ROME, Lundi 3 décembre 2007 (ZENIT.org) – « Qu’est-ce que les chrétiens ont à offrir au monde ? » demande le P. Federico Lombardi, sj, directeur de la salle de presse du Saint-Siège, dans son commentaire de l’encyclique de Benoît XVI sur l’espérance chrétienne, « Spe salvi », pour Radio Vatican.
Face à la fatigue et à l’obscurité du présent, pour marcher avec confiance vers un but, nous avons besoin d’une espérance fiable et « substantielle », c’est-à-dire qui ne soit pas faite de paroles vides ou de comportements purement subjectifs : une espérance qui change vraiment notre vie.
Telle est l’espérance donnée à qui croit dans le Dieu qui est Amour. L’espérance qui vise à se plonger à la fin dans son amour infini, à l’embrasser et être embrassé par lui, pas seulement individuellement mais ensemble, dans une rencontre qui rétablisse la justice, la vie et le salut, au-delà de toutes les injustices, et des absurdités de l’histoire de ce monde.
En consacrant sa seconde encyclique à l’espérance, Benoît XVI a relevé avec acuité l’un des problèmes les plus urgents et les plus dramatiques de notre temps, mais il ne s’arrête pas à une description facile de la désespérance répandue dans le monde, il affronte plutôt avec humilité et courage une longue série d’interrogations difficiles – qu’il ne fuit pas, et qu’au contraire, il va chercher – pour mettre les questions et les doutes de l’homme contemporain en contact direct avec les réponses de la foi.
L’espérance chrétienne n’est-elle pas une attitude vide, purement subjective ? Quel sens cela a-t-il de parler de « vie éternelle » ? Est-ce que ce ne sont pas des mots qui non seulement évoquent un ennui infini, mais enferment aussi le chrétien dans un individualisme blâmable ? Qui l’éloignent de l’engagement dans le monde et de la responsabilité de lutter pour le transformer, dès maintenant, par la force de la raison et de la science, en un règne de plus grande justice et plus grande liberté ?
Le pape retourne ces interrogations en indiquant la vraie nature de l’espérance chrétienne et en la présentant comme incarnée dans la vie concrète de figures lumineuses de martyrs et de témoins de différentes époques de l’Eglise jusqu’à aujourd’hui. Et pas seulement. Le pape est aussi convaincu que le refus de la foi et de l’espérance chrétienne – au fond, le refus de Dieu – conduit finalement l’homme à se perdre lui-même. Pour le dire avec les mots – impressionnants – de Kant : « le règne de l’homme seul » se réduit à la « fin perverse de toutes choses ».
Mais l’esprit du raisonnement de Benoît XVI ne conduit pas du tout à une critique purement négative, au contraire, il se place une fois encore dans une perspective de dialogue, d’aide réciproque entre la raison et la foi. Dans un passage central, il affirme qu’une « autocritique de l’ère moderne dans un dialogue avec le christianisme et avec sa conception de l’espérance est nécessaire. Dans un tel dialogue, même les chrétiens, dans le contexte de leurs connaissances et de leurs expériences, doivent apprendre de manière renouvelée en quoi consiste véritablement leur espérance, ce qu’ils ont à offrir au monde et ce que, à l’inverse, ils ne peuvent pas offrir. Il convient que, à l’autocritique de l’ère moderne, soit associée aussi une autocritique du christianisme moderne, qui doit toujours de nouveau apprendre à se comprendre lui-même à partir de ses propres racines » (n. 22).
Nous avons tant apprécié les « mea culpa » qui ont souvent résonné dans les discours des papes précédents ; ici, nous avons probablement un « mea culpa » caractéristique de ce pontificat, où la dimension pastorale et la dimension culturelle sont profondément unies.
Mais pour que les chrétiens apprennent de nouveau ce qu’ils ont à offrir au monde, ils doivent – comme Benoît XVI l’a déjà dit dans sa première encyclique – repartir de Dieu ; pas de n’importe quel Dieu, mais du Dieu qui est venu à notre rencontre, et qui dans le Christ s’est révélé comme Amour.
La confiance dans cet Amour – continue le pape – nourrit une prière de désir qui dilate le cœur ; soutient une espérance engagée et active, qui sait et veut changer le monde justement parce qu’il vise au-delà de ce monde ; trouve la force de porter les souffrances et d’en découvrir le sens, même lorsqu’elles sont injustes.
Enfin, elle permet d’affronter le grand défi ultime de la foi et de l’espérance, c’est-à-dire le terrible problème du mal dans le monde, vraie racine de l’athéisme moderne. Et ici, sans compromis ni timidités, le discours du pape touche les « fins dernières », les questions de « l’après » cette vie, du purgatoire, de l’enfer, du Jugement ; un Jugement avec un « J » majuscule, vu encore une fois non seulement pour l’individu mais pour tous. Un Jugement qui rappelle avec force la responsabilité, mais qui rétablisse pleinement et définitivement la justice, et la plonge dans la perspective de l’Amour. Un Jugement vers lequel regarder par conséquent non pas avec terreur mais avec espérance.
Certes, en dépit de la finesse spirituelle et de la richesse culturelle avec lesquelles le pape saisit les interrogations et les attentes profondes de l’homme d’aujourd’hui, on ne peut nier qu’il s’agisse d’un discours déconcertant pour une mentalité habituellement fermée sur l’horizon terrestre, qui est celle de beaucoup de nos contemporains. Mais c’est justement cela qui est ce que les chrétiens ont à leur offrir de plus important, et disons donc aussi de plus beau.
Nous sommes donc reconnaissants à Benoît XVI de nous avoir ramenés une fois encore, avec force et douceur, avec rigueur et intensité spirituelle, aux questions décisives de la proposition chrétienne pour l’homme et pour le monde : celle que souvent nous risquons d’oublier, alors que ce sont celles dont dépend notre façon de vivre et d’avancer dans le monde.
Traduit de l’italien par Anita S. Bourdin