Il y a un an, la lettre de Benoît XVI aux catholiques de Terre Sainte

« Je me sens spirituellement présent dans chacune de vos Eglises »

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ROME, Mardi 18 décembre 2007 (ZENIT.org) – « Je me sens spirituellement présent dans chacune de vos Eglises particulières », disait Benoît XVI aux catholiques de Terre Sainte, à la veille du Noël 2006.

Le Vatican a rappelé, lundi, qu’il y a un an bientôt, le pape Benoît XVI avait adressé une lettre aux catholiques de Terre Sainte : le P. Federico Lombardi en soulignait l’actualité pour aujourd’hui encore, à l’occasion d’une rencontre avec la presse. Le texte en a été distribué à nouveau par la salle de presse du Saint-Siège.

Nous publions ci-dessous le texte officiel en français de ce message de Benoît XVI, en date du 21 décembre 2006, et publié par le Vatican le 25 décembre 2006.

MESSAGE DU PAPE BENOÎT XVI AUX CATHOLIQUES DU MOYEN-ORIENT

A mes vénérés frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce

Aux très chers frères et soeurs catholiques

de la région du Moyen-Orient

Plongés dans la lumière de Noël, nous contemplons la présence du Verbe qui a installé sa tente parmi nous. Il est « la lumière qui luit dans les ténèbres » et qui nous « a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu » (cf. Jn 1, 5.12). En ce temps tellement significatif pour la foi chrétienne, je souhaite vous adresser une pensée particulière, frères et soeurs catholiques, qui vivez dans les régions du Moyen-Orient:  je me sens spirituellement présent dans chacune de vos Eglises particulières, même la plus petite, pour partager avec vous l’anxiété et l’espérance avec laquelle vous attendez le Seigneur Jésus, Prince de la Paix. Qu’à tous parvienne la formule de voeux biblique, que saint François d’Assise fit sienne lui aussi:  Que le Seigneur vous donne la paix.

Je m’adresse avec affection aux communautés qui sont et se sentent un « petit troupeau » que ce soit à cause du nombre réduit de frères et de soeurs (cf. Lc 12, 32), ou parce qu’elles vivent dans des sociétés composées d’une large majorité de croyants d’autres religions, ou bien encore en raison des circonstances présentes, où certaines de vos nations d’appartenance traversent de sérieux problèmes et difficultés. Je pense avant tout aux pays marqués par de fortes tensions et souvent soumis à des épisodes d’une terrible violence qui, en plus de causer de graves destructions, frappent sans pitié des personnes sans défense et innocentes. Les nouvelles quotidiennes qui arrivent du Moyen-Orient ne font que montrer une aggravation de situations dramatiques, presque sans issue. Ce sont des événements qui suscitent naturellement chez ceux qui s’y trouvent impliqués de la protestation et de la colère et qui prédisposent les âmes à une volonté de revanche et de vengeance.

Nous savons que ce ne sont pas là des sentiments chrétiens; y céder rend intérieurement durs et rancuniers, bien loin de cette « douceur et humilité » dont le Christ s’est voulu le modèle (cf. Mt 11, 29). L’on perdrait ainsi l’occasion d’offrir une contribution proprement chrétienne à la solution des très graves problèmes de notre époque. Il ne serait en aucun cas raisonnable, en particulier en ce moment, de perdre du temps à s’interroger sur qui a le plus souffert ou de vouloir présenter le compte des torts subis, en énumérant les raisons qui militent en faveur de la thèse de chacun. Cela a souvent été fait par le passé, avec des résultats pour le moins décevants. La souffrance, au fond, est commune à tous, et lorsque quelqu’un souffre, il doit ressentir avant tout le désir de comprendre combien peut souffrir l’autre qui se trouve dans une situation analogue. Le dialogue patient et humble, fait d’écoute réciproque et visant à la compréhension de la situation d’autrui a déjà porté des fruits de bien dans des pays précédemment dévastés par la violence et par les vengeances. Un peu plus de confiance dans l’humanité de l’autre, en particulier s’il souffre, ne peut que donner de bons résultats. Cette disposition intérieure est aujourd’hui invoquée avec raison de nombreuses parts.

Je pense constamment aux communautés catholiques de vos pays et avec une préoccupation plus aiguë encore en ce temps de Noël. C’est vers vos terres que nous porte l’étoile vue par les Mages, l’étoile qui les guida à la rencontre de l’Enfant avec Marie sa Mère (cf. Mt 2, 11). En terre d’Orient, Jésus offrit sa vie et ainsi « des deux peuples n’en a fait qu’un, détruisant la barrière qui les séparait [qui est] la haine » (Ep 2, 14). C’est là qu’Il dit à ses disciples:  « Allez dans le monde entier, proclamez l’Evangile à toute la création » (Mc 16, 15). C’est là que l’on eut recours, pour la première fois, à la dénomination de chrétien pour désigner les disciples du Maître (cf. Ac 11, 26). C’est là que naquit et se développa l’Eglise des grands Pères et fleurirent des traditions spirituelles et liturgiques riches et diverses.

A vous, chers frères et soeurs, héritiers de ces traditions, j’exprime avec affection ma proximité personnelle dans la situation d’insécurité humaine, de souffrance quotidienne, de peur et d’espérance que vous êtes en train de vivre. Avant tout, je répète à vos communautés les paroles du Rédempteur:  « Sois sans crainte, petit troupeau, car votre père s’est complu à vous donner le royaume » (Lc 12, 32). Vous pouvez compter sur ma totale solidarité dans les circonstances actuelles. Je sais pouvoir également me faire le porte-parole de la solidarité de l’Eglise universelle. Qu’aucun fidèle catholique du Moyen-Orient, avec sa communauté d’appartenance, ne se sente donc seul et abandonné. Vos Eglises sont accompagnées dans leur chemin difficile par la prière et par le soutien caritatif des Eglises particulières du monde entier, à l’exemple et selon l’esprit de l’Eglise naissante (cf. Ac 11, 29-30).

Dans les circonstances actuelles, marquées par peu de lumières et par trop d’ombres, c’est pour moi un motif de réconfort et d’espérance de savoir que les communautés chrétiennes du Moyen-Orient,  dont les souffrances intenses sont bien présentes à mon esprit, continuent à être des communautés vivantes et actives, décidées à témoigner de leur foi avec leur identité spécifique dans  les  sociétés  qui  les entourent. Elles désirent pouvoir contribuer de manière constructives à soulager les nécessités urgentes de leurs sociétés respectives et de toute la région. Dans sa première Lettre, écrivant à des communautés plutôt pauvres et laissées-pour-compte, qui ne comptaient pas beaucoup dans la société de l’époque et étaient également persécutées, saint Pierre n’hésitait pas à dire que leur situation difficile devait être considérée comme une « grâce » (cf. 1, 7-11). En effet, n’est-ce pas une grâce de pouvoir participer aux souffrances du Christ, en s’unissant à l’action avec laquelle Il a pris sur Lui nos péchés pour les expier? Que les communautés catholiques, qui vivent souvent dans des situations difficiles soient conscientes de la puissante force qui provient de leur souffrance acceptée avec amour. C’est une souffrance qui peut changer le coeur de l’autre et le coeur du monde. J’encourage donc chacun à poursuivre avec persévérance sur son chemin, soutenu par la conscience du « prix » par lequel le Christ l’a racheté (cf. 1 Co 6, 20). Certes, la réponse à la vocation chrétienne personnelle est d’autant plus difficile pour les membres de ces communautés qui sont en minorité et souvent peu significatives par leur nombre dans les sociétés dans lesquelles elles vivent. Toutefois, « la lumière peut être faible dans une maison – écrivirent vos Patriarches dans leur Lettre pastorale de la Pâque 1992 -, mais elle éclaire toute la maison. Le sel est un élément infime dans les aliments, mais c’est lui qui donne la saveur. Le levain est peu de chose dans la pâte, mais c’est lui qui la fait lever et la prépare à devenir du pain ». Je fais mienne ces paroles et j’encourage les Paste
urs catholiques à persévérer dans leur ministère, en cultivant l’unité entre eux et en restant toujours proches de leur troupeau. Qu’ils sachent que le Pape partage les angoisses, les espérances et les exhortations exprimées dans leurs Lettres annuelles et dans l’accomplissement quotidien de leurs devoirs sacrés. Il les encourage dans leur effort pour soutenir et renforcer dans la foi, dans l’espérance et dans la charité le troupeau qui leur a été confié. Leur présence dans les communautés des divers pays de la région constitue, entre autres, un élément qui peut grandement favoriser l’oecuménisme.

Depuis longtemps on observe que de nombreux chrétiens quittent le Moyen-Orient, si bien que les Lieux Saints risquent de devenir des sites archéologiques, privés de vie ecclésiale. Certes, des situations géopolitiques dangereuses, des conflits culturels, des intérêts économiques et stratégiques, ainsi qu’une agressivité que l’on cherche à justifier en lui attribuant une origine sociale ou religieuse, rendent difficile la survie des minorités et c’est pourquoi de nombreux chrétiens sont conduits à céder à la tentation d’émigrer. Souvent le mal peut être d’une certaine manière irréparable. N’oublions pas, toutefois, que même le simple fait d’être proches et de vivre ensemble une souffrance commune agit comme un baume sur les blessures et dispose à des pensées et des oeuvres de réconciliation et de paix. Il en naît un dialogue familier et fraternel qui, avec le temps et la grâce de l’Esprit, pourra se transformer en un dialogue  à  un niveau plus large:  culturel,  social  et  même politique. Le croyant sait d’ailleurs qu’il peut compter sur une espérance qui ne déçoit pas, parce qu’elle se fonde sur la présence du Ressuscité. C’est de Lui que vient l’engagement dans la foi et l’activité dans la charité (cf. 1 Th 1, 3). Dans les difficultés, même les plus douloureuses, l’espérance chrétienne atteste que la résignation passive et le pessimisme sont le véritable grand danger qui menace la réponse à la vocation qui naît du Baptême. Il peut en dériver de la défiance, de la peur, de la commisération sur soi-même, du fatalisme et la fuite.

A l’heure présente, il est demandé aux chrétiens d’être courageux et déterminés avec la force de l’Esprit du Christ, en sachant pouvoir compter sur la proximité de leurs frères dans la foi, présents à travers le monde. Saint Paul, écrivant aux Romains, déclare ouvertement qu’il n’y a rien de commun entre les souffrances que nous supportons ici-bas et la gloire qui nous attend (cf. 8, 18). De même, saint Pierre dans sa première Lettre nous rappelle que nous chrétiens, même affligés par diverses épreuves, nous avons une espérance plus grande qui nous remplit le coeur de joie (cf. 1, 6). Saint Paul affirme encore avec conviction dans sa seconde Lettre aux Corinthiens, que le « Dieu de toute consolation […] nous console dans toute notre tribulation, afin que, par la consolation que nous-même recevons de Dieu, nous puissions consoler les autres en quelque tribulation que ce soit » (1, 3-4). Nous savons bien que la consolation promise par l’Esprit Saint n’est pas faite simplement de bonnes paroles, mais qu’elle se traduit par un élargissement de l’esprit et du coeur, afin de pouvoir voir sa propre situation dans le cadre plus large de toute la création soumise aux douleurs de l’accouchement en attente de la révélation des fils de Dieu (cf. Rm 8, 19-25). Dans cette perspective, chacun peut arriver à penser davantage aux souffrances de l’autre qu’aux siennes, davantage aux souffrances communes qu’aux souffrances privées, et à se préoccuper de faire quelque chose pour que l’autre ou les autres comprennent que leurs souffrances sont comprises et accueillies et que l’on souhaite, autant que faire se peut, leur apporter un remède.

A travers vous, très chers frères, je souhaite m’adresser également à vos concitoyens, hommes et femmes des diverses confessions chrétiennes, des diverses religions et à tous ceux qui cherchent avec honnêteté la paix, la justice, la solidarité, à travers l’écoute réciproque et le dialogue sincère. A tous je dis:  persévérez avec courage et confiance! A tous ceux qui ont la responsabilité de guider les événements, ensuite, je demande une sensibilité, une attention et une proximité concrète qui dépassent les calculs et les stratégies, afin que s’édifient des sociétés plus justes et plus pacifiques, dans le respect véritable de tout être humain.

Comme vous le savez, très chers frères et soeurs, j’espère vivement que la Providence  fasse  en sorte que les circonstances me permettent d’effectuer un pèlerinage sur la Terre rendue Sainte par les événements de l’Histoire du Salut. J’espère ainsi pouvoir prier à Jérusalem « patrie de coeur de tous les descendants spirituels d’Abraham, qui la chérissent tout particulièrement » (Jean-Paul II, Redemptionis anno, AAS LXXVI, 1984, 625). Je suis en effet convaincu qu’elle peut être élevée « comme un symbole de rassemblement, d’union et de paix pour toute la famille humaine » (ibid., p. 629). Dans l’attente que se réalise ce désir, je vous encourage à poursuivre sur la voie de la confiance, en accomplissant des gestes d’amitié et de bonne volonté. Je veux parler à la fois des gestes simples et quotidiens, déjà depuis longtemps pratiqués dans vos régions par beaucoup de gens humbles qui ont toujours traité avec égard toutes les personnes, et des gestes en quelque sorte héroïques, inspirés par le respect authentique pour la dignité humaine, dans la tentative de trouver des issues à des situations de graves conflits. La paix est un bien si grand et urgent qu’il justifie même de grands sacrifices de la part de tous.

Comme l’écrivait mon vénéré Prédécesseur, le Pape Jean-Paul II, « il n’y a pas de paix sans justice ». C’est pourquoi il est nécessaire que soient reconnus et respectés les droits de chacun. Jean-Paul II ajoutait toutefois:  « Il n’y a pas de justice sans pardon ». Normalement sans transiger sur les erreurs passées, l’on ne peut pas arriver à un accord qui permette de rétablir le dialogue en vue de collaborations futures. Le pardon, dans ce cas, est une condition indispensable pour être libre de projeter un nouvel avenir. Du pardon donné et reçu peuvent naître et se développer beaucoup d’oeuvres de solidarité, dans la perspective de celles qui existent déjà amplement dans vos régions à l’initiative de l’Eglise aussi bien que des gouvernements et des instances non gouvernementales.

Le chant des Anges au-dessus de la grotte de Bethléem – « Paix sur la terre aux hommes que Dieu aime » – prend ces jours-ci tout son poids et produit dès à présent les fruits que l’on recevra en plénitude dans la vie éternelle. Mon souhait est que le temps de Noël marque un terme ou tout au moins apporte un soulagement aux trop nombreuses souffrances et donne à de nombreuses familles ce supplément d’espérance qui est nécessaire pour persévérer dans la tâche difficile de promouvoir la paix dans un monde encore si déchiré et divisé. Très chers frères et soeurs, soyez assurés que la fervente prière du Pape et de toute l’Eglise vous accompagne sur ce chemin. Que l’intercession et l’exemple des très nombreux martyrs et saints, qui dans vos terres ont rendu un courageux témoignage au Christ, vous soutiennent et vous renforcent dans votre foi. Et que la Sainte Famille de Nazareth veille sur vos bonnes intentions et sur vos engagements.

Avec ces sentiments, je donne de tout coeur à chacun de vous une Bénédiction apostolique particulière, en gage de mon affection et de mon souvenir constant.

Du Vatican, le 21 décembre 2006

© Copyright : Libreria Editrice Vaticana

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ZENIT Staff

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