Unité des chrétiens : une réflexion inspirée par la pauvreté et la souffrance en Afrique du sud

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Entretien avec le père Donald Bolen

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ROME, Mercredi 17 janvier 2007 (ZENIT.org) – Cette année, la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens a pour origine le vécu des communautés chrétiennes sud-africaines de la région d’Umlazi, proche de Durban, une région terriblement touchée par le chômage et la pauvreté, mais surtout par le virus du Sida (50% des habitants en seraient infectés). En 2004, le père Donald Bolen, du Conseil pontifical pour l’Unité des chrétiens est rentré bouleversé d’une visite en Afrique du sud. Nous publions ci-dessous un entretien qu’il a accordé à Isabelle Cousturié pour Radio Vatican.

RV: Tout d’abord Monsieur l’abbé, quel est votre rôle dans l’organisation de la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens ?

D. Bolen : Depuis six ans, je suis membre de la Commission internationale qui prépare les textes pour la Semaine de Prière et au cours des quatre dernières années, j’ai coprésidé du côté catholique ces réunions qui ont lieu pendant une semaine chaque année.

RV: Cette année la semaine de prière a pour origine le vécu des communautés chrétiennes sud-africaine de la région d’Umlazi accablées par une immense souffrance. D’où est partie l’idée ?

D. Bolen : Chaque année, à tour de rôle, le Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens et la Commission Foi et Constitution du Conseil œcuménique des Eglises se chargent de confier à un pays ou une région particulière du monde la préparation d’un premier projet de textes pour la Semaine de prière. Pour 2007, c’était au tour du Conseil œcuménique des Eglises d’organiser la rédaction d’un premier projet de textes. Mais il se trouve que lorsque la Commission internationale s’est réunie pour préparer les textes de 2006 en septembre 2004, je revenais juste d’une visite en Afrique du Sud. J’y étais allé en tant qu’observateur du Vatican à une Assemblée méthodiste, et pendant que j’étais là-bas, j’ai eu la possibilité de visiter quelques bidonvilles et des township près de Johannesburg. J’ai visité des bidonvilles où la moitié de la population était séropositive et où la pauvreté dépassait tout ce que je pouvais imaginer. Mais j’ai aussi participé à une célébration de confirmation vraiment incroyable ; les personnes chantaient et dansaient le cœur rempli de joie et tout était très émouvant. J’ai aussi pu visiter un certain nombre de lieux où des Eglises ont lancé des initiatives de soutien, par exemple des écoles, des hospices, une crèche pour les enfants nés séropositifs. Ces initiatives étaient soutenues soit par l’Eglise catholique, soit par les anglicans ou les méthodistes, mais dans tous les cas on voyait des chrétiens courageux qui tentaient de répondre aux besoins de ces personnes qui vivaient dans les bidonvilles. C’était extrêmement touchant. C’était donc immédiatement après ce voyage que s’est tenue notre réunion internationale de préparation des textes pour la Semaine de prière 2006 et au cours des premiers repas que j’ai pris avec les autres membres de la Commission, j’ai raconté mon expérience. C’est ainsi que l’idée est venue à mes collègues du Conseil œcuménique des Eglises de chercher une communauté dans un bidonville d’Afrique du Sud à laquelle proposer de préparer les textes pour la Semaine de prière 2007.

RV: Les textes qui sont d’abord préparés par un groupe de la région, sont ensuite soumis au groupe international responsable de la préparation des textes définitifs. Comment se fait le passage ? Comment arrivez-vous à faire en sorte que cette situation de départ serve ensuite au niveau local dans chaque pays à travers le monde, où les réalités peuvent être diamétralement opposées ?

D. Bolen : Une fois que les textes ont été préparés pour la diffusion au niveau international, ils sont adressés aux Conférences épiscopales catholiques du monde entier ainsi qu’à toutes les Eglises membres du Conseil œcuménique des Eglises. Nous invitons les chrétiens à entreprendre un travail au niveau local afin d’adapter à nouveau les textes au contexte qui leur est propre. Certes, il peut arriver que les textes originaux ne semblent pas totalement appropriés à la situation locale. J’espère quand même qu’il est resté quelque chose du projet sud-africain dans ces textes définitifs.

RV : Les textes de cette année reflètent les préoccupations et l’expérience d’un peuple accablé par une immense souffrance. Cette année ressortent deux intentions : la recherche de l’unité entre chrétiens et la recherche d’une réponse chrétienne à la souffrance humaine. S’agit-il d’une nouveauté par rapport aux années précédentes ?

D. Bolen : Lorsque la Commission internationale s’est réunie pour travailler sur ces textes, un représentant du groupe local du bidonville d’Umlazi, qui se situe près de Durban, a participé à notre rencontre. Il s’agissait d’un prêtre anglican, le Révérend Thami Shange. En fait, il ne nous apportait pas les textes, sauf un, celui de la célébration œcuménique, mais il nous a raconté des histoires de la vie quotidienne d’Umlazi et c’est à partir de ces histoires qu’une grande partie des textes définitifs a été élaborée. Etant donné l’urgence quotidienne dans laquelle vivent les habitants d’Umlazi, les Eglises ont décidé d’entreprendre au niveau œcuménique un travail qui avant tout a pour but de répondre aux souffrances de ces personnes. Cela va de soi. D’un autre côté, la tâche que le Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens et la Commission Foi et Constitution du Conseil œcuménique des Eglises se sont donnée, est de parler des différences doctrinales qui font que les chrétiens restent divisés et de tenter de surmonter ces obstacles à travers le dialogue et la prière. Bien sûr, nous encourageons aussi les chrétiens à collaborer dans le domaine de la justice sociale mais ce n’est pas là l’aspect principal de notre travail. Donc, lors de notre rencontre internationale, il a fallu que nous conjuguions ces deux différentes perspectives. En discutant de ces deux objectifs – œuvrer pour l’unité des chrétiens et travailler ensemble, ce qui veut dire de manière œcuménique, au service des plus démunis – nous avons réalisé qu’ils sont en réalité intrinsèquement liés entre eux. C’est ce sur quoi nous avons tenté de réfléchir dans l’introduction des textes de cette année.

RV : Le thème « briser le silence » est un thème fort qui pousse à sortir quelques fois des normes culturelles qui font qu’on ne parle pas dans certains pays. Est-ce que dans le cadre de cette Semaine de prière, ce n’est pas aussi une invitation aux chrétiens ensemble à se rendre plus visibles par rapport à certaines questions taboues dues justement à certaines normes culturelles (je pense par exemple à la sexualité) ? Comment gérer ce genre de réflexion durant la semaine de prière ?

D. Bolen : Le thème qui est « rompre le silence » a été proposé par le groupe œcuménique d’Umlazi. Il s’adressait principalement aux jeunes de ce bidonville et voulait les encourager à parler ouvertement des défis qu’ils doivent affronter, en tant que communautés, en tant que familles et en tant qu’individus. Bien que la moitié de la population soit séropositive, nombreux sont ceux qui même dans une telle situation préfèrent garder le silence sur leurs conditions de santé et par conséquent n’ont pas accès aux soins qui sont disponibles. Dans ce contexte, les responsables d’Eglises locaux affirment que l’Evangile appelle les personnes à affronter avec courage et ouvertement la situation qu’elles traversent et de faire de leur mieux pour la résoudre. Bien en
tendu, une réflexion chrétienne sur ce thème peut beaucoup varier selon le contexte local.

RV : Cette semaine de l’unité est préparée conjointement par le Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens et la Commission Foi et constitution du Conseil œcuménique des Eglises, un cheminement qui dure, je crois, depuis plus de 40 ans entre l’Eglise catholique romaine et le COE. Dans quelle mesure cette semaine de l’unité des chrétiens est-elle un moment clé de cette coopération ?

D. Bolen : Oui, cela fait exactement 40 ans que dure notre collaboration pour la préparation des textes de la Semaine de prière et ce travail en commun sur ce thème est extrêmement important. Le plus beau fruit de cette collaboration est que plus souvent qu’autrefois, des chrétiens se réunissent pour prier pour leurs besoins communs mais aussi et surtout, ils prient pour l’unité que le Christ veut pour nous. Quand nous nous rassemblons devant le Christ pour prier ensemble, nous nous convertissons toujours plus au Christ et nous nous rapprochons toujours davantage les uns des autres. Dans ces circonstances, il devient toujours plus évident que c’est le Saint-Esprit qui est à l’œuvre et qui nous guide dans notre recherche œcuménique.

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ZENIT Staff

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