ROME, Mercredi 20 février 2008 (ZENIT.org) - Le 7 février dernier le pape Benoît XVI a reçu les curés et le clergé du diocèse de Rome pour la rencontre traditionnelle du début de carême. La rencontre s'est déroulée sous forme de questions-réponses. Nous publions ci-dessous la cinquième question.

Le dialogue n'exclut pas la mission

 

Père Paul Chungat, vicaire paroissial de « San Giuseppe Cottolengo » - Je m'appelle don Chungat, je suis indien, et actuellement vicaire de la paroisse « San Giuseppe a Valle Aurelia ». Je voudrais vous remercier de l'opportunité que vous m'avez donnée de servir dans le diocèse de Rome pendant trois ans. Cela a été pour moi, pour mes études, d'une grande aide, comme je crois pour tous les prêtres étudiants qui restent à Rome. Désormais, le temps est venu de rentrer dans mon diocèse en Inde, où les catholiques ne représentent qu'un pour cent tandis que quatre-vingt-dix-neuf pour cent sont non chrétiens. J'ai beaucoup réfléchi ces derniers jours sur la situation de l'évangélisation missionnaire dans mon pays. Dans la récente note de la Congrégation pour la doctrine de la foi, on trouve des paroles difficiles à comprendre dans le domaine du dialogue interreligieux. Par exemple au numéro 10, il est écrit « plénitude du salut », et dans la partie introductive on lit « nécessité d'incorporation formelle de l'Eglise ». Il s'agit de concepts difficiles à faire comprendre lorsque j'apporterai cela en Inde et que je devrai parler à mes amis hindous et aux fidèles des autres religions. Ma question est : la plénitude du salut doit-elle être entendue au sens qualitatif ou au sens quantitatif ? Au sens quantitatif, il y a un peu de difficulté. Le Concile Vatican II dit qu'il existe la possibilité d'une semence de lumière dans les autres fois également. Si cela est au sens qualitatif, au-delà de l'historicité et de la plénitude de la foi, quels autres éléments y a-t-il pour montrer l'unicité de notre foi par rapport au dialogue interreligieux ?

Benoît XVI - Merci de cette intervention. Vous savez bien qu'au vu de l'ampleur de vos questions on aurait besoin d'un semestre de théologie. J'essaierai d'être bref. Vous connaissez la théologie, il y a des grands maîtres et beaucoup de livres. Tout d'abord merci pour votre témoignage, parce que vous dites être heureux de travailler à Rome bien que vous soyez indien. Pour moi, il s'agit d'un phénomène merveilleux de la catholicité. A présent, non seulement les missionnaires vont d'occident vers les autres continent, mais il y a un échange de dons : des Indiens, des Africains, des Sud-américains travaillent chez nous et les nôtres se rendent sur les autres continents. Chacun donne et reçoit de toutes parts ; c'est précisément cela la catholicité, où nous sommes tous débiteurs des dons du Seigneur, et nous pouvons ensuite donner les uns aux autres. C'est dans cette réciprocité des dons, où l'on donne et où l'on reçoit, que vit l'Eglise catholique. Vous pouvez apprendre de ces milieux occidentaux et de ces expériences, et nous, tout autant que vous. Je constate que c'est précisément cet esprit de religiosité qui existe en Asie, comme en Afrique, qui surprend les Européens qui sont souvent un peu froids dans la foi. Et ainsi cette vivacité, tout du moins de l'esprit religieux qui existe sur ces continents, est un grand don pour nous tous, en particulier pour nous les évêques du monde occidental et en particulier des pays où le phénomène de l'immigration, des Philippines, de l'Inde, etc. est plus marqué. Notre catholicisme est ravivé par cette ferveur qui vient de chez vous. La catholicité est donc un grand don.

Venons-en aux questions que vous m'avez posées. Je n'ai pas devant moi à présent les paroles exactes du document de la Congrégation pour la doctrine de la foi que vous avez évoqué ; quoi qu'il en soit je voudrais dire deux choses. D'une part le dialogue est absolument nécessaire, nous devons nous connaître réciproquement, nous respecter et essayer de collaborer de toutes les manières possibles pour les grands objectifs de l'humanité, et pour ses grands besoins, pour dépasser les fanatismes et créer un esprit de paix et d'amour. Et cela est aussi dans l'esprit de l'Evangile, dont le sens est précisément que l'esprit d'amour, que nous avons appris de Jésus, la paix de Jésus qu'Il nous a donnée à travers la croix, deviennent présents universellement dans le monde. En ce sens, le dialogue doit être un vrai dialogue, dans le respect de l'autre et dans l'acceptation de son altérité ; mais il doit être également évangélique, au sens que son but fondamental est d'aider les hommes à vivre dans l'amour et à faire en sorte que cet amour puisse s'étendre dans toutes les parties du monde.

Mais cette dimension du dialogue, si nécessaire, celle du respect de l'autre, de la tolérance, de la coopération, n'exclut pas l'autre, à savoir que l'Evangile est un grand don, le don du grand amour, de la grande vérité, que nous ne pouvons pas avoir uniquement pour nous-mêmes, mais que nous devons offrir, en considérant que Dieu leur donne la liberté et la lumière nécessaires pour trouver la vérité. C'est cela la vérité. Et donc cela est aussi ma route. La mission n'est pas une imposition, mais c'est offrir le don de Dieu, en laissant sa bonté illuminer les personnes afin que s'étende le don de l'amitié concrète avec le Dieu au visage humain. C'est pourquoi nous voulons et nous devons toujours témoigner de cette foi et de l'amour qui vit dans notre foi. Nous aurions négligé un véritable devoir, humain et divin, si nous avions laissé les autres seuls et si nous avions gardé pour nous la foi que nous possédons. Nous serions infidèles également à nous-mêmes si nous n'offrions pas cette foi au monde, tout en respectant la liberté des autres. La présence de la foi dans le monde est un élément positif, même si l'on ne convertit personne ; c'est un point de référence.

Des représentants de religions m'ont dit que pour eux, la présence du christianisme est un point de référence qui les aide, même s'ils ne se convertissent pas. Pensons à la grande figure du Mahatma Gandhi : tout en étant fermement lié à sa religion, pour lui le Discours sur la montagne était un point fondamental de référence, qui a façonné toute sa vie. Et ainsi le ferment de la foi, même s'il ne l'a pas converti au christianisme, est entré dans sa vie. Et il me semble que ce ferment de l'amour chrétien qui transparaît dans l'Evangile est - au-delà du travail missionnaire qui tente d'élargir les espaces de la foi - un service que nous rendons à l'humanité.

Pensons à saint Paul. Récemment, j'ai à nouveau approfondi sa motivation missionnaire. J'en ai également parlé à la Curie à l'occasion de la rencontre de fin d'année. Il était ému par la Parole du Seigneur dans son sermon eschatologique. Avant tout avènement, avant le retour du Fils de l'homme, l'Evangile doit être prêché à toutes les nations. La condition pour que le monde atteigne sa perfection, pour qu'il s'ouvre au paradis, est que l'Evangile soit annoncé à tous. Il consacra tout son zèle missionnaire afin que l'Evangile puisse arriver à tous, si possible déjà à ceux de sa génération, pour répondre au commandement du Seigneur « pour qu'il soit annoncé à toutes les nations ». Son souhait n'était pas tant de baptiser toutes les nations, mais que l'Evangile soit présent dans le monde et qu'ainsi s'accomplisse l'histoire en tant que telle. Il me semble qu'aujourd'hui, en observant le cheminement de l'histoire, on comprend mieux que cette présence de la Parole de Dieu, que cette annonce qui arrive à tous comme un ferment, est nécessaire pour que le monde puisse réellement atteindre son objectif. En ce sens, il est vrai que nous souhaitons la conversion de tous, mais nous laissons agir le Seigneur à cette fin. L'important est que celui qui souhaite se convertir en ait la possibilité et que pour tous apparaisse sur le monde cette lumière du Seigneur comme point de référence et comme lumière qui aide, sans laquelle le monde ne peut pas se trouver lui-même. Je ne sais pas si j'ai été clair : le dialogue et la mission non seulement ne s'excluent pas, mais l'un requiert l'autre.

 

© Copyright du texte original en italien : Libreria editrice vaticana

Traduit de l'italien par Zenit

Audience générale du 20 février : saint Augustin (IV)

ROME, Mercredi 20 février 2008 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de la catéchèse donnée par le pape Benoît XVI au cours de l’audience générale, ce mercredi, dans la salle Paul VI du Vatican.

Avant de prononcer sa catéchèse, le pape a salué les pèlerins rassemblés dans la basilique Saint-Pierre. Voici ce qu’il a dit en français :

Chers pèlerins de langue française, je vous accueille avec joie auprès de la tombe de Pierre. Que la démarche spirituelle que vous accomplissez ici, en ce temps de Carême, affermisse votre foi au Christ et votre amour de l’Église. En vous confiant à l’intercession de la Bienheureuse Vierge Marie, je vous assure de ma prière pour vous et pour vos familles, et à toutes vos intentions. Avec ma Bénédiction apostolique.

Catéchèse de Benoît XVI

Chers frères et sœurs,

Après la pause des exercices spirituels de la semaine dernière nous revenons aujourd’hui à la grande figure de saint Augustin, duquel j’ai déjà parlé à plusieurs reprises dans les catéchèses du mercredi. C’est le Père de l’Eglise qui a laissé l’œuvre la plus vaste, et c’est de celle-ci que j’entends aujourd’hui brièvement parler. Certains des écrits d’Augustin sont d’une importance capitale, pas seulement pour l’histoire du christianisme, mais pour la formation de toute la culture occidentale : l’exemple le plus clair est celui des « Confessions » (Confessiones), sans aucun doute l’un des livres de l’antiquité chrétienne le plus lu aujourd’hui encore. Comme différents Pères de l’Eglise des premiers siècles, mais dans une mesure incomparablement plus vaste, l’évêque d’Hippone a en effet lui aussi exercé une influence étendue et persistante, comme il ressort déjà de la surabondante traduction manuscrite de ses œuvres, qui sont vraiment très nombreuses.

Il les passa lui-même en revue quelques années avant de mourir dans les « Rétractations » (Retractationes) et, peu après sa mort, celles-ci furent soigneusement enregistrées dans l’Indiculus (« liste ») ajouté par son fidèle ami Possidius à la biographie de saint Augustin « Vie de saint Augustin » (Vita Augustini). La liste des œuvres d’Augustin fut réalisée avec l’intention explicite d’en conserver la mémoire alors que l’invasion vandale se répandait dans toute l’Afrique romaine et elle compte plus de mille trois cents écrits, numérotés par leur auteur, ainsi que d’autres « que l’on ne peut pas numéroter, car il n’y a placé aucun numéro ». Evêque d’une ville voisine, Possidius dictait ces paroles précisément à Hippone – où il s’était réfugié et où il avait assisté à la mort de son ami – et il se basait presque certainement sur le catalogue de la bibliothèque personnelle d’Augustin. Aujourd’hui, plus de trois cents lettres ont survécu à l’évêque d’Hippone et presque six cents homélies, mais à l’origine ces dernières étaient beaucoup plus nombreuses, peut-être même entre trois mille et quatre mille, fruit de quarante années de prédication de l’antique rhéteur qui avait décidé de suivre Jésus et de parler non plus aux grandes cours impériales, mais à la simple population d’Hippone.

Et encore ces dernières années, la découverte d’un groupe de lettres et de plusieurs homélies a enrichi notre connaissance de ce grand Père de l’Eglise. « De nombreux livres – écrit Possidius – furent composés par lui et publiés, de nombreuses prédications furent tenues à l’église, transcrites et corrigées, aussi bien pour réfuter les divers hérétiques que pour interpréter les Saintes Ecritures, en vue de l’édification de saints fils de l’Eglise. Ces œuvres – souligne son ami évêque – sont si nombreuses qu’un chercheur a difficilement la possibilité de les lire et d’apprendre à les connaître » (Vita Augustini, 18, 9).

Parmi la production d’Augustin – plus de mille publications subdivisées en écrits philosophiques, apologétiques, doctrinaux, moraux, monastiques, exégétiques, anti-hérétiques, en plus des lettres et des homélies – ressortent plusieurs œuvres exceptionnelles de grande envergure théologique et philosophique. Il faut tout d’abord rappeler les Confessiones mentionnées ci-dessus, écrites en treize livres entre 397 et 400 pour louer Dieu. Elles sont une sorte d’autobiographie sous forme de dialogue avec Dieu. Ce genre littéraire reflète précisément la vie de saint Augustin, une vie qui n’était pas refermée sur elle, dispersée en tant de choses, mais vécue substantiellement comme un dialogue avec Dieu, et ainsi une vie avec les autres. Le titre Confessiones indique déjà la spécificité de cette autobiographie. Ce mot confessiones, dans le latin chrétien développé par la tradition des Psaumes, possède deux significations, qui toutefois se recoupent. Confessiones indique, en premier lieu, la confession des propres faiblesses, de la misère des péchés ; mais, dans le même temps, confessiones signifie louange de Dieu, reconnaissance à Dieu. Voir sa propre misère à la lumière de Dieu devient louange à Dieu et action de grâce, car Dieu nous aime et nous accepte, nous transforme et nous élève vers lui-même. A propos de ces Confessiones qui eurent un grand succès déjà du vivant de saint Augustin, il a lui-même écrit : « Elles ont exercé sur moi une profonde influence alors que je les écrivais et elles l’exercent encore quand je les relis. Il y a de nombreux frères à qui ces œuvres plaisent » (Retractationes, II, 6): et je dois dire que je suis moi aussi l’un de ces « frères ». Et grâce aux Confessiones nous pouvons suivre pas à pas le chemin intérieur de cet homme extraordinaire et passionné de Dieu. Moins connues, mais tout aussi importantes et originales sont les Retractationes, composées en deux livres autour de 427, dans lesquelles saint Augustin, désormais âgé, accomplit une œuvre de « révision » (retractatio) de toute son œuvre écrite, laissant ainsi un document littéraire original et précieux, mais également un enseignement de sincérité et d’humilité intellectuelle.

« La Cité de Dieu » (De civitate Dei) – une œuvre imposante et décisive pour le développement de la pensée politique occidentale et pour la théologie chrétienne de l’histoire – fut écrit entre 413 et 426 en vingt-deux livres. Elle a été écrite à l’occasion du sac de Rome perpétré par les Goths en 410. De nombreux païens encore vivants, mais également de nombreux chrétiens, avaient dit : Rome est tombée, à présent le Dieu chrétien et les apôtres ne peuvent pas protéger la ville. Pendant la présence des divinités païennes, Rome était caput mundi, la grande capitale, et personne ne pouvait penser qu’elle serait tombée entre les mains des ennemis. A présent, avec le Dieu chrétien, cette grande ville n’apparaissait plus sûre. Le Dieu des chrétiens ne protégeait donc pas, il ne pouvait pas être le Dieu auquel se confier. A cette objection, qui touchait aussi profondément le cœur des chrétiens, saint Augustin répond par cette œuvre grandiose, le De civitate Dei, en clarifiant ce que nous devons attendre ou pas de Dieu, quelle est la relation entre le domaine politique et le domaine de la foi, de l’Eglise. Ce livre est aujourd’hui encore une source pour bien définir la vraie laïcité et la compétence de l’Eglise, la grande et vraie espérance que nous donne la foi.

Ce grand livre est une présentation de l’histoire de l’humanité gouvernée par la Providence divine, mais actuellement divisée par deux amours. Et cela est le dessein fondamental, son interprétation de l’histoire, qui est la lutte entre deux amours : l’amour de soi « jusqu’à l’indifférence envers Dieu », et l’amour de Dieu « jusqu’à l’indifférence envers soi » (De civitate Dei, XIV, 28), à la pleine li
berté de soi pour les autres dans la lumière de Dieu. Il s’agit donc peut-être du plus grand livre de saint Augustin, d’une importance permanente. Tout aussi important est « De la Trinité » (De Trinitate), une œuvre en quinze livres sur le noyau principal de la foi chrétienne, écrite en deux temps : entre 399 et 412 pour les douze premiers livres, publiés à l’insu d’Augustin, qui vers 420 les compléta et revit l’œuvre tout entière. Il réfléchit ici sur le visage de Dieu et cherche à comprendre ce mystère du Dieu qui est unique, l’unique créateur du monde, de nous tous, et toutefois, précisément ce Dieu unique est trinitaire, un cercle d’amour. Il cherche à comprendre le mystère insondable : l’être trinitaire, en trois Personnes, est précisément la plus réelle et la plus profonde unité de l’unique Dieu. « De la Doctrine chrétienne » (De doctrina Christiana) est, en revanche, une véritable introduction culturelle à l’interprétation de la Bible et en définitive au christianisme lui-même, qui a eu une importance décisive dans la formation de la culture occidentale.

Malgré toute son humilité, Augustin fut certainement conscient de son envergure intellectuelle. Mais pour lui, il était plus important d’apporter le message chrétien aux simples, que de faire des œuvres de grande envergure théologique. Cette profonde intention, qui a guidé toute sa vie, ressort d’une lettre écrite à son collège Evodius, où il communique la décision de suspendre pour le moment la dictée des livres du De Trinitate, « car ils sont trop difficiles et je pense qu’ils ne pourront être compris que par un petit nombre ; c’est pourquoi il est plus urgent d’avoir des textes qui, nous l’espérons, seront utiles à un grand nombre » (Epistulae, 169, 1, 1). Il était donc plus utile pour lui de communiquer la foi de manière compréhensible à tous, que d’écrire de grandes œuvres théologiques. La responsabilité perçue avec acuité à l’égard de la divulgation du message chrétien est ensuite à l’origine d’écrits tels que le De catechizandis rudibus, une théorie et également une pratique de la catéchèse, ou le Psalmus contra partem Donati. Les donatistes étaient le grand problème de l’Afrique de saint Augustin, un schisme volontairement africain. Ils affirmaient que la vraie chrétienté est africaine. Ils s’opposaient à l’unité de l’Eglise. Le grand évêque a lutté toute sa vie contre ce schisme en cherchant à convaincre les donatistes que l’africanité ne peut être vraie que dans l’unité. Et pour se faire comprendre des gens simples, qui ne pouvaient pas comprendre le grand latin du rhéteur, il a dit : je dois aussi écrire avec des fautes de grammaire, dans un latin très simplifié. Ce qu’il l’a fait surtout dans ce Psalmus, une sorte de poésie simple contre les donatistes, pour aider tous les gens à comprendre que ce n’est que dans l’unité de l’Eglise que se réalise réellement pour tous notre relation avec Dieu et que grandit la paix dans le monde.

Dans cette production, destinée à un plus vaste public, revêt une importance particulière le grand nombre des homélies souvent prononcées de manière improvisée, transcrites par les tachygraphes au cours de la prédication et immédiatement mises en circulation. Parmi celles-ci, ressortent les très belles Enarrationes in Psalmos, fréquemment lues au moyen-âge. C’est précisément la pratique de la publication des milliers d’homélies d’Augustin – souvent sans le contrôle de l’auteur – qui explique leur diffusion et leur dispersion successive, mais également leur vitalité. En effet, en raison de la renommée de leur auteur, les prédications de l’évêque d’Hippone devinrent immédiatement des textes très recherchés et servirent de modèles, adaptés à des contextes toujours nouveaux.

La tradition iconographique, déjà visible dans une fresque du Latran remontant au VIe siècle, représente saint Augustin avec un livre à la main, certainement pour exprimer sa production littéraire, qui influença tant la mentalité et la pensée des chrétiens, mais aussi pour exprimer son grand amour pour les livres, pour la lecture et la connaissance de la grande culture précédente. A sa mort il ne laissa rien, raconte Possidius, mais « il recommandait toujours de conserver diligemment pour la postérité la bibliothèque de l’église avec tous les codex », en particulier ceux de ses œuvres. Dans celles-ci, souligne Possidius, Augustin est « toujours vivant » et ses écrits sont bénéfiques à ceux qui les lisent, même si, conclut-il, « je crois que ceux qui purent le voir et l’écouter quand il parlait en personne à l’église, ont pu davantage tirer profit de son contact, et surtout ceux qui parmi les fidèles partagèrent sa vie quotidienne » (Vita Augustini, 31). Oui, il aurait été beau pour nous aussi de pouvoir l’entendre vivant. Mais il est réellement vivant dans ses écrits, il est présent en nous et ainsi nous voyons aussi la vitalité permanente de la foi pour laquelle il a donné toute sa vie.

Puis le pape a lu le résumé de sa catéchèse, en français :

Chers Frères et Sœurs,

Nous reprenons aujourd’hui notre parcours catéchétique sur saint Augustin. De tous les Pères de l’Église, il est celui qui a laissé l’œuvre la plus vaste. Parmi les textes les plus importants, il faut d’abord mentionner Les confessions, grâce auxquelles nous pouvons suivre pas à pas le chemin intérieur de cet homme passionné de Dieu. Les rétractations, écrites à la fin de sa vie, dans lesquelles l’évêque d’Hippone revient sur l’ensemble de son œuvre écrite, nous laissent un document précieux et un beau témoignage d’humilité intellectuelle.

La Cité de Dieu évoque l’histoire de l’humanité gouvernée par la Providence divine, mais où s’opposent deux amours : l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu et l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi. Citons encore d’autres ouvrages doctrinaux importants comme le De la Trinité ou De la Doctrine chrétienne, auxquels cependant Augustin ne donna jamais la priorité sur la rédaction d’œuvres de portée plus pastorale. Rédigés à l’intention des gens les plus simples, pour les catéchiser ou pour préserver les fidèles de l’hérésie, ces écrits nous font voir la sollicitude du pasteur et son souci d’annoncer l’Évangile.

De ses quarante années de prédication, il nous reste près de six cents homélies. Trois cents lettres complètent ce trésor à travers lequel saint Augustin nous demeure présent, nous enseigne l’Écriture et édifie l’Église.

Je salue les pèlerins francophones, en particulier les nombreux jeunes des écoles, collèges et lycées de France, notamment ceux de Fénelon Sainte-Marie et de Gerson. Je vous encourage à fréquenter saint Augustin, afin qu’il vous ouvre à l’intelligence des Écritures et qu’il fortifie votre attachement au Christ. Avec ma Bénédiction apostolique.

© Copyright du texte original plurilingue  : Librairie Editrice du Vatican