Le « pape de la paix » et les forces armées, par Mgr Le Gal

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Un paradoxe que la fondation du diocèse aux armées ?

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ROME, Dimanche 17 avril 2005 (ZENIT.org) – L’évêque français aux Armées, Mgr Patrick Le Gal a bien voulu revenir sur ce qui pourrait sembler un paradoxe : l’attention du « pape de la paix » au métier des armes.

En effet, le travail et le dévouement des forces de l’ordre italiennes et romaines ont été salués de façon unanime lors du dernier hommage du monde à Jean-Paul II. Samedi 16 avril, le directeur de la salle de presse du Saint-Siège, M. Joaquin Navarro Valls, a tenu à rendre également hommage, lors d’une rencontre avec la presse internationale, à la gendarmerie du Vatican, au moment d’expliquer les normes de sécurité au service du conclave.

Or, le pape Jean-Paul II lui-même a toujours tenu à remercier les forces de l’ordre pour leur travail, soit au Vatican, soit pendant ses déplacements, en Italie ou ailleurs. Il a aussi voulu un jubilé des Armées et de la police, en l’an 2000. En France, il est le fondateur du diocèse aux Armées. Mgr Patrick Le Gal, qui a pris possession de son siège épiscopal le 25 août 2000 en la cathédrale Saint Louis des Invalides, quelques mois avant le Jubilé des forces armées, évoque ce qu’a signifié ce geste de la part de Jean-Paul II.

Zenit : Mgr Le Gal, quels sont vos sentiments alors que Jean-Paul II nous a quittés ?

Mgr Le Gal : Mes sentiments sont un peu ceux que l’on ressent lorsque l’on a perdu son père. C’est un peu la même situation de deuil, de perte, d’absence. Le témoignage entendu d’un évêque évoquait cette similitude. Pour moi, ce deuil, c’est aussi une occasion de prendre conscience de deux choses qui m’ont marqué dans la personne du Saint-Père qui nous a quittés.

Tout d’abord, il a su être présent dans la durée. Habituellement, on « s’use ». Ce qui frappe chez lui, c’est cette humilité, cette force, cette aptitude à tenir ferme. Même les chefs d’entreprise, les chefs d’Etat, les ministres « s’usent ». Chez Jean-Paul II, globalement, on constate plutôt une montée : progressivement, un nouvel homme apparaît. Au départ, jeune et très dynamique, il est devenu, dans l’âge mûr, et même malade, – comme à Lourdes, le 15 août dernier, alors qu’il parlait difficilement et ne marchait plus -, il a eu encore cette présence, cette capacité à continuer à gouverner l’Eglise, avec sans doute même une aptitude plus étonnante à rayonner, à faire passer l’essentiel.

Ce qui frappe aussi, c’est la qualité et la force de son témoignage de foi, en tant qu’évêque, que théologien, sa perspicacité extrême, sa capacité d’affermir la foi, qui impressionne. Les gens lui sont reconnaissants de son témoignage de foi forte. On a l’impression d’entendre à son sujet ce que disaient les Juifs de Jésus : « Voilà quelqu’un qui parle avec autorité ». On note aussi cette perspicacité dans l’entourage du pape, comme chez le cardinal Ratzinger.

Zenit : Le « pape de la paix » a fondé le diocèse aux armées : n’est-ce pas un paradoxe ?

Mgr Le Gal : Ce n’est pas un paradoxe. Je ne suis pas issu du milieu militaire. Je l’ai découvert. Mais il n’y a pas de doute que cette fondation du diocèse aux armées a contribué à fortifier l’aumônerie militaire. Le pape voulait évangéliser le monde militaire y compris auprès des troupes en opération. Le militaire qui fait bien son travail, même au combat, va contribuer à la paix. Il ne s’agit pas d’encourager les va-t-en-guerre, mais de contribuer à faire des combattants des artisans de paix. La fondation des diocèses aux armées relève un peu du paradoxe après Vatican II, qui avait défini le diocèse par rapport à un territoire. Un diocèse « personnel », c’était un concept compliqué. Mais l’essentiel étant de favoriser la construction de la paix, il a fallu être inventif, pas étroitement dogmatique, mais pragmatique. Le gouvernement pontifical s’est voulu vraiment au service de la pastorale.

Zenit : Pourquoi, selon vous, cet intérêt de Jean-Paul II pour l’armée ? Lui qui n’a pas pris les armées pour résister aux nazis, mais a choisi la résistance par le théâtre clandestin et l’affirmation de la culture polonaise imprégnée de l’Evangile ?

Mgr Le Gal : Le père de Jean-Paul II était militaire, il a eu avec lui une relation forte, cela a pu jouer, mais pas seulement. Il aimait la culture militaire. Il y a un an, je lui ai été présenté, au cours de la visite ad limina, comme évêque aux armées, il a esquissé avec humour un salut et a lancé : « Vive la France ! ». Il devait aimer la droiture du combattant, lui-même était un combattant – au plan spirituel-. Mais d’autre part, il avait été témoin de la barbarie d’une armée sans Dieu, dans les années quarante. Cela l’a motivé comme prêtre, comme évêque, comme cardinal, et comme pape, à évangéliser le monde. Si l’armée doit être au service de la justice et de la paix, il ne faut pas qu’elle cède à la tentation de la violence. Il faut qu’elle soit évangélisée. Cela ne se fait pas tout seul. Les passions de l’homme et de l’homme armé ne le conduisent pas naturellement à pratiquer les Béatitudes.

Zenit : Comment la création de ce diocèse a-t-elle été perçue pour ceux qui en sont les bénéficiaires ? Que retenir du message de Jean-Paul II pour le jubilé des forces armées et de la police, le 12 novembre 2000, à Rome ?

Mgr Le Gal : On n’y a peut-être pas été sensible d’emblée, beaucoup n’ont pas réalisé l’importance de cette érection d’un diocèse aux armées, mais il y a eu des réactions à l’occasion du Jubilé : les militaires ont été sensibles, je crois, au fait d’être honorés, et reconnus, de ne plus être en butte à un antimilitarisme larvé, et ils ont été reconnaissants envers le pape, de cette vision large et positive par rapport à leur mission.

Dans son message du 1er novembre 2000, le pape a appelé les militaires des « sentinelles de la paix » : il voyait en eux des veilleurs chargés de prévenir, de répondre aux menaces, mais pour sauvegarder la paix, voire la reconstruire. Il a posé ce regard positif sur le métier des armées ; c’est bien plus que la reconnaissance de l’action militaire en cas de légitime défense. Ce sont des « sentinelles » au service de la paix, comme il l’a souligné en 1999 dans la crise du Kosovo. Ce n’est pas seulement de la rhétorique, mais une approche qui marque, dans un contexte de réflexion difficile sur la notion de maîtrise de la force armée, pour déconstruire la violence, adapter l’usage de la force « au bon niveau », par rapport à la menace.

Cette réflexion récente voit dans l’usage de la force armée une façon de limiter la violence et de l’affaiblir, et non pas d’y ajouter ; la maîtrise de la force vise à s’opposer à la violence. C’est une piste ouverte, ou du moins encouragée par Jean-Paul II, dans la réflexion des militaires. Cette réflexion doit s’approfondir encore.

Dans les combats de haute intensité, qu’en est-il ? C’est difficile à préciser. On le voit, le militaire, dans la pensée chrétienne, ne saurait pas être réduit à un rôle humanitaire. Il maintient, préserve, éventuellement rétablit la paix, en s’opposant au déferlement de la violence d’une armée injuste. Une réflexion à poursuivre au-delà de la parole de Jean-Paul II qui a ouvert une perspective féconde.

Rappelons que le diocèse aux armées françaises (DAF, cf. http://catholique-diocese-aux-armees.cef.fr/daf/index.htm) comprend aux côtés de son évêque 174 prêtres aumôniers, 23 diacres aumôniers, 48 laïcs aumôniers, 2 religieuses, soit 137 aumôn
iers pour l’Armée de Terre, 30 aumôniers pour l’Armée de l’Air, 34 aumôniers pour l’ Armée de Mer, et 46 aumôniers pour la Gendarmerie. Le site Internet présente toutes les activités du DAF et permet de déposer une intention de prière.

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ZENIT Staff

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