Long entretien entre le pape François et le président Obama

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Objection de conscience, migrations, droit humanitaire à l’agenda

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La liberté religieuse et l’objection de conscience ainsi que la politique migratoire ont été à l’ordre du jour des entretiens du président Obama au Vatican, indique un communiqué du Saint-Siège, mais aussi le « respect du droit humanitaire », du « droit international » et l’option pour « une solution négociée » en cas de conflit. Le président a invité le pape à la Maison Blanche.

Le pape François a en effet reçu en audience ce jeudi matin, 27 mars, à 10 h 30, le président des Etats-Unis, Barack Obama dans la bibliothèque du palais apostolique du Vatican.

La résolution des conflits

L’entretien en tête à tête a duré quasi cinquante minutes : le président a ensuite présenté sa délégation de 14 personnes, dont le Secrétaire d’Etat John Kerry, au pape François. Puis a suivi l’échange des cadeaux. Le président a ensuite été reçu par le cardinal Secrétaire d’Etat Pietro Parolin et par le Secrétaire pour les relations avec les Etats, Mgr Dominique Mamberti. Le président Obama a quitté le Vatican vers 12 h 20, avec l’hommage du piquet d’honneur de la Garde suisse pontificale dans la Cour Saint-Damase.

« Les entretiens cordiaux ont permis, dit le Saint-Siège, un échange de vues sur des thèmes concernant l’actualité internationale, en souhaitant pour les régions en conflit le respect du droit humanitaire, et du droit international et une solution négociée entre les parties impliquées. »

On ne peut pas ne pas noter que le jour même, le Vatican publie le programme du pape François en Jordanie, Palestine et Israël. Le pape a aussi en vue un voyage en août en Corée. Mais le Vatican ne précise pas les zones de conflit évoquées, même si la situation en Ukraine, par exemple, a pu être abordée.

La liberté de conscience

Pour ce qui est des “relations bilatérales” et de la “collaboration entre l’Eglise et l’Etat”, les entretiens ont également porté sur des « thèmes particulièrement importants pour l’Eglise dans le pays comme l’exercice des droits à la liberté religieuse, à la vie et à l’objection de conscience » : une référence au bras de fer entre les évêques catholiques des Etats-Unis et l’administration Obama sur la question de l’assurance santé, le fameux « Obamacare ».

Dans une lettre ouverte, quelque 70 évêques catholiques des Etats-Unis ont en effet déploré que cette assurance santé obligatoire finance l’avortement, la stérilisation et la contraception, et ils ont réclamé la reconnaissance du droit à l’objection de conscience, notamment pour les hôpitaux catholiques – ce qui fait des évêques de gros employeurs -, soulignant qu’il en va d’une atteinte à la « liberté religieuse ».

Lors d’une conférence de presse avec le président du Conseil italien Matteo Renzi, à Villa Madame, le président des Etats-Unis dit avoir abordé le thème avec le cardinal Parolin et il a promis un « dialogue » pour diminuer les divergences, pour « faire en sorte que la conscience et la liberté religieuse soient observées pour ce qui est de l’obligation de fournir des services de contraception. Je m’engage pour que tous puissent accéder aux soins de santé, et pour qu’il y ait aussi la liberté religieuse ».

Eradiquer la traite des êtres humains

Autre thème abordé : la réforme sur les migrations examinée par le Congrès. La question des migrations avait fait l’objet d’une demande d’immigrés d’Amérique latine résidant aux Etats-Unis, auprès du pape, mercredi 26 mars, en vue de sa rencontre avec le président Obama : ils voudraient, en attendant la fin de la réforme, une suspension des extraditions des sans-papiers, soit plus de deux millions de personnes, sur environ onze millions en situation irrégulière.

« Enfin, ajoute la même source, on a exprimé l’engagement commun pour l’éradication de la traite des êtres humains dans le monde » : un thème sur lequel un accord historique a été signé au Vatican le 17 mars et sur lequel le pape s’est exprimé à différentes reprises, qualifiant la traite des êtres humains – notamment le 13 décembre 2013 – comme un « crime contre l’humanité ».

Dès son arrivée, le président Obama a dit sa joie de rencontrer le pape : « Comment allez-vous ? C’est merveilleux de vous rencontrer”. Et une fois assis au bureau, il a ajouté: “C’est un grand honneur : je suis un grand admirateur. Merci beaucoup de cette rencontre”.

Deux interprètes ont facilité l’échange privé de 50 minutes, Mgr Mark Miles pour le pape et Mme Alessandra Donatti, de l’ambassade des Etats-Unis. Le pape s’est exprimé en espagnol.

Le président a aussi présenté les salutations de sa famille, puisque lorsqu’il était venu trouver Benoît XVI, il était accompagné de sa femme, Michelle, et de leurs deux filles, Malia et Sasha, le 10 juillet 2009.

Hommage au pape semeur de paix

Après la présentation de la délégation présidentielle, il y a eu le traditionnel échange des cadeaux.

Le cadeau du président Obama voulait saluer l’ouverture de la résidence de Castelgandolfo au public : des graines d’arbres fruitiers et de légumes cultivés dans les jardins de la Maison Blanche. Mais il voulait surtout honorer le pape pour son « engagement à semer des semences de paix globale pour les nouvelles générations », expliquait un billet l’accompagnant.

Les graines étaient refermées dans un coffret en cuir et en bois, fait avec du bois récupéré au vieux sanctuaire de l’Assomption de la Vierge Marie, de Baltimore, la plus ancienne cathédrale catholique des Etats-Unis, et dont les plans étaient dus à un jésuite, James Carroll.

« Si vous avez la possibilité de visiter la Maison Blanche, vous verrez le jardin », a expliqué le président : « Pourquoi pas ! » a répondu le pape en espagnol.

Le pape a offert au président deux médaillons de bronze de Guido Verroy, l’un représentant comme le dit une inscription qui y est gravée : « un monde de solidarité et de paix fondé sur la justice ». Un ange y tient unis les deux hémisphères de la planète en dépit du dragon qui représente l’exploitation, la méfiance et les préjugés, les nouvelles formes de colonialisme.

La seconde représente la pose de la première pierre de la colonnade Nord du Bernin, le 28 août 1567, sous Alexandre VII, mais avec un projet jamais réalisé, d’une troisième colonnade qui aurait fermé la place Saint-Pierre.

Priez pour ma famille

Le pape a aussi offert au président Obama un exemplaire de son exhortation apostolique « Evangelii Gaudium » : « Je le lirai sûrement dans le Bureau ovale, dans mes moments de frustration profonde et je suis sûr que cela me donnera de la force et me calmera », a dit le président. « Je l’espère », a répondu le pape en anglais.

Barack Obama a prononcé ses paroles de remerciements en espagnol en disant : « Muchas gracias. S’il vous plaît, priez pour moi et pour ma famille. Elles sont avec moi dans ce « voyage »: ma femme et mes filles doivent me supporter ! », a ajouté le président.

Lors de sa conférence de presse, à la Villa Madama, il a aussi dit de l’entretien avec le pape: « J’ai été très ému par sa compassion, par son message d’inclusion. Je suis très reconnaissant d’avoir pu parler avec lui des responsabilités que nous partageons, de nous occuper des plus pauvres, des exclus, des laissés-pour-compte. J’ai été profondément bouleversé par ce qu’a dit le pape sur le fait que nous tous nous avons une perpective morale sur les problèmes mondiaux et que
nous ne devons pas penser à nos intérêts."

Il souligne que la plus grande partie de l’entretien a porté sur les inquiétudes du pape pour les pauvres, les inégalités, les chrétiens, les conflits: « les défis qui se présentent dans les conflits en cours au Moyen Orient, pour lequel le pape a un fort intérêt, en Lybie, au Liban, en Syrie, là où il y a une persécution des chrétiens ».

Il a dit au pape: « Nous devons protéger les minorités religieuses dans le monde entier ». Ils ont aussi parlé de l’Amérique latine, « où certains Etats ont fait des progrès, d’autre moins ». Le thème principal a été celui de « l’empathie, c’est-à dire se mettre à la place de ceux qui ont moins de possibilités » et d’ajouter: « Ma foi chrétienne me porte à croire que je dois traiter l’autre comme je voudrais être traité ».

Barack Obama est le 9e président des Etats-Unis à être reçu au Vatican : le premier, Woodrow Wilson, avait été reçu par Benoît XV à la fin de la première guerre mondiale. Mais des relations diplomatiques stables ont été établies entre le Saint-Siège et les Etats-Unis seulement récemmment, sous Jean-Paul II, le 10 janvier 1984.

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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