Le P. d'Alzon et La Salette : 'un pèlerin incrédule'

CITE DU VATICAN, Mardi 27 juillet 2004 (ZENIT.org) – Le P. d’Alzon, fondateur des Assomptionnistes, promoteur du pèlerinage « national » à Lourdes pour le 15 août, s’est montré très sceptique par rapport aux événements de La Salette (cf. ci-dessous), puis en quelque sorte « réconcilié », à Lourdes (cf. Article de demain, 28 juillet), et fidèle à « l’amour de Marie », comme l’indique l’étude publiée par le site des Assomptionnistes (cf. www.assomption.org).

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Nous publions cette série d’études à l’occasion du Pèlerinage National de Lourdes 2004, marqué par la présence de Jean-Paul II, à l’occasion du 150e anniversaire de la promulgation du dogme de l’Immaculée Conception.

Le P. d’Alzon et La Salette ou ‘un pèlerin incrédule’

Rappelons brièvement l’événement: le 19 septembre 1846, deux jeunes dauphinois du village des Ablandins, commune de La Salette, Mélanie Calvat et Maximin Giraud, gardent leur troupeau de bêtes sur la montagne de Gargas au-dessus du village de Corps, dernier village de l’Isère, après La Mure, quand après leur sieste, ils sont témoins d’une apparition d’une dame qui pleure, près du ravin de la Sézia. Cette ‘Vierge paysanne’ leur parle en français alors qu’analphabètes, ils ne comprennent bien que le patois local. Et pourtant ils retiennent le message très biblique de conversion, de pénitence et de prière à laquelle l’apparition les convie et qu’ils vont répéter sans varier pendant 6 ans que va durer l’enquête ecclésiastique. Le 19 septembre 1851, Mgr Philibert de Bruillard, évêque de Grenoble, publie enfin un mandement proclamant la réalité des faits.

Dès l’année suivante, plus de 50.000 personnes viennent en pèlerinage sur la sainte colline, par des sentiers de chèvres à peine praticables. Une basilique sort de terre dont la première pierre est posée le 25 mai 1852, bénie par Mgr Chatrousse, évêque de Valence. Elle est achevée en 1861, grâce notamment à l’activité infatigable de l’abbé Rousselot. Une statue de la Vierge est couronnée en août 1879, 20.000 personnes passent la nuit en prière sur la montagne. Le vocable de Notre-Dame de la Salette a fait le tour du monde catholique. Les missionnaires de La Salette se font les propagandistes du pèlerinage, soutenus par Don Bosco, Julien Eymard, natif de la Mure, et le curé d’Ars, après une période d’incertitude. Des écrivains et des artistes de talent contribuent également au renom et au rayonnement de la Salette: Huysmans, Massignon, Claudel, Bloy, Maritain, Grenn, Fumet et bien d’autres.

Nous savons que le P. d’Alzon s’est rendu au moins une fois à La Salette: le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne s’y est pas précipité puisqu’il écrit de Paris, le 13 août 1857, soit onze ans après les faits, à l’une de ses dirigées, Mlle Joséphine Fabre: « Je veux de tout mon cœur aller avec vous à La Salette, mais je ne puis encore en préciser l’époque ». Le P. Touveneraud, commentant cette correspondance, ajoute que le P. d’Alzon se rend effectivement sur les lieux en juillet 1858, au cours d’un voyage de Paris à Nîmes, avec arrêts à Genève et à Grenoble, mais nous déduisons d’une remarque du P. d’Alzon, écrite le 16 août 1868 à Mère Marie-Eugénie de Jésus, qu’il n’en garde pas un souvenir ineffable: « La Salette m’a laissé, je ne sais pourquoi, incrédule ou du moins dur et sec ». A-t-il été impressionné par le caractère aride des lieux et du message? Claudel lui-même, plus tard, décrira les lieux « comme un pays en deuil, avec ces profondes avenues de schiste noir, ces retours plis sur plis autour de nous d’une roche âpre et crue, car air glacé et tranchant, ces maisons d’une pauvreté sinistre avec leurs fenêtres toujours petites ».

Et cependant La Salette va jouer un grand rôle dans la constitution des ‘grands’ pèlerinages organisés par les religieux Assomptionnistes de Paris à partir des années 1872-1873, notamment les PP. Picard et Vincent de Paul Bailly, sous l’égide de l’Association de Notre-Dame de Salut. Ils y conduisent le fameux pèlerinage d’août 1872, accompli dans l’atmosphère mi-héroïque, mi-merveilleuse des aventures de la foi. Les pèlerins sont accueillis à Grenoble par des jets de pierres et des quolibets hostiles. Les conditions d’accueil, de transport et d’hébergement sont des plus spartiates. Et pourtant, là-haut, sur la sainte colline, est crée le bureau ou Conseil général de pèlerinages. Un bulletin de liaison est lancé, appelé lui- aussi à une aventure éditoriale peu commune, Le Pèlerin. Le préjugé défavorable du P. d’Alzon n’en est pas moins tenace. En août 1875, affligé, il confie à Mère Marie-Eugénie de Jésus:  » 100 pèlerins à La Salette! Quelle mauvaise plaisanterie! Il faut savoir finir à temps ». Il a même la tristesse d’écrire que le temps de pèlerinages est passé, preuve d’ailleurs qu’un fondateur n’a pas toutes les grâces de prophétie!

Ces sentiments plutôt négatifs ne l’empêchent pas cependant de se faire l’écho d’un miracle attribué à Notre-Dame de La Salette, de réclamer à Paris des prospectus à diffuser sur le culte de la ‘Vierge qui pleure’ et de participer à Nîmes à l’œuvre diocésaine en faveur des pèlerinages de La Salette. D’ailleurs ‘cette prophètie de malheur’ du P. d’Alzon n’est pas sans appel : nous le pensons mieux inspiré quand il écrit une circulaire au clergé de Nîmes, datée du 23 août 1873, dans le projet de former un pèlerinage diocésain des hommes à Lourdes :  » Il paraît que les pèlerinages ont quelque chose de ces abîmes du Seigneur qui appellent de nouveaux abîmes’. Les trésors de grâce, obtenus dans un pèlerinage, appelleront d’autres trésors et des pèlerinages nouveaux… ».

Plusieurs raisons expliquent ou rendent compte de l’attitude ou des réflexions ponctuellement pessimistes du P. d’Alzon: il n’ignore pas que La Salette a donné lieu à une controverse violente entre ses partisans et ses détracteurs, sous une forme polémique et prolongée qui n’a pas encore désarmé, débordant la question de la personnalité et du destin des deux ‘visionnaires’.

Dans la mouvance et même le tourbillon des activités suscitées à partir de 1871, il craint que ses religieux à Paris, tels les PP. Picard et Vincent de Paul Bailly, très exposés dans l’opinion catholique, ne se laissent entraîner ou déborder dans la dispersion d’œuvres suscitées au sein de l’Association Notre-Dame de Salut. Il redoute d’abord les effets de cette surcharge sur leur santé, mais il appréhende aussi les récriminations du clergé séculier et de la hiérarchie devant des initiatives apostoliques que le Père estime en fait pleinement du ressort de l’animation pastorale des Ordinaires mais qu’en l’occurrence ces derniers ne contrôlent pas entièrement et qui peuvent susciter des jalousies nuisibles. Un souci constant chez le P. d’Alzon, vicaire général expérimenté, habite sa conception des relations entre les deux clergés: favoriser leur harmonie et laisser au clergé séculier la préférence ou la priorité chaque fois que l’ombre d’une rivalité peut l’opposer au second, ce qui n’a pas manqué de se produire à propos de l’animation et de la direction des pèlerinages.

Enfin le P. d’Alzon place ailleurs les urgences ou priorités de l’heure: sans contester le bien-fondé des choix ou des activités apostoliques de ses religieux à Paris, il aimerait les impliquer davantage et les centres tous sur les ‘premiers problèmes’ de l’heure, à ses yeux: la reprise de la Revue de l’enseignement chrétien et la préparation du Congrès des chefs d’établissements catholiques, la question des œuvres ouvrières et sociales partagées en écoles rivales ou dissidentes que la réunion d’un Congrès pourrait sinon unir du moins fédérer, le soutien actif au lancement de la formule de l’alumnat, la recherche de vocations et la prospection de fonds.
(à suivre)

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ZENIT Staff

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