L'engagement d'Aron Jean-Marie Lustiger aux côtés des papes

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Inauguration du Mémorial Lustiger à Abu Gosh

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« L’histoire personnelle d’Aron Jean-Marie Lustiger est intimement liée à son engagement total, aux côtés du pape Jean-Paul II et ensuite de Benoît XVI, en faveur de la tolérance et du dialogue entre les religions » , déclare le patriarche latin de Jérusalem qui a prononcé le discours suivannt, ce mercredi 23 octobre, au monastère d’Abu-Gosh (Israël) à l’occasion de l’inauguration du Mémorial Aron Jean-Marie Lustiger.

Le site du patriarcat rappelle aujourd’hui que le mémorial « Aron Jean-Marie Lustiger » a été inauguré ce matin dans les jardins de l’abbaye d’Abu Gosh, que le Cardinal – familier de la communauté bénédictine-olivetaine qui s’y tient – aimait s’y rendre en retraite spirituelle. 

L’initiative de ce mémorial revient au CRIF  et « à la volonté des juifs d’honorer le cardinal » (NDLR : 1981-2005), selon son président d’honneur Richard Prasquier. 

Cette initiative a reçu le soutien de l’archevêché de Parisqui organise pour l’occasion un voyage d’une semaine réunissant 150 personnes, impliquées dans le dialogue judéo-chrétien, en présence du cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris depuis 2005. 

La cérémonie a eu lieu en présence de nombreuses personnalités religieuses et civiles dont Mgr Fouad Twal, Patriarche Latin de Jérusalem, dont vous trouverez ci-dessous le discours donné à cette occasion.

Discours du patriarche Fouad Twal

Chère Eminence le Cardinal André Vingt-trois, Cher Grand Rabbin, René-Samuel Sirat,  Chers représentants des Etats d’Israël et de France, Chère Excellence, le Nonce apostolique en Israël Giuseppe Lazzarotto,  Chère Excellence, le Nonce apostolique Antonio Franco, Cher Père abbé d’Abu Gosh, Charles Galichet, chers moines et moniales, Cher Président honoraire du Crif, Richard Prasquier Chers amis du Crif,  Chers amis de l’abbaye et de la Terre Sainte, 

L’inauguration, aujourd’hui, du monument en hommage au Cardinal Lustiger est un rendez-vous important pour la France, pour la Terre Sainte, pour les juifs et les chrétiens. Je vous remercie vivement de m’y associer et de m’accueillir ici en ce domaine national français. Mais permettez-moi aussi au nom de l’Eglise-Mère de vous souhaiter la bienvenue, ici dans notre diocèse de Jérusalem, étant donné que cette abbaye est au cœur du Patriarcat. Nous voilà réunis autour de ce petit amphithéâtre de fontaines en terrasse. On connaissait déjà à Jérusalem le mémorial  du Cardinal  Decourtray, l’ancien archevêque de Lyon qui fut très engagé dans les relations judéo- chrétiennes. Ce nouveau « mémorial Lustiger » est un beau symbole qui doit nous aider à nous rappeler avec respect la belle figure du Cardinal de Paris, à comprendre et à apprécier son héritage. 

L’histoire personnelle d’Aron Jean-Marie Lustiger est intimement liée à son engagement total, aux côtés du pape Jean-Paul II et ensuite de Benoît XVI, en faveur de la tolérance et du dialogue entre les religions. Avec ses ascendances juives, avec son bagage d’exception, il a joué un rôle pionnier dans les relations entre la communauté juive et l’Eglise catholique. Enfant de Vatican II, le Cardinal Lustiger a apporté une grande contribution, en créant des rencontres entre le Congrès juif mondial et des évêques catholiques. Le Cardinal de Paris était convaincu des fruits du dialogue entre juifs et catholiques, qui devait selon lui porter sur « les enjeux moraux de notre civilisation, pays par pays, culture par culture, tenant compte des histoires particulières ».(1)

Intellectuel et homme de foi reconnu et écouté sur la scène internationale, il laissera la trace d’un homme dont le message privilégiait toujours l’espoir et la confiance. Personne n’a oublié ses engagements sur tous les fronts pour la défense de la liberté intérieure et religieuse de l’homme, face aux totalitarismes des Etats, aux idéologies et aux conflits. Il œuvra sans relâche pour la paix au Proche-Orient, et pour une meilleure entente entre les peuples. Je voudrais rappeler la force de son appel, suite aux menaces d’une guerre en Irak en 2003. Il avait souligné que pour obtenir la paix « il y a toujours une chance, on ne doit jamais abandonner le terrain » et qu’« il faut un non à la guerre, même dans les pires moments de folie ». (2) Cet appel – 10 ans plus tard – est toujours d’actualité. Il fut largement répété par le Pape et les Patriarches d’Orient aujourd’hui, face à la crise syrienne et aux « printemps arabes ». Suite à la guerre en Irak, le Cardinal Lustiger s’était ému de la situation tragique des Irakiens et des chrétiens qui émigrent parce qu’ils ont peur et souffrent. Il avait cette sensibilité qui aujourd’hui me fait croire que du haut de son ciel, il peut intercéder pour le dialogue entre les religions et pour la paix au Moyen-Orient et pour cette Terre Sainte, cette Terre de la Promesse, cette Terre du Salut. Il est un pont entre la Terre et le Ciel comme il a été un pont entre ces univers auxquels son histoire personnelle lui avait donné de participer à un moment ou à un autre de sa vie. 

Juif de naissance, chrétien par le baptême, il a connu la souffrance, le rejet et la maladie. Sa double appartenance revendiquée, a certes été pour lui une fierté et une force, mais elle a parfois aussi été cause d’incompréhension et de souffrance due à la complexité de la condition juive et des aléas de l’histoire, il a pu comprendre mieux qu’un autre, l’enchevêtrement humainement inextricable des conflits, des droits et des torts, et de notre situation ici entre juifs, chrétiens et musulmans. Il est un médiateur qui grâce à ce mémorial – reste vivant et sa prière efficace.  

Comme lui  qui avait pour devise que « Tout est possible à Dieu », je veux croire   à la suite du pape François, que « le souvenir des tragédies passées doit porter chacun à œuvrer de toutes ses forces, en faveur de l’avenir que Dieu nous prépare, et à le bâtir avec et pour les autres. » (3) Ce monument est à la fois un mémorial et une espérance. Notre prière en ce jour s’élève sur ces deux ailes.  Je vous remercie de votre attention. 

+ Fouad Twal, Patriarche

 (1) Déclaration du Cardinal Lustiger devant le Congrès juif mondial, 2005 (2) 13 février 2003, Irak : le cardinal Jean-Marie Lustiger au journal de 13 h sur France-Inter, « Ne faites pas vos jeux, mais abattez vos armes » (3) 11 octobre 2013, Rome, le Pape François recevant une délégation de la Communauté juive de Rome à l’occasion de soixante-dixième anniversaire de la rafle du ghetto (16 octobre 1943).

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Fouad Twal

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