L’archevêque catholique de Colombo constate une perte de valeurs fondamentales dans la vie quotidienne des Sri Lankais et en tient pour responsable le système éducatif national. Au cours d’une récente causerie dans une école catholique, Mgr Oswald Gomis a déclaré que les Sri Lankais étaient submergés par "l’échec d’une société qui avait mis de côté ses valeurs religieuses et morales". Il a cité "les innombrables victimes innocentes de la crise ethnique", une lutte qui dure depuis vingt ans entre les rebelles tamouls et le gouvernement de Colombo dans un climat général de peur et d’intolérance.

L’irresponsabilité des politiciens et des médias aggrave encore la situation et "presque chaque profession est salie et contaminée par la cupidité et l’ambition", a déploré Mgr Oswald Gomis. «Dans cet état de chaos, il nous faut avouer, à notre grande déception, que c’est l’incapacité de notre système éducatif à inculquer les vraies et durables valeurs qui a provoqué cette situation". "La vie humaine a perdu et sa valeur et son sens. Aujourd’hui, la culture de la mort règne dans notre pays", a constaté le 19 février Mgr Gomis s’adressant aux religieuses, aux enseignants et aux étudiants à l’occasion de la distribution annuelle des prix de l’Ecole du Couvent de St Laurence, tenue par les sœurs du Bon Pasteur de Colombo. L’archevêque a souligné le rôle de l’Eglise pour agir à contre-courant. "Je fais appel à vous les enseignants, à vous les parents et particulièrement aux religieuses qui, de par leur vie consacrée, considèrent la formation des enfants comme leur unique priorité. Dans l’enseignement, a-t-il dit aux éducateurs, c’est votre contact personnel qui les encouragera et les formera pour une vie de générosité et de service des autres, sans égoïsme ni ambition ou cupidité." Il a demandé aux familles de s’unir pour travailler ensemble à la formation de la nouvelle génération.

Le lendemain, alors qu’il présidait une autre cérémonie au collège St Joseph, l’archevêque a lancé un appel pour une politique nationale cohérente dans le domaine de l’éducation. Pour l’instant, a-t-il fait observer, la politique de l’éducation change à chaque changement de gouvernement, même si le système éducatif est, en général, "bien intentionné" quoique mal appliqué. "L’opportunisme politique, les intérêts communautaires et les privilèges personnels, aux dépens du bien public, sont devenus la priorité face aux problèmes nationaux. Il en résulte que les principaux secteurs essentiels à l’édification d’une nation ont été sérieusement lésés, si ce n’est totalement ruinés. L’éducation est l’un de ces secteurs. Si nous voulons sortir le pays de cette situation et progresser, il est impératif qu’une politique nationale soit formulée et acceptée par tous" (1). Dans cette situation, Mgr Gomis a demandé aux écoles catholiques que leur enseignement soit au service d’une éducation globale. Elles doivent être "des pépinières où se forment de bons et loyaux citoyens".

Faisant allusion aux accusations de certains groupes extrémistes qui reprochent aux chrétiens de chercher indûment à convertir les bouddhistes (2), l’archevêque a ajouté : "Ce n’est pas notre intention de gérer ces écoles comme autant de centres de prosélytisme, quoiqu’en pensent certains. Ces écoles sont principalement destinées aux enfants catholiques. Les élèves d’autre appartenance religieuse qui les fréquentent y reçoivent une éducation religieuse en accord avec leur propre croyance comme dans les écoles de l’Etat. Le fait d’avoir formé un grand nombre de leaders non chrétiens en est une preuve suffisante."

(1) Seules les écoles catholiques prestigieuses sont restées sous administration ecclésiastique après la nationalisation de l’Education en 1960. Les annexes de quelques-unes d’entre elles ouvertes ces deux dernières années sont les premières nouvelles écoles catholiques de la décennie. Sur les tensions entre l’Education nationale et l’Eglise catholique, voir EDA 280, 314, 362 et 378
(2) Voir EDA 390, 391, 392
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