CITE DU VATICAN, Mercredi 13 juin 2001 (ZENIT.org) – L´édition de L´Osservatore Romano en français du 12 juin propose la traduction de la catéchèse de Jean-Paul II du 6 juin, sur le Cantique du Livre des chroniques.
Au sommaire de cette édition, on trouve également:
-Canonisations: Jean-Paul II proclame cinq nouveaux saints en la solennité de la Sainte Trinité
Le témoignage éloquent des nouveaux saints reflète la gloire trinitaire de Dieu
-Le Cardinal Pierre Eyt est décédé
-Charité: Audience aux membres de la « Papal Foundation »
Un soutien qui permet d´accomplir des œuvres au nom du Christ et de son Eglise
– « A toi Dieu, honneur et gloire » –
Lecture: 1 Ch 29, 10-13
« Béni sois-tu, Yahvé, Dieu d´Israël, notre Père » (1 Ch 29, 10). Cet intense cantique de louange que le livre des Chroniques met sur les lèvres de David, nous fait revivre l´explosion de joie avec laquelle la communauté de l´ancienne alliance salua les grands préparatifs faits en vue de la construction du temple, fruit d´un engagement commun du roi et des nombreuses personnes qui s´étaient prodiguées avec lui. Ils avaient rivalisé de générosité, car c´était ce qu´exigeait une demeure qui n´était pas « destinée à un homme mais à Yahvé Dieu » (1 Ch 29, 1).
En relisant cet événement après plusieurs siècles, le Chroniqueur a l´intuition des sentiments de David et de ceux de tout le peuple, de leur joie et de leur admiration pour ceux qui avaient apporté leur contribution: « Le peuple se réjouit de ce qu´ils avaient fait, car c´était d´un cœur sans partage qu´ils avaient ainsi fait des offrandes volontaires pour Yahvé; le roi David lui-même en conçut une grande joie » (1 Ch 29, 9).
2. Tel est le contexte dans lequel naît le cantique. Mais celui-ci ne s´arrête que brièvement sur la satisfaction humaine, pour placer immédiatement au centre de l´attention la gloire de Dieu: « A toi, Yahvé, la grandeur […] la royauté… ». La grande tentation qui est toujours aux aguets, lorsque l´on accomplit des œuvres pour le Seigneur, est celle de se placer soi-même au centre, en se sentant comme les créditeurs de Dieu. David, en revanche, attribue tout au Seigneur. Ce n´est pas l´homme, avec son intelligence et sa force, qui est le premier artisan de ce qui a été réalisé, mais Dieu lui-même.
David exprime ainsi la profonde vérité que tout est grâce. D´une certaine façon, ce qui a été donné pour le temple n´est que la restitution, d´ailleurs extrêmement réduite, de ce qu´Israël a reçu avec le don inestimable de l´alliance que Dieu stipula avec les Pères. Dans la même optique, David attribue au Seigneur le mérite de tout ce qui a constitué sa fortune, que ce soit dans le domaine militaire ou politique et économique. Tout vient de Lui!
3. D´où l´élan contemplatif de ces versets. Il semble que les paroles ne suffisent pas à l´auteur du Cantique pour confesser la grandeur et la puissance de Dieu. Il le considère tout d´abord dans sa paternité particulière qu´il a révélée à Israël, « notre Père ». Tel est le premier titre qui exige la louange « maintenant et à jamais ».
Dans la récitation chrétienne de ces paroles nous ne pouvons que rappeler que cette paternité s´est pleinement révélée dans l´incarnation du Fils de Dieu. C´est lui, et lui seul, qui peut parler à Dieu en l´appelant, au sens propre et affectueusement, « Abbà » (Mc 14, 36). Dans le même temps, à travers le don de l´Esprit nous est communiquée sa filiation, qui nous rend « fils dans le Fils ». La bénédiction de l´antique peuple d´Israël pour Dieu le Père acquiert pour nous l´intensité que Jésus nous a manifestée en nous apprenant à appeler Dieu: « notre Père ».
4. Le regard de l´auteur biblique passe ensuite de l´histoire du salut à l´univers tout entier, pour contempler la grandeur de Dieu créateur: « Tout ce qui est au ciel et sur la terre est à toi ». Et aussi: « Tu es souverainement élevé au-dessus de tout ». Comme dans le Psaume 8, le priant de notre Cantique lève la tête vers l´étendue infinie des cieux, il étend ensuite son regard émerveillé sur l´immensité de la terre, et il voit que tout est soumis à la domination du Créateur. Comment exprimer la gloire de Dieu? Les paroles se chevauchent, dans une sorte de rythme mystique: grandeur, puissance, gloire, majesté, splendeur; puis à nouveau force et puissance. Tout ce que l´homme éprouve de grand et de beau doit être référé à Celui qui est à l´origine de toute chose et qui gouverne tout. L´homme sait que ce qu´il possède est un don de Dieu, comme le souligne David en poursuivant dans le Cantique: « Car qui suis-je et qu´est-ce que mon peuple pour être en mesure de faire de telles offrandes volontaires? Car tout vient de toi et c´est de ta main même que nous t´avons donné » (1 Ch 29, 14).
5. Cette vision de la réalité comme don de Dieu, nous aide à conjuguer les sentiments de louange et de reconnaissance du Cantique avec l´authentique spiritualité « d´offrande » que la liturgie chrétienne nous fait vivre, en particulier dans la célébration eucharistique. C´est ce qui ressort de la double prière avec laquelle le prêtre offre le pain et le vin destinés à devenir le Corps et le Sang du Christ: « De ta bonté nous avons reçu ce pain, fruit de la terre et du travail de l´homme, nous te le présentons pour qu´il devienne pour nous nourriture de vie éternelle ». La prière est répétée pour le vin. Des sentiments semblables sont suggérés par la Divine Liturgie byzantine ainsi que par l´antique Canon romain, lorsque dans l´anamnèse eucharistique ils expriment la conscience d´offrir en Don à Dieu les choses reçues de Lui.
6. Une dernière étude de cette vision de Dieu est effectuée par le Cantique en considérant l´expérience humaine de la richesse et du pouvoir. Ces deux dimensions étaient apparues alors que David préparait ce qui était nécessaire pour construire le temple. Il pouvait lui-même éprouver la tentation qui est une tentation universelle: agir comme si l´on était les arbitres absolus de ce que l´on possède, en faire un motif d´orgueil et d´abus envers les autres. La prière récitée dans ce Cantique ramène l´homme à sa dimension de « pauvre » qui reçoit tout.
Les rois de cette terre ne sont alors que l´image de la royauté divine: « A toi, Yahvé, la royauté ». Les riches ne peuvent pas oublier l´origine de leurs biens: « La richesse et la gloire te précèdent ». Les puissants doivent savoir reconnaître en Dieu la source de « toute grandeur et puissance ». Le chrétien est appelé à lire ces expressions, en contemplant avec joie le Christ ressuscité, glorifié par Dieu « bien au-dessus de toute Principauté, Puissance, Vertu, Seigneurie » (Ep 1, 21). Le Christ est le véritable Roi de l´Univers.
©L´Osservatore Romano – 12 juin 2001