ROME, Jeudi 9 mars 2006 (ZENIT.org) –
Dans ce cinquième et dernier volet de son exposé sur la persécution antichrétienne dans le monde en 2005, Thomas Grimaux évoque les pays où la situation se « dégrade », mais aussi ceux où l’on a noté une éclaircie au cours de l’année dernière (cf. Zenit, 5, 6, 7 et 8 mars).
Thomas Grimaux est l’auteur du « Rapport 2005 des persécutions antichrétiennes dans le monde », publié par l’A.E.D. (Aide à l’Eglise en Détresse).
Zenit : Pouvez-vous ici nous parler des pays où la situation se dégrade ?
T. Grimaux : Outre les pays d’Europe (France, Belgique, Angleterre, Allemagne, Suisse…), le Canada et les Etats-Unis voient la culture de mort grandir et imprégner de plus en plus la population. Idem de certains pays de l’Est. On constate aussi un embrasement dû à l’islamisme. En Egypte (mais il est vrai que chaque décennie apporte son lot d’attentats islamistes – il suffit de se souvenir des années 90), au Bengladesh (environ 450 attentats d’origine islamiste), au Cameroun (conversions forcées), en Irak (avec un chiisme qui attend son heure et les anciens de Saddam Hussein qui optent pour le terrorisme pur et simple, également au détriment des chrétiens), au Nigeria (où presque tous les Etats du nord applique la charia), au Pakistan (attaques en règle d’églises), en Tanzanie (principalement à Zanzibar), au Tchad (conversions forcées), en Terre Sainte (où les problèmes sont aussi le fait d’extrémistes sionistes), en Turquie (où les déclarations se succèdent aux déclarations mais où les persécutions continuent ou s’aggravent).
Enfin, rappelons les cas de l’Inde (selon les Etats et les forces fanatiques hindoues en présence, les persécutions sont de plus en plus violentes ou quasi inexistantes), de la Jamaïque (avec cet acte ponctuel d’assassinat de deux missionnaires en octobre 2005), du Mexique (avec l’assassinat de deux prêtres), du Népal (avec sa rébellion marxiste), de la République Démocratique du Congo (avec son lot de vandalisme), de la Roumanie (où l’Eglise subit une augmentation d’actes malveillants), de la Russie (où à la période communiste, suit une haine contre les catholiques favorisée par une minorité importante de députés), du Sénégal (où l’attitude du Président Wade pose de plus en plus de questions), du Sri Lanka (avec les lois anti-conversions), du Turkménistan (où les restrictions apportées à l’Eglise catholique réserve le ministère des prêtres aux seuls expatriés), du Venezuela (où le Président Chavez se réfère à Che Guevara).
Zenit : Des pays où pointe l’espoir ?
T. Grimaux : Heureusement, certains pays de persécutions voient les exactions commises régresser significativement. Nous pensons d’abord et tout naturellement au Soudan (avec les accords de paix qui reconnaissent, pour la première fois, l’existence de la religion chrétienne), puis au Liban (où, paradoxalement, l’assassinat de chrétiens comme Hariri, ont permis aux Libanais de faire partir les syriens même si les attentats redoublent depuis, semble-t-il via Damas qui veut montrer qu’il est le seul à pouvoir imposer la paix au pays des Cèdres). Mais encore à la Chine (bien que l’analyse des tendances y soit particulièrement délicate), ou à Cuba (qui n’attend plus que la fin du règne de Castro).
Méritent une mention particulière, l’Albanie (ouverture d’une université catholique au nom de Mère Teresa), l’Azerbaïdjan, la Bosnie-Herzégovine (les destructions systématiques d’églises en 2004 ne se reproduisent plus), le Burundi (grâce au cessez-le-feu, inspiré par l’Eglise, qui réunit presque toutes les composantes armées du pays), la Côte d’Ivoire (où la force internationale a stoppé les combats même s’ils peuvent reprendre d’un jour à l’autre), l’Ethiopie (avec la première église catholique consacrée depuis 450 ans), l’Indonésie (où la situation, même encore très critique en certains endroits, est quand même meilleure qu’il y a quelques années), la Mongolie, le Mozambique, les Philippines (où la rébellion islamiste semble circonscrite à une zone toujours plus petite), la Pologne (avec son nouveau gouvernement qui entend permettre à l’Eglise de retrouver sa place, et clore ainsi le chapitre communiste de son histoire), l’Ukraine.
Zenit : Une conclusion ?
T. Grimaux : Une conclusion signifie un terme. Or, il n’y a pas de terme, de fin à ces persécutions.
D’une part, parce que l’Eglise a toujours été persécutée, à l’instar de son Chef, et qu’il est donc compréhensible – au plan de la théologie catholique – que les fidèles soient à leur tour emprisonnés, spoliés ou assassinés. Et tant que le monde sera monde, il y aura persécution antichrétienne, persécution contre le ‘sel de la terre’, contre les disciples du signe de contradiction. Mais nous savons, avec Tertullien et Jean-Paul II, que « le martyr est semence de chrétiens ». Dès lors, la persécution, si elle est affreuse, est une ‘felix culpa’. Malheur à celui qui la pratique mais il était nécessaire qu’elle fut, pourrions-nous écrire comme Notre Seigneur Jésus Christ l’a dit de la trahison de Judas.
Ainsi, une première conclusion serait qu’il y aura toujours des persécutions et que chaque année, malheureusement, nous devrons actualiser ce livre. Mais alors, pourquoi en parler ? Nous avons juste tenter, dans ces quelques pages, de répondre à la mission d’information de l’Aide à l’Eglise en Détresse. Non pour faire pleurer, non pour attiser à notre tour la haine, non pour déranger ceux qui refusent de parler de ces réalités ; mais bien pour inviter à la prière.
La prière d’action de grâce à Dieu, qui donne la force et le courage à des centaines de milliers ou millions de catholiques de proclamer la Foi en la Sainte Trinité salvatrice, reconnaissant avec saint Thomas d’Aquin que « Parmi tous les actes de vertu, le martyr est celui qui manifeste au plus haut degré la perfection de la charité. » (Somme Théologique II, IIae, 124).
Prière d’admiration de ces Témoins et, à travers eux, de Celui par et pour qui ils témoignent. Prière pour se mettre droit devant notre Créateur, et regarder, si nous, vous et moi, modestement à notre place, sommes des Saül ou des Saint Paul ?
Et prière pour ne pas oublier que Saint Paul fut d’abord un persécuteur. Prière donc pour ceux qui persécutent, même si cela est au-dessus des forces purement humaines. Surtout si cela est au-dessus des forces purement humaines. C’est-à-dire surtout si cela ne peut être fait que par un mouvement de la grâce. De la grâce qui est Dieu.
Mais encore, prière pour implorer ce même Dieu de conforter justement ces martyrs durant leurs épreuves.
Zenit : Un dernier mot ?
T. Grimaux : Informer pour prier. Prier pour agir.