Le “concile” du 10 mars 1946 - Photo : ews.ugcc

70e anniversaire du pseudo-synode de Lviv (1946): message aux orthodoxes qui ont signé une déclaration

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Réponse d’évêques de l’Église grecque-catholique (uniate) d’Ukraine

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Le site orthodoxie.com publie cette réponse d’évêques de l’Église grecque-catholique (uniate) d’Ukraine à leurs « frères et sœurs orthodoxes qui ont signé la déclaration concernant le 70e anniversaire du pseudo-synode de Lviv de 1946 ».
Nous avons publié cette déclaration le 8 mars dernier.
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Il y a un mois, une tribune intitulée : “Il est urgent pour les chrétiens orthodoxes de reconnaître la terrible vérité du 10 mars 1946“, signée par une vingtaine de personnalités orthodoxes du monde entier, a été diffusée. De nombreux sites sur l’Internet l’ont reproduite, en tout en 16 langues. Elle a suscité un grand écho en Ukraine, mais aussi en Pologne. L’Église orthodoxe ukrainienne (autonome au sein du Patriarcat de Moscou) a publié un communiqué répondant aux critiques formulées.
Dans l’édition française du 10 mars de L’Osservatore Romano, le métropolite Hilarion de Volokolamsk (Patriarcat de Moscou) a appelé de ses vœux les “efforts communs des orthodoxes et des gréco-catholiques” ukrainiens pour dépasser une “hostilité historique”.
Le 17 mars, à l’occasion d’un colloque à l’Université nationale Tarass Chevtchenko à Kiev, une réponse à cette tribune a été publiée. Elle est signée par des évêques de l’Église grecque-catholique (uniate) d’Ukraine, en premier par son primat, l’archevêque Sviatoslav (Shevchuk), des universitaires, des chercheurs, des enseignants et des journalistes défendant la cause de cette Église. Nous vous proposons ci-dessous la traduction française de cette réponse.
Le “Patriarcat de Kiev” et l’Église autocéphale ukrainienne mentionnées dans ce texte ne sont pas canoniques.
Message aux frères et sœurs orthodoxes  qui ont signé la déclaration concernant le 70e anniversaire du pseudo-synode de Lviv de 1946
Nous, évêques, clergé et laïcs gréco-catholiques, universitaires et chercheurs de divers pays, exprimons notre sincère gratitude et reconnaissance pour votre lettre dans laquelle vous appelez à juste titre ce rassemblement un “pseudo-synode.”
Vous faites appel à la hiérarchie orthodoxe en Russie et en Ukraine pour «reconnaître la nullité des décisions tragiques” et pour assurer l’Église gréco-catholique ukrainienne (UGCC) de votre solidarité et de votre prière “pour toutes les victimes innocentes de cette Église qui ont été emprisonnées, torturées, déportées et assassinées par le gouvernement soviétique avec la complicité du Patriarcat de Moscou “.
Le Seigneur est le Dieu de la paix, et donc un sentiment de paix terrestre nous donne un vif avant-goût  du Royaume des Cieux. Lorsque nous nous réconcilions les uns avec les autres, on peut dire que nous confirmons la force durable des paroles du Christ: Si donc tu apportes ton offrande à l’autel, et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande devant l’autel, et va-t’en premièrement te réconcilier avec ton frère; et après cela viens, et présente ton offrande. (Matthieu 5: 23-24)
Cette année, votre cadeau de Pâques aura du prix aux yeux du Seigneur. Nous espérons qu’Il nous donnera aussi sa miséricorde.
Nous admirons sincèrement votre courage, car il est difficile d’être le premier – et il est encore plus difficile de rester seul. On peut toujours rencontrer la suspicion et la méfiance de l’autre côté ainsi que l’incompréhension et le manque de soutien de son propre côté. Nous sommes convaincus que votre appel reflète l’opinion véritable et la conviction de nombreux orthodoxes à travers le monde. Donc, aujourd’hui, nous nous souvenons avec gratitude de toutes ces expressions individuelles de compassion, de compréhension et de solidarité avec cette Église qui a été condamnée au silence; ces expressions retentissaient dans toutes les décennies précédentes et encore son aujourd’hui. Presque en même temps que votre appel, le centre de presse de l’Église orthodoxe ukrainienne (du Patriarcat de Kyiv) a dit qu’ils “partagent la douleur des Ukrainiens gréco-catholiques du fait de la souffrance et des pertes qu’ils ont subies à la suite de répressions soviétiques.” Ces deux initiatives sont apparues dans le contexte du travail récent sur l’unité eucharistique entre orthodoxes et gréco-catholiques qui a commencé l’année dernière par la proposition du sobor de l’éparchie de Kharkiv-Poltava de l’Église orthodoxe ukrainienne autocéphale renouvelée.
Notre réponse ne peut mieux s’exprimer que par les paroles suivantes : «Nous pardonnons et nous demandons pardon.» Ce sont les mêmes paroles par lesquelles il y a 50 ans exactement les évêques polonais ont fait appel aux évêques allemands, et qui sont depuis devenus la formule sur laquelle se fonde la culture européenne de la compréhension. Dans l’Église gréco-catholique ukrainienne, cette formule a été entendue pour la première fois en 1987 de la part du chef de cette Église, le cardinal Myroslav Ivan Lubachivsky, et a été confirmé à plusieurs reprises par les primats ultérieurs.
Bien sûr, on ne saurait ne pas remarquer que la position officielle de l’Église qui avait été un instrument de persécution des gréco-catholiques entre les mains du régime totalitaire athée est encore une position de réticence manifeste à accepter les faits, et de déni concernant la réalité historique. L’histoire de la persécution de l’UGCC continue d’être falsifiée à l’instar des directives secrètes staliniennes et devient un instrument de propagande idéologique néo-impériale, et constitue même un exemple de guerre hybride menée sur le territoire de l’Ukraine par ceux qui bâtissent leur soi-disant “monde russe” (“Russkiy mir”) en s’octroyant un monopole en tant que seuls représentants de la “civilisation orthodoxe”. Toutefois, un monde basé sur un concept de la vraie civilisation ne peut pas être construit sur la haine, la violence et la déformation de la vérité historique; une telle pseudo-civilisation, un tel pseudo-monde n’a pas d’avenir. Que tous ceux qui succombent à la tentation de remplacer la vérité interne par une force extérieure s’en souviennent.
Cependant, nous savons que “les moulins de Dieu moulent lentement,” et pour cette raison nous croyons que les constructions idéologiques fausses tomberont tôt ou tard. La puissance du Christ ne dépend pas du soutien du gouvernement ou de son influence politique propre, mais plutôt de ce que sa puissance vient plutôt de ce qu’il a semé la Parole de vie éternelle et témoigné de la Vérité. Inspiré par l’exemple de Notre Sauveur, nous espérons et croyons que votre appel sera la graine de moutarde de l’Évangile qui pousse à merveille. Il ouvre la possibilité dans un avenir proche pour les orthodoxes et les gréco-catholiques de se rendre compte de ce pourquoi nous prions chaque année dans les stichères des offices de Pâques: «Le jour de la Résurrection; soyons radieux pour la fête, et embrassons-nous les uns les autres. Disons, frères … “
Néanmoins, nous ne pouvons pas aller de l’avant avec la tête tournée vers l’arrière. Nos relations sont marquées par des siècles d’âpres polémiques religieuses et des conflits encore frais des dernières décennies – conflits qui divisaient les communautés et même les familles. Aujourd’hui, nous devons une fois pour toutes abandonner ce style et cette manière d’expliquer nos relations, laissant le passé aux historiens et à Dieu tout-puissant, qui est le meilleur médecin de nos esprits et nos cœurs. Toute discussion sur le passé devrait se passer dans une atmosphère calme et conviviale de recherche commune de la vérité objective, basée sur la méthodologie scientifique, l’honnêteté intellectuelle et la responsabilité. Mais le but ultime d’un tel dialogue ne doit pas être une simple clarification de la vérité historique. Nous sommes appelés à un but plus élevé – l’unité de l’Église du Christ.
Par le passé, chacun a péché en ne cherchant pas nécessairement la véritable unité dans l’amour, mais plutôt une absorption de l’autre en soi-même, traitant les autres non pas comme une communauté de frères et sœurs dans le Christ, mais comme un adversaire, voire même comme un ennemi. Cette absorption a été déguisée en “réunification”, et constituait, en fait, rien de moins que ce funeste “uniatisme” que les deux parties, catholique et orthodoxe, ont condamné comme une méthode inadéquate pour l’union de l’Église. Nos communautés ont suivi chacune son propre chemin historique et ont des expériences différentes de la vie ecclésiale. Jusqu’à présent, cela a été la cause de notre conflit, mais pourrait en fait devenir la base de notre enrichissement mutuel. Que ceci soit notre engagement d’amour fraternel et d’unité que le Christ nous a demandés. En adhérant à cette unité, nous devons témoigner au monde le fondement de notre foi et de la fidélité à notre tradition commune.
Frères et sœurs orthodoxes, votre lettre nous a aidé à transcender notre douleur et à vivre ce triste anniversaire du pseudo-synode dans un sentiment d’espoir. Nous espérons que nos appels communs, auxquels nos autres coreligionnaires sont libres d’adhérer, seront la base de notre future collaboration. Que le Saint Esprit puisse guérir nos blessures historiques et nous guider vers le pardon, la réconciliation et l’union véritable dans le Christ, qui par sa résurrection vainc la mort et nous donne l’espérance de la vie éternelle.
Kyiv, le 17 Mars 2016
Au nom des participants de la conférence internationale «Le pouvoir de la foi contre la violence des autorités: les grecs-catholiques en Europe centrale et orientale dans le contexte de la persécution par les régimes totalitaires après la Seconde Guerre mondiale” tenue à l’Université nationale Tarass Chevtchenko de Kyiv le 17 Mars 2016, et les chercheurs de cette question (parmi les signataires, ndlr):
+ Sviatoslav (Shevchuk), primat de l’Eglise grecque-catholique ukrainienne, Kyiv + Bohdan (Dziurakh), secrétaire du Synode des évêques de l’Église grecque-catholique ukrainienne, Kyiv + Borys (Gudziak), éparque de l’Église grecque-catholique éparchie ukrainienne de Saint-Volodymyr le Grand, Paris + Vasyl (Tuchapets), exarque de Kharkiv de l’Église grecque-catholique ukrainienne, Kharkiv Fr. Bohdan Prakh, recteur de l’Université catholique d’Ukraine (UCU), Lviv Fr. Ivan Dacko, président de l’Institut d’études œcuméniques à UCU, Lviv Myroslav Marynovych, président de l’Institut de la religion et la société de l’UCU, Lviv Oleh Turiy, titulaire de la chaire de l’histoire de l’Église à UCU, Lviv Volodymyr Tylishchak, vice-directeur de l’Institut ukrainien de la mémoire nationale, Kyiv Fr. Peter Šturák, doyen de la Faculté de théologie catholique grecque de l’Université de Prešov, Slovaquie Fr. Yury P. Avvakumov, professeur de théologie historique de l’Université de Notre Dame, États-Unis Igor Hałagida, professeur de l’Université de Gdańsk, Pologne Fr. Andriy Mykhaleyko, professeur invité d’histoire de l’Église, Université catholique de Eichstätt / Ingolstadt, Allemagne Svitlana Hurkina, directeur de l’Institut d’histoire de l’Église à l’UCU, Lviv Daniel Galadza, adjoint post-doctoral, Institut de théologie historique, Université de Vienne, Autriche Fr. Taras Bublyk, chercheur à l’Institut d’Histoire de l’Église à l’UCU, Lviv Iryna Fenno, adjoint du Département d’études religieuses de l’Université nationale Tarass Chevtchenko, Kyiv Olga Zbrozhko, chercheur du Centre de recherche du Mouvement de libération, Lviv Anatoly Babinski, rédacteur en chef de la revue “Patriarkhat”, Lviv John Reves, Deacon UGCC, Centre pour l’Est spiritualité chrétienne “Byzantinisches Gebetszentrum”, Salzbourg, Autriche Tamás Véghseő, recteur, Institut théologique gréco-catholique St-Athanase, Nyíregyháza, Hongrie Giovanni Codevilla, professeur de droit comparé ecclésiastique, Milan, Italie
Sources: News.ugcc (dont illustration: photographies du “concile” du 10 mars 1946), RISU.

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Rédaction

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