Revenir à la simplicité d'une vie centrée sur l'Évangile

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Message du pape aux Frères du Carmel

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« Le retour à la simplicité d’une vie centrée sur l’Évangile est le défi pour le renouveau de l’Église, communauté de foi qui trouve toujours de nouveaux chemins pour évangéliser le monde en continuelle transformation », écrit le pape François.

Le pape a en effet adressé un message au prieur général de l’Ordre des Frères de la Bienheureuse Vierge Marie du Mont Carmel, le révérend père Millán Romeral, le 22 août dernier, à l’occasion de leur Chapitre général.

Message du pape François

Je m’adresse à vous, chers Frères de l’Ordre de la Bienheureuse Vierge Marie du Mont Carmel, qui tenez en ce mois de septembre votre Chapitre général. En ce temps de grâce et de renouveau, qui vous appelle à discerner la mission du glorieux Ordre du carmel, je désire vous apporter une parole d’encouragement et d’espérance. L’antique charisme du Carmel a été pendant huit siècles un don pour l’Église entière, et il continue aujourd’hui encore à offrir sa contribution particulière à l’édification du Corps du Christ en montrant au monde son visage lumineux et saint. Vos origines contemplatives proviennent de la terre de l’épiphanie de l’amour éternel de Dieu en Jésus-Christ, Verbe fait chair. Tandis que vous réfléchissez sur votre mission de Carmes d’aujourd’hui, je vous suggère de considérer trois éléments susceptibles de vous guider vers la pleine réalisation de votre vocation qui est de monter la montagne de la perfection : la dépendance vis-à-vis du Christ, la prière et la mission.

La dépendance

L’Église a pour mission de porter le Christ au monde et c’est la raison pour laquelle, comme Mère et maîtresse, elle invite chacun à s’approcher de lui.

Dans la liturgie carmélitaine, pour la fête de Notre Dame du Mont Carmel, nous contemplons la Vierge qui est « près de la croix du Christ ». C’est aussi la place de l’Église : auprès du Christ. Et c’est aussi celle de tout fils fidèle de l’Ordre carmélitain. Votre Règle commence par l’exhortation aux frères de « vivre dans la dépendance de Jésus-Christ » pour le suivre et le servir avec un cœur pur et sans partage. La relation étroite avec le Christ se réalise dans la solitude, dans l’assemblée fraternelle et dans la mission. « L’option fondamentale d’une vie concrètement et radicalement vouée à suivre le Christ » (Ratio Istitutionis Vitae Carmelitanae, 8) fait de votre existence un pèlerinage de transformation dans l’amour. Le concile œcuménique Vatican II rappelle le rôle de la contemplation sur le chemin de la vie : « il appartient en propre à celle-ci [l’Église, ndlr] d’être à la fois humaine et divine, visible et riche de réalités invisibles, fervente dans l’action et adonnée à la contemplation, présente dans le monde et cependant en chemin » (Sacrosanctum Concilium, 2). Les anciens ermites du Mont Carmel ont conservé la mémoire de ce lieu saint et, bien qu’exilés et isolés, ils gardaient leur regard et leur cœur constamment fixés sur la gloire de Dieu. En réfléchissant à vos origines et à votre histoire et en contemplant l’immense cortège de ceux qui ont vécu le charisme carmélitain au cours des siècles, vous découvrirez aussi votre vocation actuelle à être des prophètes de l’espérance. Et c’est précisément dans cette espérance que vous serez régénérés. Souvent, ce qui nous semble nouveau est quelque chose de très ancien illuminé d’une lumière nouvelle.

Le cœur de la mission carmélitaine d’autrefois et d’aujourd’hui se trouve dans votre Règle. Alors que vous vous apprêtez à célébrer le huitième centenaire de la mort d’Albert, patriarche de Jérusalem, en 1214, vous vous souviendrez qu’il a formulé un « parcours de vie », un espace permettant de vivre une spiritualité totalement orientée vers le Christ. Il a tracé des éléments extérieurs et intérieurs, une écologie physique de l’espace ainsi que l’armature spirituelle nécessaire à chacun pour répondre adéquatement à sa vocation et réaliser efficacement sa mission.

Dans un monde qui souvent le méconnaît et, de fait, le refuse, vous êtes invités à vous approcher du Christ et à adhérer à lui toujours plus profondément. C’est un appel continuel à suivre le Christ et à lui être conformé. Ceci est d’une importance vitale dans notre monde si désorienté, « parce que, lorsque sa flamme [de la lumière de la foi, ndlr] s’éteint, toutes les autres lumières finissent par perdre leur vigueur » (Lumen fidei, 4). Le Christ est présent dans votre fraternité, dans la liturgie communautaire et dans le ministère qui vous est confié : renouvelez envers lui le don toute votre vie !

La prière

Le Saint-Père Benoît XVI, avant votre Chapitre général de 2007, vous a rappelé que « le pèlerinage intérieur de foi vers Dieu commence dans la prière » ; et à Castel Gandolfo, en août 2010, il vous a dit : « Vous êtes ceux qui nous enseignent à prier ». Vous vous définissez comme des contemplatifs au milieu du peuple. En effet, s’il est vrai que vous êtes appelés à vivre sur les hauteurs du Carmel, il est tout aussi vrai que vous êtes appelés à rendre témoignage au milieu du peuple. La prière est cette « route réelle » qui ouvre aux profondeurs du mystère de Dieu un et trine, mais c’est aussi ce sentier obligé qui passe au milieu du peuple de Dieu en chemin, dans ce monde, vers la Terre promise.

Une des plus belles voies pour entrer dans la prière passe par la Parole de Dieu. La lectio divina introduit à la conversation directe avec le Seigneur et dévoile les trésors de la sagesse. L’amitié intime avec celui qui nous aime nous rend capables de voir avec les yeux de Dieu, de parler avec sa Parole dans notre cœur, de conserver la beauté de cette expérience et de la faire partager à ceux qui sont affamés d’éternité.

Le retour à la simplicité d’une vie centrée sur l’Évangile est le défi pour le renouveau de l’Église, communauté de foi qui trouve toujours de nouveaux chemins pour évangéliser le monde en continuelle transformation. Les saints carmes ont été de grands prédicateurs et des maîtres de prière. C’est cela qu’on demande, une fois encore, au Carmel du vingt-et-unième siècle. Tout au long de votre histoire, les grands Carmes ont été un puissant rappel à revenir aux racines de la contemplation, racines toujours fécondes en prière. C’est là le cœur de votre témoignage : la dimension de « contemplation » de l’Ordre, à vivre, à cultiver et à transmettre. Je voudrais que chacun de vous s’interroge : quelle est ma vie de contemplation ? Combien de temps est-ce que je consacre chaque jour à la prière et à la contemplation ? Un Carme sans cette vie contemplative est un corps mort ! Aujourd’hui, peut-être plus encore que dans le passé, on peut se se laisser distraire par les préoccupations et les problèmes de ce monde, et se laisser fasciner par des fausses idoles. Notre monde est éclaté de bien des manières ; le contemplatif, lui, est tourné vers l’unité et il représente un puissant rappel à l’unité. Plus que jamais maintenant, il est temps de redécouvrir le chemin intérieur de l’amour à travers la prière et d’offrir aux hommes et aux femmes d’aujourd’hui, dans le témoignage de la contemplation, comme dans la prédication et dans la mission, non pas des artifices inutiles, mais cette sagesse qui naît de la méditation « jour et nuit dans la loi du Seigneur », Parole qui conduit toujours près de la croix glorieuse du Christ. Et, liée à la contemplation, il y a aussi l’austérité de vie, qui n’est pas un aspect secondaire de votre vie et de votre témoignage. Pour vous aussi, la tentation de tomber dans la mondanité spirituelle est très forte. L’esprit du monde est l’ennemi de la vie de prière : ne l’oubliez jamais ! Je vous exhorte à une vie plus aust
ère et davantage vouée à la pénitence, selon votre tradition la plus ancienne, une vie loin de toute mondanité, loin des critères du monde.

La mission

Chers Frères carmes, votre mission est la même que celle de Jésus. Toute planification, toute confrontation, serait de peu d’utilité si le Chapitre n’empruntait pas avant tout le chemin d’un véritable renouveau. La Famille du Carmel a connu un merveilleux « printemps », dans le monde entier, qui est le fruit, donné par Dieu, de l’engagement missionnaire du passé. Aujourd’hui, la mission présente parfois des défis difficiles, parce que le message évangélique n’est pas toujours accueilli et il peut même être carrément rejeté violemment. Nous ne devons jamais oublier que, même si nous sommes jetés dans des eaux troubles et inconnues, celui qui nous appelle à la mission nous donne aussi le courage et la force de la mettre en œuvre. Par conséquent, participez à ce Chapitre animés de l’espérance qui ne meurt jamais, dans un grand esprit de générosité pour vous réapproprier la vie contemplative, la simplicité et l’austérité évangélique.

Lorsque je me suis adressé aux pèlerins sur la Place Saint-Pierre, je leur ai dit ceci : « Tout chrétien, toute communauté, est missionnaire dans la mesure où il apporte et où il vit l’Évangile en témoignant de l’amour de Dieu pour tous, spécialement pour ceux qui sont en difficultés. Soyez missionnaires de l’amour et de la tendresse de Dieu ! Soyez missionnaires de la miséricorde de Dieu, qui nous pardonne toujours, qui nous attend toujours, qui nous aime tellement ! » (Homélie, 5 mai 2013). Le témoignage du Carmel dans le passé appartient à une tradition spirituelle profonde qui s’est développée dans une des grandes écoles de prière. Elle a aussi suscité le courage d’hommes et de femmes qui ont affronté les dangers et même la mort. Souvenons-nous simplement des deux grands martyrs contemporains : Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix et le bienheureux Titus Brandsma. Je me pose alors une question : aujourd’hui parmi vous, est-ce que l’on vit avec la même trempe, avec le même courage que ces saints ?

Chers Frères du Carmel, le témoignage de votre amour et de votre espérance, enracinés dans une profonde amitié avec le Dieu vivant, peut devenir comme une « brise légère » qui renouvelle et fortifie votre mission ecclésiale dans le monde d’aujourd’hui. C’est à cela que vous êtes appelés. Le rite de la Profession met sur vos lèvres ces paroles : « Par cette profession, je me confie à la famille carmélitaine pour vivre au service de Dieu et dans l’Église et aspirer à la charité parfaite avec la grâce de l’Esprit-Saint et l’aide de la Bienheureuse Vierge Marie » (Rite de la Profession, Ordre du Carmel).

Que la Bienheureuse Vierge Marie, Reine du Carmel, accompagne vos pas et rende fécond votre chemin quotidien vers la montagne de Dieu. J’invoque sur toute la Famille carmélitaine, et en particulier sur ses Pères capitulaires, d’abondants dons de l’Esprit de Dieu, et j’accorde de grand cœur à tous la bénédiction apostolique.

Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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