Card. Schönborn : Le christianisme, une véritable alternative (II)

Entretien à quelques jours de la visite de Benoît XVI en Autriche

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ROME, Mercredi 5 septembre 2007 (ZENIT.org) – Selon l’archevêque de Vienne, le grand défi d’aujourd’hui consiste à vivre la foi chrétienne « comme une alternative ». Dans un monde sécularisé il faut « offrir la foi comme une alternative authentique à la société actuelle ».

A quelques jours de la visite du pape Benoît XVI à Vienne, Mariazell et Heiligenkreuz (7-9 septembre), le président de la Conférence épiscopale d’Autriche a répondu aux questions de ZENIT, évoquant le ministère pétrin et les qualités humaines de Benoît XVI, insistant sur l’importance vitale des familles nombreuses pour l’avenir de l’Autriche et de l’Europe, ainsi que sur la présence du Christ dans le coeur des chrétiens.

« Quand le pape parle, il faut écouter avec attention, car ce qu’il a à dire est toujours très clair. Je ne sais pas ce qu’il nous dira. Il faut que nous soyons ouverts à ses paroles », affirme-t-il.

Nous publions ci-dessous la deuxième partie de cet entretien. Pour la première partie, cf. Zenit du 4 septembre.

Zenit – Le thème de la visite du pape est « Tourner son regard vers le Christ ». Dans quels domaines le Christ devrait-il être plus présent ?

Card. Schönborn – Je pense que Jésus n’est pas moins présent parmi nous qu’autrefois ; aujourd’hui, sa présence est peut-être plus anonyme, moins perceptible. Mais je relèverais trois domaines dans lesquels nous la sentons plus active.
Tout d’abord dans sa parole. Que le pape Benoît XVI ait écrit un livre sur Jésus, axé avant tout sur sa parole, sur sa prédication et son enseignement, n’est pas vain. Nous rencontrons le Christ dans sa parole. C’est pourquoi le pape Benoît XVI tient absolument à encourager le plus de personnes possible à s’ouvrir aux sources des Saintes Ecritures. C’est pourquoi aussi il a décidé de consacrer les travaux du prochain synode des évêques à ce thème. On y parlera des Saintes Ecritures, de la parole de Dieu dans la vie de l’Eglise.

Deuxièmement, le Christ est présent dans les sacrements, dans les signes qu’il nous a donnés pour entrer en contact avec Lui : le baptême, l’onction avec le Saint Esprit (la confirmation), les sacrements qui ponctuent le cours de notre vie – le mariage, l’ordination – et les sacrements de la guérison, de la guérison de l’âme (le sacrement de la confession) et de la guérison physique, (l’onction des malades). Tout ceci confluant dans le grand sacrement de sa présence réelle dans l’Eucharistie.

Cette couronne de sacrements est extrêmement importante car elle a une grande incidence sur notre vie de foi et touche tous les aspects de notre vie, tous les tournants, les étapes, et les met en relation avec le Christ.

La troisième forme de rencontre avec le Christ – « Tourner notre regard vers le Christ » – est la rencontre avec le Christ dans les pauvres dont il se montre si proche et auxquels il s’identifie de manière explicite : j’étais malade et tu m’as aidé. J’étais en prison et tu m’as rendu visite. J’étais nu et tu m’as habillé ; affamé et tu m’as nourri. Jésus Christ s’identifie aux pauvres, aux souffrants, c’est donc surtout parmi eux que nous le rencontrons.

C’est sur cela que le pape veut attirer notre attention, lorsqu’il nous dit de tourner notre regard vers Dieu.

Zenit – Le premier objectif du Saint-Père n’est pas sa visite en Autriche mais le pèlerinage à Mariazell. Quelle importance ce site a-t-il dans la vie chrétienne ?

Card. Schönborn – Le thème « Tourner son regard vers le Christ » s’inspire en effet profondément de Mariazell. Lorsqu’on observe la statue pleine de grâce de Mariazell, une toute petite statue sculptée dans du bois de tilleul il y a 850 ans, dépouillée de tout ornement festif, et sans les vêtements précieux qu’elle revêt habituellement, on voit une simple figure de la mystérieuse Mère de Dieu, souriante, avec, assis sur ses genoux, un enfant tenant une pomme dans la main, symbole du royaume du pouvoir divin. De sa main, Marie indique clairement l’enfant. Par ce geste, elle nous dit, ce qu’elle avait dit à Cana « Faites tout ce qu’il vous dira », nous enseignant ainsi à regarder le Christ.

Marie nous regarde mais elle indique le Christ. En un certain sens elle nous lance un appel : « Regardez dans cette direction, regardez mon fils ». Et je crois que c’est ce que le pape Jean-Paul II a choisi comme devise pour sa vie tout entière et spécialement pour son pontificat. Le « Totus tuus » signifie en effet : au Christ à travers Marie. Elle nous indique le chemin à suivre. C’est pourquoi nous commençons le pèlerinage du Saint-Père et avec le Saint-Père vers Mariazell, volontairement sur la place jouxtant la colonne de Marie.

Le 8 décembre 2006, lors de fête de l’Immaculée conception, nous avons commencé la grande neuvaine qui nous accompagne jusqu’au 8 septembre, la grande neuvaine de la préparation au patronage, à la fête de Mariazell et à la visite du Saint-Père.

Zenit – Il y a quelques temps vous évoquiez le problème du manque d’enfants. Comment la société pourrait-elle se montrer plus attentive aux besoins de l’enfance ?

Card. Schönborn – C’est avant tout le problème énorme d’une société qui compromet purement et simplement son avenir en ayant trop peu d’enfants. Nous le savons bien : presque toute l’Europe est appelée à se confronter au problème de la chute démographique, que seule une forte immigration arrive à compenser. Cette décision est une décision qui concerne toute la société qui doit faire face aujourd’hui à la question du « Non Avenir ».

Pourquoi en sommes nous là, précisément où les choses vont si bien comme en Autriche où les mesures de soutien familial n’ont jamais été si bonnes. A aucun moment de notre histoire, nous n’avons autant manqué de règles qu’aujourd’hui. Autrefois, pourtant, les familles avaient beaucoup plus d’enfants qu’aujourd’hui.

Le drame de l’avortement y est certainement pour quelque chose. Un drame auquel s’ajoute par ailleurs le fait ne pas vouloir d’enfants, le « non » aux enfants, avec la contraception.
Ces 40 dernières années l’Europe a dit trois fois « non » à son avenir : la première fois avec la pilule, la deuxième fois avec l’avortement et la troisième fois avec le mariage homosexuel. Au-delà de toute considération morale concernant ces phénomènes, ces ‘non’ sont un « non » de fait à l’avenir.

Le « oui » à l’avenir ne peut que signifier : oui aux enfants. Et je pense que de nombreuses personnes en Europe commencent à prendre conscience de la nécessité de prendre une décision. Et le « oui » à l’avenir est déjà une belle chose si l’on pense que l’avenir a quelque chance.

Zenit – L’archidiocèse de Cologne possède depuis quelque temps des « Centres familiaux ». Quelles sont les initiatives concrètes qui sont prises dans l’archidiocèse de Vienne en faveur du soutien familial ?

Card. Schönborn – Bien entendu il existe beaucoup d’initiatives en faveur des familles, comme par exemple l’association des familles ou l’œuvre familiale. Plusieurs mouvements religieux possèdent des organisations familiales, comme le mouvement Schönstatt. Tous les mouvements religieux issus du renouveau ont toujours été très engagés dans le domaine de la famille. Mais je pense qu’il s’agit de tout autre chose. C’est une question de voir.

Jésus a dit à ses premiers disciples: « Venez et voyez ! » Il nous faut voir, il nous faut pouvoir toucher – autrement on ne le vit pas.

Durant mes vacances, j’ai passé quelques jours au sein d’une jeune famille qui vient d’avoir son sixième enfant.
Bien entendu c’est une vie qui demande beaucoup de sacrifices, mais c’est une vie incomparablement plus vivante que celle que l’on peut avoir lorsque l’on a peur de mettre au monde une nouvelle vie. Je pense que nous avons besoin de voir ce telles familles, qui disent « oui » en leur âme et conscience, malgré les énormes résistances possibles de leur entourage. « Vous êtes fous ! Vous ne pouvez pas faire attention ? ». Par leur témoignage de vie, ces familles montrent que c’est beau et que c’est bien d’avoir un enfant.

C’est bien sûr fatiguant mais c’est très gratifiant et très valorisant. Et je pense que la vie de familles comme celles-ci encouragent d’autres à tenter l’expérience. Et étrangement, il ne s’agit pas d’un problème financier, de possibilités financières.

Bien entendu, élever six enfants est difficile. Mais grâce à Dieu, en Autriche les familles bénéficient d’un bon soutien. Certaines choses pourraient aller mieux encore mais il est fondamental de le vivre et de le rendre possible pour les autres. « Venez et voyez ! »

Je le vois bien dans beaucoup de jeunes familles qui ont trois, quatre, cinq ou six enfants, voire plus encore. On se dit alors : l’avenir, l’espérance, la vie, sont là. Ce sont les comportements dont se nourrit la société tout entière : la solidarité, le respect mutuel, l’aide réciproque ; l’expérience logique que l’on doit aussi renoncer à beaucoup de choses.

C’est là que nous trouvons toutes les valeurs dont nous avons absolument besoin, pour pouvoir vivre et aimer. C’est là que nous faisons notre apprentissage ! Malheur à une société dans laquelle ces valeurs viendraient à se perdre car cette société deviendrait mauvaise et cruelle.

Zenit – Qu’attendez-vous de la visite du pape ?

Card. Schönborn – Un renforcement de la foi, de la joie dans la foi ; un encouragement à parcourir notre vie de foi avec l’Eglise et non sur un sentier où nous serions tous seuls à nous construire.

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ZENIT Staff

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