générale dans toutes les formes d’expression humaine. La religion a le devoir de protéger les droits de tous et d’aider chacun à remplir ses obligations éthiques. Au début de son pontificat, le pape François nouvellement élu a souligné l’importance de protéger toute la création, la beauté du monde créé dans l’esprit du livre de la Genèse et comme nous l’a montré saint François d’Assise. Il a affirmé qu’être « protecteurs » de la création « est le fait d’avoir du respect pour toute créature de Dieu et pour l’environnement dans lequel nous vivons. C’est le fait de garder les gens, d’avoir soin de tous, de chaque personne, avec amour, spécialement des enfants, des personnes âgées, de celles qui sont plus fragiles et qui souvent sont dans la périphérie de notre cœur. C’est d’avoir soin l’un de l’autre dans la famille : les époux se gardent réciproquement, puis comme parents ils prennent soin des enfants et avec le temps aussi les enfants deviennent gardiens des parents. C’est le fait de vivre avec sincérité les amitiés, qui sont une garde réciproque dans la confiance, dans le respect et dans le bien. » (Pape François, Homélie, Inauguration du pontificat,19 mars 2013).
Le sujet de la protection sociale ou environnementale se pose comme un point de convergence authentique entre juifs, chrétiens et musulmans, une mission conjointe de voir la protection de notre cité terrestre dans un esprit d’unité, dans la diversité de nos traditions religieuses respectives, comme un responsabilité commune à tous.
Dans son enseignement sur la liberté de religion, le Concile Vatican II enseignait que « la personne humaine a droit à la liberté religieuse », que ce droit signifie que tout être humain devrait être « exempt[s] de toute contrainte de la part tant des individus que des groupes sociaux et de quelque pouvoir humain que ce soit » lorsqu’il agit en fonction de ses convictions religieuses, et que ce droit s’exerce « en privé comme en public, seul ou associé à d’autres » (Déclaration sur la liberté de religion, Dignitatis Humanae, n.2).
En délimitant le pouvoir coercitif de l’État, le Concile a souligné certaines des exigences de bases d’une société juste. Comme nous l’avons déjà dit plus tôt, comment une société reconnaît et soutient les principes fondamentaux de la liberté religieuse, c’est à elle de le décider ; mais il semble que l’exigence la plus fondamentale soit d’ancrer ces droits dans les droits et garanties constitutionnels fondamentaux dans l’État de droit. Puisque la religion n’est pas une affaire purement privée de l’individu, la liberté par rapport à la coercition en matière de croyance pour l’individu s’applique aussi ‘en public… ou en association avec d’autres’ de sorte que l’État n’a pas le droit de contraindre ni de tenter de contrôler la vie interne d’une communauté religieuse, de déterminer son credo ou de l’utiliser comme moyen de contrôle social.
En 1979, le pape Jean-Paul II, s’adressant à l’Assemblée générale des Nations Unies, décrivait la liberté religieuse comme le premier des droits humains, et dans son discours au même organisme, seize ans plus tard, en 1995, lorsqu’il a parlé du rôle de la liberté religieuse pour aider à l’effondrement du communisme européen, il fit une déclaration profonde sur le pouvoir de la voix morale de la religion pour mettre fin à la tyrannie.
Dans la continuité de l’enseignement du Concile Vatican II et des enseignements du pape Jean-Paul II, Benoît XVI continue de défendre la liberté religieuse comme la base de toutes les autres religions, comme au Liban. Pour la célébration de la Journée mondiale de la paix le 1er janvier 2011, le pape Benoît XVI a consacré son message annuel au thème de la liberté religieuse. Il vaut la peine de rappeler ce qu’il a dit à cette occasion :
« C’est en effet dans la liberté religieuse que se trouve l’expression de la spécificité de la personne humaine, qui peut ainsi ordonner sa vie personnelle et sociale selon Dieu :  à Sa lumière se comprennent pleinement l’identité, le sens et le but de la personne. Nier ou limiter de manière arbitraire cette liberté signifie cultiver une vision réductrice de la personne humaine ; mettre dans l’ombre le rôle public de la religion signifie engendrer une société injuste, puisque celle-ci n’est pas en harmonie avec la vraie nature de la personne humaine ; cela signifie rendre impossible l’affirmation d’une paix authentique et durable de toute la famille humaine.
J’exhorte donc les hommes et les femmes de bonne volonté à renouveler leur engagement pour la construction d’un monde où tous soient libres de professer leur religion ou leur foi, et de vivre leur amour pour Dieu de tout leur cœur, de toute leur âme et de tout leur esprit (cf. Mt 22, 37). »
Pendant son discours aux responsables politiques et religieux et aux représentants du monde de la culture, le 15 septembre 2012 à Beyrouth, le pape Benoît XVI a souligné l’importance de la liberté religieuse : « N’oublions pas que la liberté religieuse est le droit fondamental dont dépendent beaucoup d’autres. Professer et vivre librement sa religion sans mettre en danger sa vie et sa liberté doit être possible à quiconque. La perte ou l’affaiblissement de cette liberté prive la personne du droit sacré à une vie intègre sur le plan spirituel. La soi-disant tolérance n’élimine pas les discriminations, parfois elle les conforte même. Et sans l’ouverture au transcendant qui permet de trouver des réponses aux interrogations de son cœur sur le sens de la vie et sur la manière de vivre de façon morale, l’homme devient incapable d’agir selon la justice et de s’engager pour la paix. La liberté religieuse a une dimension sociale et politique indispensable à la paix ! Elle promeut une coexistence et une vie harmonieuses par l’engagement commun au service de nobles causes et par la recherche de la vérité qui ne s’impose pas par la violence mais par « la force de la vérité elle-même. »
Nous sommes donc tous appelés à renouveler notre engagement, avec un sens de notre responsabilité commune, pour la promotion d’une plus grande justice sociale, à travers la liberté religieuse, pour une paix et une sécurité durables dans le monde. Faisant écho à ce qu’a dit le pape Benoît XVI lors de sa visite au Liban, je me permets de conclure en disant :
« Des pensées de paix, des paroles de paix et des actes de paix créent une atmosphère de respect, d’honnêteté et de cordialité, où les fautes et les offenses peuvent être reconnues en vérité comme un moyen d’avancer ensemble sur le chemin de la réconciliation. Puissent les responsables politiques et religieux réfléchir à cela ! » (Rencontre avec les membres du Gouvernement, les Institutions de la République, le Corps diplomatique, les responsables religieux et les représentants du monde de la culture, 15 septembre 2012, Liban).
© Traduction de Zenit, Constance Roques

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Constance Roques

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