Traduction d'Hélène Ginabat

ROME, jeudi 20 décembre 2012 (ZENIT.org) – Le cardinal Bagnasco invite les politiciens à avoir confiance dans le rôle de la foi: "La foi n’éloigne pas de l’histoire, elle a un lien avec la vie concrète parce qu’elle donne le sens ultime et décisif du monde, des événements, mais aussi du devoir et du sacrifice toujours nécessaires".

L’archevêque de Gênes, et président de la Conférence épiscopale italienne, a en effet prononcé l’homélie lors de la messe qui précède Noël, pour les sénateurs et députés de la République italienne, mardi soir, 18 décembre, dans l’église romaine de Santa Maria sopra Minerva, dite "de la Minerve", tenue par les Dominicains.

En politique, il faut « ramener les cœurs des pères vers leurs fils », déclare encore le cardinal Bagnasco aux membres du Parlement italien. En effet, explique-t-il, les jeunes générations ont besoin de trouver dans « leurs pères, dans les adultes, dans la société » des modèles qui leurs donnent « des points de références vrais », et non pas des « élans vers des modes de pensée dénués de critères ».

Homélie du card. Bagnasco :

Chers frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce,

Chers frères et sœurs dans le Seigneur,

Nous vivons la belle tradition de la messe qui précède Noël, jour qui nous est cher et qui est dense de souvenirs et d’affections, mais surtout dense de foi : Dieu s’est fait homme pour nous apporter cette vie sans limites dans l’espace et dans le temps, pour laquelle nous sentons que nous avons été créés. Les hommes savent qu’ils ne sont pas faits pour la mort ; leur maison est le bonheur, non la souffrance, même si celle-ci est inséparable de l’existence terrestre. Oublier que cette vie est un pèlerinage vers le Ciel peut altérer notre perception des choses, de leur nature et de leur valeur, au point d’en fausser les perspectives et l’engagement. Lorsque, dans la conscience, le temps se restreint sur lui-même et s’aplatit sur le présent, nous risquons d’en perdre même la densité.

La foi n’éloigne pas de l’histoire, elle a un lien avec la vie concrète parce qu’elle donne le sens ultime et décisif du monde, des événements, mais aussi du devoir et du sacrifice toujours nécessaires. Elle offre le vrai visage de la personne humaine, elle est le fondement de sa dignité et la garantie de son primat, sans lequel le bien commun, but de la bonne politique, n’existe pas.

2. Partout sur la planète, Noël est accompagné d’une fête des lumières : au-delà des religions et des cultures, le monde voit en Noël une pause intime, quasiment un retour à une enfance heureuse, à un monde perdu mais toujours désiré. Mais pouvons-nous encore croire aux lumières ? Cela a-t-il un sens aujourd’hui de voir des lumières parmi les ombres qui menacent les personnes, les peuples et les nations ? Pouvons-nous regarder vers demain avec une confiance vigoureuse et avec le courage de l’engagement ? A ces questions légitimes répond la lumière de tant de personnes sérieuses et bonnes, et de leur dignité qui inspire des comportements vertueux et qui attend, et exige, des styles et des scénarios cohérents.

La dimension politique, inspirée par un cadre éthique fort, est un élément incontournable de la vie de tout pays et de la démocratie ; et nous devons honorer ceux qui - ils sont nombreux - font leur devoir dans un esprit de service authentique, en se prodiguant, non pour des intérêts personnels ou partisans, mais pour la justice qui assure à tous et à chacun les conditions de réalisation du bien. Notre peuple regarde aujourd’hui le monde politique avec une exigence légitime ; que ce regard soit toujours plus exigeant et jamais résigné.

3. Mais les lumières de Noël ne reflètent pas seulement la bonne volonté et tout le bien qui sont comme autant de ruisseaux qui fécondent la terre. Elles sont le signe d’une autre lumière. Les chrétiens connaissent cette lumière originelle et pérenne qui illumine ces jours où se déploient les sentiments les meilleurs, les aspirations les plus fortes et peut-être, si Dieu le veut, les propositions les plus sages. C’est la lumière de Dieu qui se fait homme pour nous rapprocher de lui, pour mettre son cœur près du nôtre, pour dire à l’humanité que personne n’est seul. Jamais ! C’est à cette lumière, immense et pourtant discrète, divine mais enveloppée de langes humains, que nous devons allumer nos petites lampes comme Jean-Baptiste, qui a voulu n’être qu’une lampe pour que resplendisse la lumière de Jésus-Christ, n’être qu’une voix pour que résonne la Parole éternelle rendue visible dans la chair du petit enfant qui naît à Bethléem.

4. L’évangile que nous avons écouté raconte précisément la naissance du Précurseur et en dessine la mission : ramener les cœurs des pères vers leurs fils ! En général, on dit que les fils doivent aller vers leurs pères, vers leur sagesse. Mais ici, c’est le contraire ! Les fils, en effet, doivent voir dans leurs pères, dans les adultes, dans la société, non pas leurs propres intempérances naturelles, leurs incertitudes ou les égarements propres aux années de jeunesse. Mais ils veulent reconnaître des points de références vrais, et non pas les aventures inconsidérées ou des élans vers des modes de pensée dénués de critères, qui ne les aident pas à grandir pour affronter la merveilleuse, mais sérieuse, aventure de la vie. Voici alors la parole évangélique : les anciens s’étaient détournés de la véritable attente du Messie, ils l’attendaient comme un vainqueur glorieux et non pas comme celui qui allait sauver son peuple en livrant sa propre vie.

Oui, le cœur des pères devaient retourner vers leur fils, vers les jeunes qui ne cherchent pas des illusions mais la vérité des choses qui comptent, celles que nos parents ont vécues dans la dignité et dans un esprit de sacrifice, avec honneur et fierté, en des temps difficiles et incertains, pauvres matériellement, mais riches d’espérance. S’éloigner de la voie de ces pères signifie faire illusion, condamner au malheur les générations futures, construire une société d’apparences, un peuple sans âme parce que privé de valeurs belles, même si elles sont sévères. Ce serait une trop grande responsabilité.

Frères et sœurs, qui vous consacrez au service de votre pays à travers la politique, la fête de Noël invite à ne pas perdre tout cela de vue : chacun de vous est mis à l’épreuve, mais en sachant qu’il n’est pas seul, parce que le Seigneur est auprès de ceux qui, en toute sincérité de cœur, ont la bonne volonté et la foi. C’est dans cette perspective que je vous souhaite, ainsi qu’à vos proches, un saint Noël.