Propos recueillis par Anita Bourdin
ROME, vendredi 24 août 2012 (ZENIT.org) – « L’urgence éducative » a marqué la congrégation des religieuses de l’Assomption « depuis son origine », affirme Sœur Martine Tapsoba.
Aujourd’hui, les religieuses essaient « de former des hommes et des femmes de caractère », avec des « convictions profondément évangéliques », en considérant la personne « dans toutes ses dimensions » et « avec des moyens adaptés aux cultures et aux lieux » où les communautés sont implantées, explique-t-elle.
Nous publions la deuxième partie de l’entretien de Zenit avec Sœur Martine Tapsoba, du Burkina Faso, supérieure générale de la congrégation des Religieuses de l’Assomption (cf. Zenit du 23 août 2012 pour la première partie).
Zenit – Sainte Marie Eugénie a été canonisée en 2007: quel a été le fruit pour vous de cette mise en lumière de sa sainteté par l’Eglise?
Sœur Martine Tapsoba – Le fruit de la canonisation de Mère Marie Eugénie de Jésus continue à se déployer. Elle nous a enseigné l’importance d’un grand attachement à Jésus-Christ pour vivre avec bonheur notre foi, et pour aimer notre monde, œuvre de Dieu et lieu où resplendit sa gloire et sa présence. Nous sommes de plus en plus conscientes que sainte Marie Eugénie de Jésus est un don pour l’Eglise et qu’elle lui appartient. La sainteté est un appel pour chacune de nous et pour tous. Le témoignage de vie de sainte Marie Eugénie nous en a donné le goût ! Pas seulement aux religieuses de l’Assomption, mais aussi à nos amis laïcs, proches et collaborateurs. La canonisation a élargi et consolidé notre Congrégation religieuse, notamment grâce au développement du mouvement laïc dans les différents pays où nous sommes implantées. En « Assomption Ensemble » (laïcs et sœurs), nous voulons, à la suite du Christ et de Sainte Marie Eugénie de Jésus, être des hommes et des femmes contemplatifs et en même temps, des acteurs engagés dans la transformation du monde.
Le pape a indiqué « l’urgence éducative » comme priorité de son diocèse de Rome. Vous êtes sans cesse en contact avec les jeunes de vos institutions: comment vivez-vous cette « urgence »?
D’une certaine manière, « l’urgence éducative » a marqué notre congrégation depuis son origine puisque Marie Eugénie voyait l’éducation comme un moyen de répondre aux appels pressants de son temps. Marquée par les incohérences de son époque, en particulier celles des classes dirigeantes, elle entrevoyait une société profondément chrétienne où le dévouement l’emporterait sur l’égoïsme, la justice sur les inégalités sociales, la largeur de vue sur l’étroitesse d’esprit. Aujourd’hui, cette même urgence fonde les projets éducatifs des instituts de l’Assomption. Quel que soit le pays où l’Assomption est à l’œuvre, nous essayons de répondre à l’appel urgent de ce monde et de ce temps, qui ont besoin d’hommes et de femmes habités par une profonde espérance et ouverts à la différence, engagés pour la justice et le respect de la Création, témoins de la joie qui naît de la relation avec Dieu, agents de réconciliation et de dialogue. Comme je l’ai dit précédemment, c’est avec des moyens adaptés aux cultures et aux lieux que nous essayons de former des hommes et des femmes de caractère, avec des convictions profondément évangéliques. Il s’agit de considérer la personne dans toutes ses dimensions (spirituelle, affective, intellectuelle, physique) pour réveiller chez les jeunes le désir d’assumer leur histoire et de s’engager avec passion dans le monde qui est le leur. Nous tâchons d’élargir leur intelligence et de leur apprendre à laisser l’Evangile éclairer leur discernement, en développant un sens critique permettant de se démarquer du consensus et de poser des actes qui interpellent nos contemporains. Le leadership, le sens de la responsabilité et la mentalité de projet, la valorisation de chaque personne et de chaque culture sont des axes importants qui viennent renforcer la formation de l’intelligence et de la foi.
Quels enseignements tirer de la foi de vos parents, première générations de chrétiens dans votre famille?
Mes parents sont partis à la recherche de la vie de foi, particulièrement ma mère qui m’a partagé beaucoup de choses à ce sujet. Cette quête est déjà une leçon pour moi : beaucoup de gens qui, comme moi, ont été baptisés enfants, n’ont pas cette conscience d’une soif qui met en route. On prend ce qu’on vit comme quelque chose de tellement normal que la routine et le manque de motivation ne sont jamais loin. La grâce que j’ai eue, c’est d’avoir eu confiance en ma mère et d’avoir accueilli comme un don, le fait de connaître le Christ, Chemin, Vérité et Vie. Et de fait, cela m’a préparée à vivre plus tard, une expérience du Christ Sauveur et Bon Pasteur.
J’ai compris que la foi est un don à développer ; il faut y travailler, se laisser conduire. La lumière est toujours à chercher, jusqu’à ce qu’elle soit donnée. Il est nécessaire de cultiver le désir de Dieu en nous. Sainte Marie Eugénie écrivait dans une de ses notes intimes : « Je tiens à ma foi comme à quelque chose que j’ai découvert. »
Par mon père, j’ai appris le sens de l’accueil des personnes, sans distinction de races, de cultures ou de pays, etc. Il nous a ouverts à des gens venant de multiples régions du Burkina, à qui il offrait le gîte et le couvert, sans même les connaître vraiment, pourvu qu’ils soient dans le besoin. Il réservait le même accueil aux membres de la famille élargie, de son côté comme du côté de ma mère. Mes parents aimaient partager, même le peu qu’ils avaient, avec le tout-venant. Nous aussi nous avons reçu beaucoup d’aide de la famille élargie et des amis. Je crois que cela m’a donné le goût de l’internationalité et m’a préparée à la vivre.
Comment naît, au Burkina, la vocation d’une religieuse de l’Assomption? Quels jalons, quels obstacles?
Je pourrais nommer mille choses qui sont à l’origine de ma vocation : les conditions de vie, l’éducation chrétienne en famille, la prière d’une mère qui était reconnaissante pour les enfants que Dieu lui a donnés, la rencontre de témoins de la foi dans les Religieuses qui m’ont enseigné au primaire et plus tard, dans le Secondaire. J’ai été marquée aussi par la vie des Frères des écoles chrétiennes qui ont complété ma formation à l’école secondaire de Bobo-Dioulasso. Je crois que si j’avais été un garçon je serais entrée chez eux !
Les obstacles, il y en a toujours : tout d’abord, le désir de faire comme tout le monde, dans une culture où le fait d’avoir des enfants est très important. Le souci d’aider ses parents, de soutenir ses frères quand on est l’aînée de la famille et que ses parents ne peuvent pas soutenir les études des plus jeunes jusqu’au bout, le goût de la réussite sociale quand les études marchent bien… « être quelqu’un », comme on dit communément, c’est-à-dire avoir un bon travail, de l’argent, fonder une famille etc.
A suivre, lundi 27 août 2012