"L’Eucharistie est le don de Dieu à l’humanité et pour la vie du monde"

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Entretien avec le card. Tomko

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ROME, lundi 4 octobre 2004 (ZENIT.org) – Toute l’Eglise catholique se prépare à entrer dans une année de réflexion et d’approfondissement du « mystère de la foi », l’Eucharistie. Du 10 au 17 octobre se déroulera à Guadalajara, au Mexique, le 48ème Congrès eucharistique international, avec lequel débutera l’Année de l’Eucharistie, proclamée par Jean-Paul II, et qui se conclura en octobre 2005 avec le Synode des Evêques.

Afin de comprendre quel sens et quels objectifs s’est fixé le Saint-Siège, Zenit a interviewé le Card. Josef Tomko, un des plus proches collaborateurs du Souverain Pontife, Préfet émérite de la Congrégation pour l’Evangélisation des Peuples et Président du Comité pontifical pour les Congrès eucharistiques internationaux.

Zenit : Quel est le sens des initiatives organisées à l’occasion de l’Année de l’Eucharistie ?

Card. J. Tomko : L’Eucharistie constitue le thème central des trois événements et mobilise toute l’Eglise catholique pendant un an autour du ‘mystère de la Foi’ qui est l’Eucharistie. Il s’agit en effet d’une des vérités fondamentales pour la foi et pour l’Eglise. Le Concile Vatican II lui-même a défini l’Eucharistie « source et sommet de toute vie chrétienne » (Lumen Gentium, 11) et également « source et sommet de toute l’Evangélisation » (Presbyterorum Ordinis, 5).

Le sens et l’objectif des trois initiatives unitaires est l’approfondissement et l’affermissement de la foi en Dieu qui s’est incarné en Jésus Christ. Seul, celui qui croit dans la divinité du Christ peut croire dans l’Eucharistie.

Qui renforce sa foi dans l’Eucharistie, présence, sacrifice et mémorial de Jésus Christ, approfondit également sa foi dans la divinité du Christ et dans son incarnation.

L’Eucharistie est donc « le banc d’essai » pour la foi, c’est-à-dire ce dont ont surtout besoin certaines régions de l’Occident qui se trouvent sous la chape d’une « apostasie silencieuse ».

En outre, l’Eucharistie conserve aussi depuis ses origines un aspect social qui dans la première Eglise s’est manifesté sous la forme de l’agape et du partage des biens, mais qui est actuel sous diverses formes également aujourd’hui parce que l’Eucharistie donne naissance à la fraternité, à la solidarité, à la communion, au climat de paix, de réconciliation, de justice et d’amour.

Le monde développé souffre d’une forte décadence, d’un hiver démographique, d’une culture contre la vie, de tentations eugéniques et de sécularisation.

Zenit : De quelle manière la réflexion sur l’Eucharistie pourra fournir des réponses aux besoins de l’humanité et s’opposer au nihilisme diffus ?

Card. J. Tomko : Avant de parler des aspects négatifs de certaines ‘civilisations’, qui ne sont pas, du reste, par tant d’aspects très civilisées, je voudrais relever quelques contributions positives liées à l’Eucharistie, notamment dans les jeunes Eglises. Les joyeuses célébrations africaines sont, en effet également des événements riches de fraternité et de solidarité qui unissent les tribus et les ethnies.

En outre, la profondeur de perception de l’Eucharistie en tant que sacrifice est présente, du fait que ces derniers connaissent le sacrifice rituel. La liturgie eucharistique est également le lieu d’inculturation, comme par exemple le rite indien de l’arathi après la consécration, les danses sacrées d’adoration etc..

Pour ce qui concerne la décadence de certaines ‘cultures’ ou même de ‘civilisations’, notamment dans le domaine des valeurs fondamentales de la vie humaine et de l’amour, il suffit de se rappeler que l’Eucharistie est le ‘pain de la vie’ et le don de Jésus Christ ‘pour la vie du monde’, source dans laquelle se purifie et s’élève l’amour humain.

Dans l’Eucharistie est adoré l’Homme-Dieu, mais dans le même temps, le sens de la dignité et de la fraternité de l’homme grandit. Et que dire de la grande dignité et de la joie avec lesquelles tant de pauvres s’approchent de l’Eucharistie, où s’effacent les divisions de classe, de race, de richesse.

Tout cela se concrétise aussi lors des Congrès internationaux, ou les familles locales offrent l’hospitalité aux participants provenant d’autres pays ou continents. Lors de ces célébrations eucharistiques, une nouvelle humanité et une nouvelle civilisation, celle de l’amour, grandit de manière visible.

Une certaine culture sécularisée, de bon ton et « politically correct », a affaibli la pratique des sacrements, notamment en ce qui concerne la confession avant d’accéder à l’Eucharistie.
Il est également vrai que quand les confessionnaux sont ouverts, les fidèles font la queue pour se confesser ; il est cependant vrai aussi que la pratique de se donner l’absolution est répandue.

Zenit : Quel est votre avis à ce propos ?

Card. J. Tomko : Aujourd’hui aussi, la sévère admonestation de saint Paul est assurément valable : « Quiconque mange le pain ou boit la coupe du Seigneur indignement aura à répondre du corps et du sang du Seigneur. Que chacun donc s’éprouve soi-même et qu’ainsi il mange de ce pain et boive de cette coupe , car celui qui mange et boit, mange et boit sa propre condamnation, s’il ne discerne le Corps » (1 Co 11, 27 – 29).

Et le Catéchisme de l’Eglise catholique spécifie : « Celui qui est conscient d’un péché grave doit recevoir le sacrement de la Réconciliation avant d’accéder à la communion » (CEC n.1385)

Zenit : La décision de certains évêques américains de ne pas donner la communion à des personnalités publiques qui, tout en se disant catholiques, soutiennent publiquement des lois et des initiatives en faveur de l’avortement, des mariages gay, etc., a suscité de profondes réactions. Quel est votre sentiment ?

Card. J. Tomko : Sans vouloir faire allusion à de quelconques faits concrets, il me semble que les textes mentionnés ci-dessus sont très utiles et font autorité.

Zenit : L’Eucharistie est le cœur de l’Eglise et de la vie des chrétiens. Mais le sacrifice du Christ vaut pour toute l’humanité. Quels arguments utiliseriez-vous pour expliquer aux chrétiens qui ne pratiquent pas, aux croyants des autres religions et également aux non-croyants les raisons de notre foi ?

Card. J. Tomko : La foi est un don de Dieu. Déjà aux temps de Jésus, le discours sur l’Eucharistie est apparu comme un ‘langage difficile’. Il requiert au moins la bonne volonté de ne pas le refuser à priori. Mais c’est aussi un discours extrêmement gratifiant, profond et beau.

Il révèle l’amour immense de Dieu et de Jésus Christ pour l’humanité ; si l’on comprend que l’Eucharistie est le don de Dieu à l’humanité et ‘pour la vie du monde’, pour les croyants et pour les non-croyants, celui-ci aide à entrevoir la grandeur du cœur de Dieu.
D’autre part, l’Eucharistie révèle l’idée innovatrice de Jésus Christ qui a voulu entrer en communion intime avec la personne qui reçoit et devenir ‘pain’ pour notre nourriture, mais aussi s’offrir en un sacrifice qui représente de manière non-sanglante l’unique sacrifice sanglant de la Croix pour l’humanité entière.

Quand on lit l’histoire de l’institution de l’Eucharistie au Cénacle quelques heures avant la mort rédemptrice du Christ sur la Croix, la vérité sur l’Eucharistie apparaît simple comme un rayon de lumière qui traverse le cristal et en sort sous forme d’un prisme composé de différentes couleurs.

C’est le plus grand don de Jésus qui « aima les siens jusqu’à la fin ». Naturellement, avec un non-croyant je commencerais d’abord par le discours fondamental de Dieu, de Jésus Christ, par ex
emple à travers une approche du récit évangélique sur la Résurrection.

Avec un agnostique qui ignore et évite tout discours sur Dieu, il convient de déblayer le terrain de l’orgueil, implicite et explicite, – qui lui laisse croire être autonome et pouvoir se sauver tout seul, – d’une forme actuelle d’humanisme nihiliste, et lui présenter les valeurs de l’Eucharistie pour la grandeur de l’homme aux yeux de Dieu.

Justement cet agnosticisme qui se répand aujourd’hui dans l’occident, a besoin d’un « supplément d’âme" qui lui donne le sens de l’existence et de la beauté de Dieu face au vide, à l’égoïsme qui détruit l’autre mais également soi-même, face à l’absence de perspective et d’espérance existentielle.

Je crois que le témoignage des chrétiens lors des Congrès eucharistiques, lors des célébrations, lors de l’adoration silencieuse dans nos Eglises, est aussi un argument pour ceux qui aujourd’hui ne croient pas ou ne croient pas assez dans l’Eucharistie.

En outre, un tel témoignage aide aussi le croyant lui-même :  » La Foi se renforce en la donnant », a écrit un jour Jean-Paul II.

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ZENIT Staff

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